dimanche 16 janvier 2011

Etre Saint !

2ème dimanche du T.O. 02/A

Il faut quelque peu connaître cette communauté de Corinthe à laquelle s’adresse St Paul pour mieux comprendre la lettre qu’il leur adresse.
Corinthe est une ville très cosmopolite, un port qui a besoin de beaucoup de main d’œuvre : la population est composée d’esclaves pour les deux tiers. De plus, pour des raisons diverses, c’est une ville aux mœurs dissolues ; on employait même un barbarisme, le verbe “corinzeinthai” pour signifier : “vivre à la corinthienne”, c’est-à-dire “vivre en débauché” !
Et pourtant, c’est dans ce milieu, dans ce port, dans cette cité libertine que Paul fonda sa première et grande communauté chrétienne. Naturellement, ce ne fut pas sans incidents, difficultés, intrigues, révoltes, disputes, divisions. On connaît encore cela malheureusement ! L’Apôtre en a beaucoup souffert, mais il aimait cette communauté ; il la chérissait. Mais son amour restait exigeant…

C’est dans ce contexte qu’il faut relire la lettre qu’il leur adresse et le début de cette lettre que l’on vient d’entendre. Éloigné de ses chers Corinthiens, recevant des nouvelles plus ou moins conformes à l’idéal chrétien, et des demandes de conseil, Paul leur écrit longuement.
Il commence, selon les usages de l'époque, par la présentation de l'auteur, la mention des destinataires et une salutation. Que voulez-vous, même en ce temps reculé, on restait poli ! Même s’il y a des désaccords ! Cependant, on a l’impression que son ardeur apostolique va vite au-delà de ces banalités.

Immédiatement, il engage un face-à-face sans concession : “Je vous rappelle que je suis Apôtre du Christ Jésus et vous, vous êtes l'Église de Dieu à Corinthe, vous qui avez été sanctifiés dans le Christ Jésus !” Le sous-entendu est à peine voilé : moi j'ai reçu mission de vous parler avec autorité ; vous, vous avez le devoir d'être des saints !
En lisant la suite de la lettre de l’apôtre (et je vous y invite), il ne faudra pas oublier cette hauteur à laquelle Paul situe son dialogue pastoral, modèle pour tout missionnaire et pour toute communauté. Vous êtes ce que vous êtes, leur répétera Paul, et moi aussi ; mais il y a, au-dessus de nous, deux appels : je suis appelé à faire grandir le Christ en vous ; vous, vous êtes appelés à la sainteté. Je ne douterai jamais de vous, mais je ne vous laisserai pas descendre au-dessous de cet idéal. Cette lettre aux Corinthiens aura toujours ces deux couleurs : un apôtre passionné porte une communauté difficile. Belle occasion pour nous à méditer nos propres comportements apostoliques et communautaires.

Oui, pour Paul, être un baptisé, un croyant, un appelé à vivre “dans le Christ Jésus”, c'est-à-dire en union intime et vitale avec lui, c'est avoir droit au titre de “saint”, de “sanctifié” ! Docker, prostituée, marin, riche commerçant ou artiste, abîmé par la suffisance ou le charnel, peu importe, semble dire St Paul, tu es d’abord chrétien ; déjà tu es donc un saint, tu dois l'être !

Parole en forme d’aiguillon pour les Corinthiens ; et pour nous aussi ! Nous l'émoussons, cette parole, quand nous plaçons la sainteté dans la rareté, chez certains grands saints seulement, un François d'Assise ou une Thérèse de Lisieux. Le Concile Vatican II n’a-t-il rappelé avec vigueur que “l'appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection s'adresse à tous ceux qui croient au Christ” (Église, 40). Quand une biographie de saint nous décourage, la réaction devrait être immédiate : “Ce n'est probablement pas à ce même genre de vie que je suis appelé, mais à une sainteté taillée à mes mesures. Je n'ai pas à faire ce que d'autres ont fait, mais ce que moi je peux faire. Et par la grâce de Dieu je dois le faire”. Voilà ce que St Paul nous dirait encore aujourd’hui.

Cette haute conception de la condition du chrétien, déjà Isaïe l’évoquait quand il reconnaissait : “Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur ; c’est mon Dieu qui est ma force !”. Ce cri qui traverse déjà tout l’Ancien Testament, est un cri de reconnaissance de l’amour de Dieu envers tout homme ! Et l’apôtre Paul est simplement envoyé, dit-il, pour que chacun fasse entendre ce cri de reconnaissance qui permet alors à la toute puissance de Dieu de se déployer en nous et de nous sanctifier en Jésus Christ !

Oui, la sainteté, c’est d’abord un cri de reconnaissance envers le Christ qui sanctifie. Et l’évangile explicite ce cri : une reconnaissance envers l’“Agneau de Dieu”. Or l’Agneau de Dieu, chez St Jean, désigne deux images : celle, bien sûr, de l’agneau pascal qui sera immolé sur la croix pour enlevé le péché du monde ; et l’image de l’agneau, selon Isaïe, l’agneau-serviteur qui est envoyé pour annoncer au peuple la lumière, éclairer les nations, leur transmettre la splendeur de Dieu, son amour.

Oui, le Christ, est l’“Agneau de Dieu” qui non seulement enlève le péché du monde, mais nous éclaire de la lumière de Dieu, nous enveloppe de son amour. Oui, pouvons-nous répéter, “j’ai du prix aux yeux du Seigneur”. Car non seulement il nous enveloppe de son amour, mais il nous le donne : “J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui”, disait Jean-Baptiste. L’Esprit demeure sur Jésus ; mais s’il demeure sur Jésus, c’est essentiellement pour qu’il descende sur nous et y demeure. St Jean explicitera cette conviction quand il rapportera le discours de Jésus lors de l’institution de l’Eucharistie.

St Paul avait donc bien raison : vous êtes déjà sanctifiés par l’amour de Dieu. Laissez-vous donc faire par cet amour, c’est-à-dire, laissez-vous gagner, comme dans tout amour, par la gratuité de cet amour, par la gratuité de cet amour qui vous précède et vous appelle. Cet amour vous précède de partout, cette présence divine qui est là au plus profond de votre cœur et que vous avez à exploiter pour être véritablement des “saints”.

Aussi, je ne peux terminer mon propos qu’à la façon de l’apôtre : Que par l’Esprit Saint en vos vies de baptisés, la grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu-Père et de Jésus-Sauveur !

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