mercredi 11 janvier 2012

Contemplation - Prédication

1 T.O. Mercredi

Nous poursuivons aujourd’hui l’évangile de Marc. Il est, me semble-t-il, très sympathique, ce Marc, dans sa simplicité, dans son enthousiasme… toujours empressé. On dirait qu’il suit Jésus d’un tel zèle qu’il s’essouffle dans la poursuite des événements qui se succèdent. Son attitude paraît même très amusante : si vous lisez son évangile “mot à mot“, on est frappé par certaines expressions, par exemple : « “et“ ceci ; “et“ cela encore… ». A chaque instant, il émaille son discours de cette conjonction de coordination “et“, comme pour marquer le rythme de sa respiration haletante dans sa course à la suite de Jésus. Il y ajoute même un “aussitôt“ plein d’ardeur :
1.21 : “Aussitôt, il entre dans la synagogue…“.
1.23 : “Aussitôt, il y a dans la synagogue un homme…“.
1.28 : “Aussitôt, sa renommée se répandit…“.
1.30 : “Aussitôt, les disciples lui parlent de la belle-mère de Simon…“.
1.47 : “Aussitôt, sa lèpre s’en va…“. Etc

Avec la succession des lieux en même temps, on dirait une juxtaposition d’images comme dans un montage de diapositives qui s’enchaînent rapidement ! Puissions-nous avoir spirituellement, même avec l’âge, cet élan enthousiaste à la suite de Jésus !

Cependant, Jésus, lui, sait s’arrêter… pour prier ! “Dès avant l’aube, Jésus se lève. Il sort et il va dans un endroit désert ; et là il priait“. Au milieu de ce rythme essoufflant de la prédication que rapporte Marc, Jésus se retire pour prier ! C’est que sa prédication ne devait être que le prolongement de ce dialogue qu’il entretenait, parfois toute la nuit, avec son Père !

Oui, la prédication devrait être toujours un débordement de la contemplation. La formule est de St Thomas d’Aquin : “contemplata aliis tradere“.

Cette théorie se trouve également dans la tradition juive !
On rapporte une anecdote d’un célèbre rabbin, Israël ben Eliezer, appelé encore plus communément le“ Baal Shem Tov“ ( = le “Maître du Bon Nom“). Homme pieux, mystique, fondateur du judaïsme hassidique, il vivait au 18ème siècle, en Pologne, près de la frontière russe.
Un jour, il lisait ce verset du Cantique des cantiques : “Les mandragores exhalent leur parfum, à nos portes sont tous les meilleurs fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les ai réservés pour toi, mon bien-aimé“. Il s’arrêta, puis fit cette prière d’action de grâce à Dieu : “Tout ce qui est en moi, Seigneur, tout, le nouveau comme l’ancien, pour toi seul, tout pour toi !“.

Alors ses disciples qui l’entouraient et l’écoutaient avec grande attention se regardent et se disent : “Pourtant le Rabbi, c’est bien pour nous qu’il donne les paroles de l’enseignement !“ - Le Maître les entendant leur dit alors : “Oui, mais pour vous, c’est comme le tonneau quand il déborde… !“. Oui, la prédication : comme un débordement de la contemplation ! St Jérôme, quand il commence son commentaire sur Isaïe, remarque lui aussi : “J’imiterai l’épouse qui dit dans le Cantique des cantiques : “Les fruits nouveaux comme les anciens, je les ai gardés pour toi“. Et il ajoute : “C’est ainsi que je commenterai Isaïe…“ : la prédication : un débordement de la Parole de Dieu chez le croyant !

Le terme “contemplation“ appartient au vocabulaire de la prière chrétienne. Sur le plan étymologique, il renvoie à la vision de Dieu faite dans son temple (cum-templo). Puissions-nous avoir cette grâce ! Car cette forme de prière ne peut être qu’un don divin ! Et c’est alors que la vie devient obligatoirement une prédication !

Le pape Paul VI, dans le discours de clôture de la 9ème session du Concile Vatican II, le 7 décembre 1965, eut l'heureuse intuition de donner de la contemplation une sorte de définition pour notre époque, en exaltant l'humanisme chrétien. Il dit à propos de la foi au Dieu vivant, qu'elle est le principe de l'authentique humanisme : “L'effort de fixer en Lui notre regard et notre cœur, dans une attitude de contemplation, devient l'acte le plus élevé et le plus plénier de l'esprit, celui qui aujourd'hui encore peut et doit ordonner l'immense pyramide des activités humaines”. Selon cette définition, la contemplation unit le regard de l'esprit et l'élan du cœur, la foi qui connaît et la charité qui aime.

Que le Seigneur nous donne, tout en même temps, ce regard de foi et cet élan d’amour et vers Lui et vers nos frères… !

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