lundi 31 janvier 2011

Prédication !

4 T.O. Lundi - La prédication chez les païens ! (Mc 5.1…20)

Jésus est en Décapole, chez les Géraséniens. On parle beaucoup de la Décapole dans les évangiles ! On peut se demander par où Jésus passait quand il voyageait de la Galilée en Judée. Il semble qu’il ne passait que rarement par la Samarie. Jean et Luc ne précisent que deux fois cet itinéraire. La Samarie est un pays montagneux : il faut donc descendre et monter, redescendre pour remonter. C’est fatiguant ! Jésus - comme les voyageurs de son temps et ceux qui se rendaient à Jérusalem pour les fêtes - passait probablement par la vallée du Jourdain et donc par la Décapole.

Le climat est plus tempéré et le chemin de la vallée moins fatiguant, exception faite du parcours final et difficile, il est vrai, de Jéricho à Jérusalem. Autrement dit - c’est peut-être à remarquer - Notre Seigneur, sans être le moins du monde paresseux, ne recherchait pas obligatoirement les difficultés. La vie offre assez de contraintes pénibles sans devoir les provoquer sous prétexte de pénitence gratuite. Jésus aimait la vie ! Et il cherchait certainement à alléger la fatigue de ses amis. Cependant la véritable Vie, c’est Dieu. Et l’acquisition de cette Vie oblige à un dépassement du fait de notre nature pècheresse. Et s’il faut savoir s’entraîner, comme le souligne St Paul, à ce combat de Vie - c’est tout le mystère pascal -, il n’est pas nécessaire de toujours rechercher les plus dures conditions de la vie. Il y a là certainement toute une réflexion à faire - et St Benoît nous y aide fortement - pour acquérir un salutaire équilibre spirituel, propre à chacun d’ailleurs.

Si c’est une simple réflexion, il y a cependant une constatation : Jésus semblait facilement s’attarder en cette Décapole. Lorsqu’il apprend, par exemple, que Lazare, son ami, est malade, il est en Transjordanie ; et il s’y attarde !
Il y a peut-être une raison que l’on oublie facilement. Pour employer un grand mot, Jésus pouvait se considérer comme une “réfugié politique“ : non seulement il s’éloigne de sa parenté qui affirme qu’il a “perdu la tête“ (Mc 3.21), mais surtout il est obligé de fuir la police de Hérode-Antipas qu’il n’avait pas hésité à traiter de “vieux renard“. Et sans doute avait-il eu d’autres réflexions peu amènes à son égard. Or, ce tétrarque régnait et sur la Galilée et sur la Pérée (la région de Jéricho que Jésus était toujours pressé de traverser). La Décapole, cet ensemble administratif de dix villes franches qui avait été constitué par Pompée comme rempart contre les incursions parthes, offrait un tranquille refuge à Jésus recherché sans doute par les services de sécurité du despote Hérode. En tous les cas, c’est une occasion de prier, avec Jésus pour tous les réfugiés politiques. Et ils sont encore nombreux ceux qui le sont à cause de leur foi !

Mais il y a une autre constatation plus étonnante et profonde : La proclamation de la “Bonne Nouvelle“ se faisait plus facilement en pays païens : en Phénicie (épisode de la Syro-Phénicienne), en Trachonitide, aux sources du Jourdain où l’on vénérait le dieu Pan qui inspirait une peur “panique“ ; et en Décapole, païenne elle aussi (de culture grecque). Or notre évangile se termine ainsi : l’homme délivré par Jésus de son esprit mauvais “se mit à proclamer ce que Jésus avait fait“. Le mot employé est le verbe “kéruzein“, d’où vient le mot “kérygme“ : proclamation, prédication.

C’est en ces pays païens qu’on “proclame“ facilement l’évangile… Il est vrai qu’après la guérison du démoniaque, “les gens se mirent à supplier Jésus de quitter leur territoire“. Ils ne le chassent pas avec violence, étant dans l’admiration sans doute de la merveille opérée par Jésus, mais ils le supplient ! Que voulez-vous ! Même si on admire Jésus, il y a parfois des raisons économiques, sociales pour ne pas pleinement adhérer à son message. C’est courant encore cela ! On préfère ses cochons et la richesse qu’ils représentent à Dieu lui-même !

Manifestement, ces récits ont été rédigés alors que déjà se dévoilait le mystérieux et étonnant paradoxe du dessein de Dieu : par la prédication de Paul et de ses compagnons, les païens se convertissaient alors que le peuple élu restait indifférent, devenait hostile ! C’est tellement curieux : ce sont chez des païens et tellement païens qu’ils mangent du cochon (animal impur) que l’Evangile est le mieux proclamé ! C’est une réflexion-interrogative : “France, fille aînée de l’Eglise, qu’as-tu fait de ton baptême ?“.

Enfin, une remarque - vous en ferez une réflexion appropriée - sur les puissances armées qui occupent certains pays illégitimement ou qui rançonnent le menu peuple au profit des dirigeants, obligés de fuir parfois avec leurs profits accumulés - c’est encore d’actualité ! -. “Quel est ton nom ?“, demande Jésus au possédé. - “Mon nom est : Légion !“. En filigrane, il y a là certainement une critique, une moquerie de la puissance occupante, ces étrangers, païens par excellence, qui formaient la légion romaine, la “legio décima fretensis“ (“fretensis“, région du détroit entre l’Italie et la Sicile, d’où cette légion romaine venait), cette légion qui avait pour emblème le sanglier ! Alors du sanglier au cochon, il n’y a pas loin ! Mais à ces occupants aussi (pourtant absents des villes franches de la Décapole) s’adresse l’Evangile !

Les parcours de Jésus au cours de sa vie… considéré comme “réfugié politique“, chez des païens… chez qui son message est proclamé, parfois admis, du moins admiré… : objets de méditation, me semble-t-il. Et Jésus de nous dire de façon un peu sarcastique : sachez-le bien : je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs… !

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