dimanche 22 janvier 2012

Le sens de la vie !

3ème Dimanche. T.O. 12/B

Paroles énigmatiques que celles de St Paul ! “Le temps est limité“, dit-il, très court ! Notre monde passe vite ! Alors, vivez dans le monde comme n’y étant pas ! Possédant sans avoir, vous mariant sans vous unir, heureux sans plaisir, pleurant sans affliction, affairé sans profiter. Paroles difficiles à saisir quand même!

Pour comprendre, il faut se replacer dans la perspective des prophètes ou des écrivains chrétiens. Pour eux, toute réalité doit être mise ou remise dans sa relation au dessein de Dieu ; toute activité ne peut s’épanouir que dans sa parfaite correspondance à la volonté de Dieu qui oriente l’homme et le monde vers le salut qu’il propose. Tout s’oriente vers Dieu ! Voilà la grande affirmation de Paul !

Et ce mode de pensée ne manque pas de grandeur : le sens de la vie est ainsi mis en lumière ! Sachant où il va, l’homme peut alors orienter la marche de son existence !

Mais ce mode de pensée a aussi ses limites : on ne dit rien des problèmes concrets, des difficultés quotidiennes (“Il faut pourtant bien vivre”, comme on dit !). La passion du futur, du définitif élève le regard de Paul et lui fait négliger, semble-t-il, les difficultés qu’il a pourtant bien connues tout au long de son existence !

Mais Paul reste impatient du terme à atteindre ! De tout son être il s’élance vers le but : “Je voudrais bien m’en aller pour être avec le Christ…”, avec Dieu (Ph. 1.23) ! Voilà bien le sens de la vie de l’apôtre, le but de tous ses efforts ! Et tous les Saints diraient de même ! “De mon être solitaire, je me tends ver la Trinité tout entière”, disait Grégoire de Nazianze. Les dernières paroles de Jean-Paul II furent : “Laissez-moi aller vers le Père !“.

St Paul s’exprime là en “prophète”, si je puis dire ! Son attention est si captivée par le terme de toute l’histoire et du monde et des hommes - la rencontre avec le Seigneur ! - qu’il en oublie le reste - les contingences de la vie -. St Paul n’en ignore rien. Il a eu grandement sa part de souffrances au milieu des difficultés de toutes sortes, des nombreux problèmes quotidiens. Il ne craint nullement d’en parler dans une de ses lettres (Cf. 2 Co. 11). Il sait aborder n’importe quel problème, souci…
Et, s’il le faut, face aux circonstances diverses, il sait, en casuiste averti, faire référence aux préceptes pour conseiller, redresser, avertir… Mais ce n’est pas son souci premier. Car, pour lui, la morale, la conduite humaine, c’est avant tout une orientation, un élan qui organise tout. D’ailleurs, serait-il possible de vivre dans un profond désordre si l’on a en vue la rencontre avec le Christ ? Aussi, St Paul invite tous les chrétiens à retrouver l’axe vrai de leur vie, celui qui oriente vers le Seigneur. Pour ce qui est du reste, de la complexité quotidienne, parfois douloureuse, chacun doit chercher résolument et il trouvera les bonnes solutions, en sachant qu’elles pourront même être données… par surcroît : “Cherchez le Royaume de Dieu…” , disait Notre Seigneur !

Retrouver l’axe vrai de sa vie ! N’est-ce pas ce à quoi les gens de Ninive sont invités, eux aussi ! Si vous avez un peu de temps, relisez le livre de Jonas. C'est un des plus courts de l'Ancien-Testament. C'est un récit écrit après le retour d'exil des Juifs. Il est plein d'humour et d'ironie ; et sous un mode plaisant, il nous apporte d'importantes leçons religieuses ! - Je n'en retiendrai qu'une seule : les païens, “les autres“, les pécheurs, les non-pratiquants, les incroyants ne sont peut-être pas aussi "mauvais" que nous pourrions le penser parfois. Ils sont capables de se convertir, de retrouver, comme nous y invite St Paul, de retrouver l’axe vrai de leur vie.

Dans la Bible, Ninive avait une sinistre réputation : "Malheur à la ville sanguinaire, s’écriait un prophète, Nahum, toute en mensonges, pleine de rapines, qui ne cesse jamais le pillage" (3.1sv). Et l'histoire assyrienne atteste que la Bible n'a pas exagéré. Pourtant, c'est à Ninive, à ce peuple de pécheurs que Dieu envoie son prophète pour les appeler à la conversion.

Et bon gré, mal gré, Jonas s’en va s'écriant lui aussi : “Le temps est limité !“. "Encore quarante jours et Ninive sera détruite" - Voilà au moins un sermon qui est bref et précis. C'est la promulgation d'un jugement : le salaire du péché, c'est la mort ! - Or, quelle va être la réaction de ces mécréants pour qui Jonas n'est qu'un inconnu, un étranger ? Vont-ils le tuer ? Non ! Aussi étrange que cela paraisse, ils vont croire à la Parole de Dieu, en tirer les conséquences. Ils vont se reconnaître pécheurs. Et ils vont changer de vie : "chacun, est-il demandé, se détournera de sa mauvaise conduite et de l'iniquité que commettent ses mains…" (3/8) ! Retrouver l’axe vrai de sa vie !

La conversion de ces païens ne nous interroge-t-elle pas ? Oui, c'est donc bien vrai que la Parole de Dieu peut changer radicalement des vies d'hommes et de femmes. - Mais, au fait, cette Parole de Dieu, nous l'entendons chaque jour, au moins chaque dimanche (quand nous n'arrivons pas trop en retard). Elle est à notre disposition - peut-être - chez nous, dans la Bible. Quelle importance lui donnons-nous ? Ce rendez-vous quotidien ou hebdomadaire avec Dieu qui nous parle, le prenons-nous au sérieux ? Après cette Eucharistie, que va devenir pour nous l'appel à la Conversion que Dieu nous lance aujourd’hui ? Pour retrouver l’axe vrai de sa vie !

En fait, je crois que nous rééditons, nous, chrétiens du 21ème siècle, consciemment, inconsciemment, le grand péché des contemporains de Jésus. Ce péché, c'est la distraction, au vrai sens du mot, c'est-à-dire le refus de prêter attention aux appels de Dieu : "Convertissez-vous … , - Reprenez l’axe vrai de votre vie - Croyez à la Bonne Nouvelle".

Le Christ inaugurait son ministère sur une terre bien préparée, la terre du peuple élu, du peuple juif. Pourtant, hormis les apôtres et quelques disciples, il a eu peu de succès… Or, notre pays a été une terre bien préparée également pour toujours recevoir la Bonne Nouvelle du Christ… Qu'en reste-t-il ? Qu'en faisons-nous ? Les gens de Ninive, apparemment bien plus éloignés de Dieu, ont eu un sursaut méritoire et instantané : "Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu…".

J'aime rapprocher cet "aussitôt" du livre de Jonas de l'"aussitôt" de l'évangile : "Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent". On le sait : St Marc utilise très souvent cet adverbe “aussitôt“, comme pour souligner l’urgence de l’élan qui doit nous mener à accomplir le dessein de Dieu, à aller vers Dieu ! “Aussitôt !“.Cela me paraît important dans la réponse que nous avons à donner à Dieu. Nous croyons toujours avoir le temps avec Dieu… Or, nous dit St Paul, "le temps est court, ce monde est en train de disparaître".

Aujourd'hui encore, les vrais disciples du Christ ne doivent être ni des discuteurs orgueilleux, ni des gens "éternellement en recherche", ni des formalistes ; Ils doivent être des humbles qui se reconnaissent pécheurs, qui misent tout sur la miséricorde de Dieu et qui, aussitôt, se mettent à suivre le Christ.

Jeunes ou adultes, est-ce que le mot "aussitôt" figure dans le lexique de nos conversations avec Dieu ? Ne serait-ce pas plutôt les mots "demain", "après-demain"… "plus tard" ?

Bien des fois, au cours des prédications face aux pharisiens, le Christ a évoqué l'histoire de Jonas (Le “signe de Jonas !“). L'Eucharistie nous remet en contact direct non plus avec un prophète, mais avec le Christ lui-même. Il nous redit à nous aussi : "Au jour du jugement, les hommes de Ninive se dresseront face à cette génération et la condamneront parce qu'ils ont fait pénitence à la parole de Jonas ! Or il y a ici plus que Jonas". (Luc 11)

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