jeudi 26 janvier 2012

Paradoxe résolu !

3 T.O. Jeudi - (Mc 4.21-25)

La liturgie ne nous permet pas parfois de suivre la logique des textes qui nous sont habituellement proposés au “Temps Ordinaire“. Car il est très louable et profitable d’interrompre cette logique pour célébrer également la gloire des Saints (Hier, c’était la Conversion de St Paul- Demain Sts Tite et Timothée). - De plus, St Marc, toujours très concis, n’offre pas toujours dans son évangile une clarté fulgurante dans la suite de sa narration.

Ainsi, hier, nous aurions du entendre la parabole du Semeur. Vous la connaissez bien cette parabole : “Le semeur sortit pour semer… “. Et le grain qu’il répand tombe sur le chemin, sur les rocailles, dans les ronces …ou dans la bonne terre… ! Et Notre Seigneur lui-même d’en donner l’explication en insistant sur la responsabilité de chacun à accueillir la Parole de Dieu pour qu’elle porte du fruit…

Demain, nous devrions entendre deux petites paraboles : celle de la semence qui pousse toute seule…, et celle de la petite graine de moutarde qui devient un arbre capable d’abriter les oiseaux du ciel…

Ces deux sections de paraboles - celle d’hier et celles de demain -, unies par l’image des semailles, semblent s’opposer !
- Le premier thème insiste sur la responsabilité de chacun à accueillir la semence de la Parole divine.
- Le second thème précise comment la semence porte du fruit par elle-même : que l’homme “dorme ou veille !“, elle produit l’herbe, puis l’épi ; et bientôt c’est la moisson ! (Mc 4.27).
D’une part, tout se décide par l’homme en sa manière d’accueillir ; et, d’autre part, tout est entre les mains de Dieu depuis le commencement jusqu’à la fin de la récolte ! Enseignement paradoxale…, à quelques lignes d’intervalle !

Essayons de traduire : Ce qui a été révélé en Jésus-Christ doit, de nécessité divine, parvenir à sa pleine manifestation, à sa parfaite fertilité en l’homme. Mais l’homme demeure cependant responsable de son attitude vis-à-vis de cette révélation.

Paradoxe qui provoque une tension : tout arrive comme prédit, prévu par Dieu ; tout n’en demeure pas moins dépendant de l’homme accueillant ou non ! Tout est don de Dieu ; et tout est fruit de la disponibilité d’un chacun.
- Ainsi, le massage de Jésus a été reçu par les uns et refusé par les autres. Le refus des autorités juives relève pleinement de leur responsabilité. Mais le message ne cesse d’être offert !
- De même, le mystère du Royaume de Dieu donné à la Communauté chrétienne dépend bien de celle-ci, mais elle est en même temps don permanent et gratuit de Dieu !

Toute une théologie de l’histoire, de la liberté humaine et toute une Providence divine sont impliquées dans ce paradoxe. Les contradictions et même le tragique qui caractérise la condition chrétienne depuis les débuts de son histoire se voient assumées dans une vision théologique dont le ressort fondamental est l’espérance, l’espérance en la Miséricorde divine manifestée dans le mystère pascal du Christ, semence de Dieu jetée en la terre de l’homme.

Peut-être, justement, que cette solution de ce paradoxe de la vie chrétienne est signifiée dans notre évangile d’aujourd’hui placé intentionnellement au milieu de ces paraboles qui semblent s’opposer. Jésus disait : “Est-ce qu’on apporte la lampe pour la mettre sous le boisseau ?“. Littéralement : “Est-ce que la lampe vient… ?“. Cet emploi curieux du verbe “venir“ pour une lampe évoque, bien sûr, la venue du Christ qui disait : “Moi, la lumière, je suis venu dans le monde“ (Jn 12.46). Car “en lui était la lumière des hommes !“ (Jn 1.4).

Dès lors, avec le Christ, “rien de caché qui ne doive venir au grand jour“, et en particulier “le mystère caché tout au long des âges et que Dieu a manifesté maintenant“ (Col 1.26), pour être “destiné à notre gloire“ (I Co. 2.7). Oui, ce mystère caché se révèle en Jésus Christ : “Je suis la lumière du monde“, disait Jésus (Jn 8.12).Que cette lumière brille au milieu des ténèbres“ (2 Co. 4.6).

Bien plus, avec le Christ, “tout ce qui est manifesté est lumière“ (Eph. 5.14), devient lumière, les ténèbres disparaissant, le péché faisant place à la grâce de sorte que “Celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière“ (Ephs. 2.9), nous dit désormais : “maintenant, vous êtes lumière dans le Seigneur“ (Eph. 5.8) ; soyez “comme des sources de lumières dans le monde“ (Ph. 2.15). C’est ainsi que “la lumière brille pour tous ceux qui sont dans la maison“ (Mth 5.15), afin, disait Jésus, qu’“en voyant vos bonnes œuvres, les hommes rendent gloire à votre Père qui est aux cieux“. (Mth 5.16).

Ainsi la solution au paradoxe de notre vie chrétienne est de sans cesse nous exposer aux rayons de cette Lumière divine. Or, le Verbe étant la lumière du monde“ (Jn 1.9), s’exposer à la Lumière divine, c’est avant tout : Ecouter ! “Si quelqu’un, ajoute Notre Seigneur, a des oreilles pour entendre, qu’il entende !““Faites donc attention à la manière dont vous écoutez“, précisera St Luc (8.18). Et St Bernard de commenter : “Tu désires voir, écoute d’abord !“.

Oui, il nous faut être attentifs, “car celui qui possède, on lui donnera ; et celui qui ne possède pas, on lui enlèvera même ce qu’il possède !“. C’est dire qu’en ce domaine de l’accueil du “Verbe de vie“ (I Jn 1.1), il n’y a pas de neutralité possible. C’est la vie ou la mort ! Pour Marc surtout, ne pas discerner le secret du Royaume en Jésus augmente encore la cécité face à ce Royaume. Par contre, plus on entre dans le mystère du Christ, plus il nous sera donné ! Car Dieu qui a livré son propre Fils pour nous tous, comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout ?“ (Rm 8.32).

Aussi, alors même que nous nous sentirions indignes vis-à-vis de Dieu, n’hésitons pas à faire cette prière avec St Augustin : “Par tes miséricordes, dis-moi ce que tu es pour moi. Voici les oreilles de mon cœur devant toi… Ouvre-les et dis à mon âme : « Moi, je suis ton salut »“.

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