lundi 23 janvier 2012

Le vrai blasphème !

3 T.O. Lundi (Mc 3.22-30)

Quand on est étonné et que l’on ne comprend pas, on prend pourtant très facilement - et malheureusement - position pour ou contre… Car il faut bien, n’est-ce pas, donner une explication, une opinion - orgueilleusement le plus souvent - ! C’est fréquent cela. Pourtant, j'ai appris de la Règle de St Benoît et de son application chez des religieux "grands savants", qu'il n’y a aucune honte à dire parfois : “Je ne sais pas“ !

Ainsi, les concitoyens de Jésus, ceux de Nazareth, à qui on rapporte ses paroles et surtout ses actes de guérison, au lieu de simplement s’interroger, se positionnent facilement vis-à-vis de ce garçon qu’ils ont vu grandir et qu’ils sont sensés bien connaître. Evidemment. Si quelques-uns humblement “s’étonnaient du message de la grâce qui sortait de sa bouche“ (Lc 4.22), d’autres, plus nombreux et avec superbe, affirment comme les membres de sa propre famille (ils sont - pensent-ils orgueilleusement - bien placés pour cela, évidemment !) : “Il a perdu la tête“ (Evangile de Samedi).

Aujourd’hui, l’évangile nous présente des scribes qui viennent pour une enquête sans doute au sujet de ce Jésus déroutant et peut-être inquiétant. Ce n’est pas la première fois ! Ce ne sera pas la dernière. St Jean, tout au début de son évangile avait bien précisé :“Il était dans le monde… ; et le monde ne l’a pas reconnu“ (Jean 1.10). Et très vite, ces scribes de conclure avec arrogance : “Il est possédé par Béelzéboul !“. Au fond, c’est la même interprétation que celle de la parenté de Jésus (“Il a perdu la tête“) ; mais on pourrait dire que les scribes la formulent “en théologiens“. C’est quand même beaucoup plus grave. “C’est par le chef des démons qu’il chasse les démons“. Il s’agit là d’une accusation nouvelle suscitée par l’étonnement des témoins lors de la toute première journée apostolique de Jésus à Capharnaüm : “Il commande même aux esprits impurs ; et ils lui obéissent !“ (1.27). “Il chassa de nombreux démons ; et il ne laissait pas parler les démons, parce que ceux-ci le connaissaient“ (1.34). Il y a là déjà une progression dans l’hostilité envers Jésus par rapport aux scènes précédentes de “controverse“: on traite Jésus de suppôt de Satan. Rien que cela.

Jésus répond par deux paraboles (c’est la première fois que le mot est employé en St Marc).
L’une nous est très compréhensible : “Si une famille est divisée, cette famille ne peut pas tenir“. C’est toujours d’actualité malheureusement !
L’autre est plus osée : il s’agit d’un cambriolage. Est-ce une bonne comparaison ? En fait, cette comparaison est au service d’un seul aspect : le fait qu’un “plus fort“ est à l’œuvre. Et le “plus fort“ ici ne peut désigner que Jésus. Jésus est plus fort que Satan ! Une anecdote : Quand Jean XXIII annonça l’ouverture d’un Concile, un de ses cardinaux lui dit : “Vous allez déchaîner le diable“. Et le bon Pape Jean de répondre : “Oui, je sais, je sais ! Mais nous sommes (avec le Christ) plus forts que le diable !“.

Oui, le Christ est le plus fort ! Pour les lecteurs, la réponse de Jésus s’éclaire grâce à l’information reçue dès le prologue de l’évangile : “Celui qui est plus fort que moi vient après moi“, disait Jean-Baptiste, car lui “baptisera dans l’Esprit-Saint“ (1.7,8). Lors de son baptême, l‘Esprit était descendu sur lui (1.10). Et c’est avec l’Esprit qui le pousse au désert qu’il est vainqueur du démon (1.12,13).
L’interprétation théologique des scribes est donc blasphématoire au plus haut degré : “Il a Béelzéboul en lui !“ (3.22). Notons au passage à ce sujet que la première accusation portée contre Jésus était précisément celle de blasphémateur, à l’occasion des péchés qu’il remet aux paralytique : “Il blasphème ! Qui peut pardonner les péchés ?“ (2.7). Ce sera aussi la dernière lors de l’interrogation de Jésus par le Grand-Prêtre : “Qu’avons-nous encore besoin de témoin ? Vous avez entendu le blasphème !“ (14.64). Cela aussi est courant : les blasphémateurs accusent de blasphème !

Ainsi qui refuse de reconnaître l’Esprit en Jésus se ferme au pardon et s’exclut finalement de la “Bonne Nouvelle“ de Dieu annoncée par Jésus. Car cette “Bonne Nouvelle“ est justement pardon des péchés et don de l’Esprit Saint !

Oui, Jésus est donc le plus fort ! Et avec lui, nous sommes les plus forts ! Unis au Christ, nous avons la force même de Dieu ! Avons-nous suffisamment foi en cette réalité.
Car ne pas croire à cette réalité, en tant que chrétiens, c’est peut-être le “péché contre l’Esprit Saint“ dont il est question. Dieu est en nous depuis notre baptême. Il nous conduit par son Esprit : “Seuls sont enfants de Dieu ceux qui se laissent conduire par son Esprit“ (Rm 8.14). Nous ressentons cette présence agissante de l’Esprit, sa force en nous. Et non seulement nous n’agissons pas en conséquence par faiblesse - bien sûr ! -, mais, plus ou moins, nous nions cette présence en nous ! Nous n’en tenons pas suffisamment compte, et parfois consciemment !

Mais, “si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous“. (Rm 8.11).
Telle est notre foi, notre espérance !

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