lundi 30 janvier 2012

Chez les païens !

4 T.O. Lundi - (Mc 1-20)

La grande section narrative du chapitre 5ème, chez St Marc, alterne avec la première section des chapitres 3 et 4.
Mais on revient au genre “récit“ qui dominait dans les deux premiers chapitres. Cependant, cette fois-ci, le narrateur est beaucoup plus prolixe ! On dirait qu’il aime prendre son temps pour décrire des épisodes assez colorés : la guérison d’un démoniaque (notre évangile), la résurrection de la fille de Jaïre avec, entremêlée, la guérison de l’hémorroïsse. On dirait que ces épisodes ont marqué sa mémoire.

On peut remarquer également la même structure qu’au début de l’évangile :
- Dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus guérit un homme possédé d’un esprit impur (notre évangile d’hier) qui vocifère : “Que nous veux-tu Jésus, le Nazaréen ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu“ (1.24).
- De même, en notre évangile qui débute la seconde section narrative, le démoniaque gérasénien s’écrie : “Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’adjure par Dieu : ne me tourmente pas !“ !
Dans les deux cas, ce sont les démons qui reconnaissent qui est Jésus, alors que tout le monde se pose la question : Mais qui est-il donc pour parler et agir comme il le fait ? Et si Jésus s’adresse d’abord à des possédés, c’est une preuve que son combat est contre les forces du mal, contre Satan !

Autre similitude :
- Après l’exorcisme de Capharnaüm, Jésus, accompagné seulement de Jacques et Jean, va chez Simon-Pierre pour guérir sa belle-mère !
- De même, au chapitre 5ème, Jésus, accompagné des mêmes disciples, entre chez Jaïre pour que sa fille revienne à la vie !
Jésus est le maître de la maladie (de tout mal) et de la mort qu’elle peut provoquer ! Car il est venu pour qu’on ait la vie ! Dans les deux cas, Jésus prend par la main et relève, met debout, en attitude de ressuscité !
De plus, Jésus, depuis la tentation au désert, est toujours en lutte contre les forces démoniques, les forces la mort. Il s’oppose au mal pour faire le bien !
Nous-mêmes, dira St Paul, “faisons le bien sans défaillance“ (Gal 6.9), tout bien qui est à notre portée. Et St Pierre de préciser : “Qui veut aimer la vie doit se détourner du mal et faire le bien“ (I Pet 3.11). Efforçons-nous de toujours faire le bien en implorant : Seigneur, “délivre-nous du mal“ (Mth 6.13), de tout mal !

Mais il faut remarquer aussitôt : chercher le bien, se détourner du mal, ce n’est pas obligatoirement fuir le pécheur. Jésus, face au démoniaque, se trouve en Décapole ! Il est beaucoup question de la Décapole dans les évangiles. Jésus s’y trouvait assez souvent ! Pour deux raisons, semble-t-il.
- D’abord pour fuir le pouvoir despotique d’Hérode-Antipas qui régnait en Galilée et dans la Pérée. A la suite de Jean-Baptiste, Jésus avait un discours assez subversif face à ce tyran, face aussi à Pilate, face au pouvoir en place à Jérusalem. Il y a quelques années, un professeur d’Ecriture Sainte, Gerd Theissen (1), s’est “amusé“ si je puis dire, à faire un récit historique romancé sur la société du temps de Jésus. Et il montre parfaitement que Notre Seigneur pouvait passer aux yeux des tenants du pouvoir, sinon pour un révolutionnaire, un ardent zélote, du moins pour un trublion capable de fomenter séditions, manifestations, voire émeutes. Jésus avait certainement intérêt à fuir la police d’Hérode-Antipas qu’il qualifiait d’ailleurs de “ renard“ (Lc 13.32).
- Deuxième raison : La Décapole est un ensemble administratif qui a été mis en place par Pompée (vers 60 av.J-C), comme tampon contre les incursions assez fréquentes des Parthes, un ensemble de dix villes franches (Déca-polis), peuplées surtout par des païens… qui vont jusqu’à cultiver et manger des cochons ! Rendez-vous compte !
Et bien, Jésus aime se tourner vers les païens pour marquer, déjà, l’universalité du salut qu’il apporte pour tout homme de bonne volonté ! Et les païens ne sont pas seulement les habitants du pays, mais aussi les Romains puisque le nom du démoniaque est “légion“, allusion, évidemment, à l’occupant dont les forces constituaient la “legio decima fretensis“ (2). Or l’emblème de cette “legio“ était le sanglier. Alors entre le sanglier et le cochon, il n’y a pas loin, si je puis dire ! Ainsi donc, les Romains, eux aussi, doivent être “exorcisés“ pour être évangélisés, ce que fait déjà St Paul quand Marc écrit son évangile.
L’Eglise est donc bien Une, Universelle, Catholique… pour tous ! Elle n’est pas, ne doit pas être constituée de groupuscules - plus ou moins orthodoxes d’ailleurs - avec des particularités locales. Ce qui est le grand danger en certains pays, nous le savons. Prions pour l’Universalité de l’Eglise, son Unité.

Enfin une dernière remarque à propos de cet évangile. L’homme délivré de ses esprits impurs “se mit à proclamer dans la Décapole ce que Jésus avait fait pour lui“. “Proclamer“ ! Le verbe employé est “keruzein“ d’où est sorti le mot un peu savant “kérygme“ qui désigne la toute première proclamation des apôtres : “Le Christ est ressuscité !“. L’ancien possédé qui, est-il dit, “venait des tombeaux“, proclame désormais la Vie, la vie de Dieu !

Et pour finir une petite réflexion aussi amusante que percutante : “Les gens du territoire se mirent à supplier Jésus de quitter le territoire“. Non point qu’ils doutent de Jésus, qu’ils lui font des reproches… Mais, que voulez-vous, avec Jésus et l’histoire des cochons, c’est quand même toute une économie qui tombe… dans l’eau ! Dieu ou l’argent ! Il faut choisir ! C’est toujours de grande actualité !


(1) Gerd Theissen :! “A l’ombre du Galiléen“ – Edit Cerf (livre à lire !)
(2) “fretensis“ indique la région du détroit entre la botte de l’Italie et la Sicile.

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