samedi 15 janvier 2011

Sts Maur et Placide

15 Janvier 2011 - Sts Maur et Placide

On ne peut pas ne pas faire mémoire, ici en ce prieuré, de St Maur et St Placide, disciples de St Benoît ! Cependant, vous connaissez aussi bien que moi - sinon plus - ce qu’en dit St Grégoire, dans ses “Dialogues“, à propos de la vie du Patriarche des moines d’Occident !
On peut retenir l’exemple d’obéissance qu’il nous transmet : le jeune Placide, tombé dans un lac tout proche, allait se noyer ! Benoît envoie Maur pour l’y en tirer. Aussitôt le disciple court et, par la puissance de l’obéissance à son Maître, est capable de marcher sur les eaux, comme Pierre à l’appel de Jésus, et de sauver le jeune garçon. Même magnifié, l’exemple se veut une illustration de l’enseignement de St Benoît sur l’obéissance !

On se rappelle aussi la grandeur d’âme de St Benoît à propos d’un prêtre, voisin, qui multipliait, à son encontre, vexations, critiques, intrigues… Ce “persécuteur“ meurt subitement. Le jeune Maur en éprouve un grand contentement, heureux de voir son Maître délivré de cet importun… ! Mais St Benoit fut attristé et de la mort de son “persécuteur“ et surtout de la joie qu’en ressentait son disciple. Il lui inflige une pénitence appropriée… Ne faut-il pas aimer même ses ennemis ? En tous les cas, comme il est dit dans la Règle, il faut “par amour du Christ, prier pour ses ennemis“ !

Et puis, n’oublions : Maur fut envoyé par St Benoît, pour fonder le monastère qui devait devenir célèbre, au Mont-Cassin !

Ce que l’on connaît moins, c’est l’extension du monachisme bénédictin en notre pays, due à un évêque du Mans ! Ce n’est pas relaté, bien sûr, dans les “Dialogues“ du pape Grégoire, mais dans une biographie attribuée - ce qui est très contesté aujourd’hui - à un certain Odon, moine de Glanfeuil qui voulut voir en un Abbé de ce monastère, Maur, le disciple de St Benoît.

Selon cette biographie, vers 542, arrivent au Mont-Cassin deux envoyés de l’évêque du Mans, demandant la fondation d’un monastère en notre pays. St Benoît envoie Maur et quelques disciples. Ce groupe arrive à Orléans où ils apprennent le décès de l’évêque du Mans. Ils continuent leur voyage jusqu’à Glanfeuil s/Loire, et, finalement, s’y établissent !… Là encore et plus peut-être, le récit est émaillé de “merveilleux“ pour mieux magnifier l’extension de l’Ordre bénédictin en notre pays. Après trente-huit ans d’abbatiat parsemés de miracles, Maur meurt paisiblement le 15 janvier 584.

Que retenir pour notre aujourd’hui ? Notre évêque m’a dit un jour : “On ne sait plus ce qu’est l’obéissance !“ Parce que très mal pratiquée parfois, elle n’est plus comprise ! Obéir ! “Ob-audire“ : Ecouter - “faites donc attention à votre manière d’écouter“ (Lc 8.15) -, et cela autant dans une famille monastique que dans une famille domestique. Pour comprendre quelque peu, il faut toujours contempler, d’abord, le Christ lui-même !

Toute son existence ici-bas fut aussi bien un déploiement de charité qu’une exacte dépendance à la volonté de son Père !
- Depuis son entrée dans le monde…
“Je suis descendu du ciel non pour faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé“ (Jn 6.38) – “Entrant dans le monde, il dit… : Voici, je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté“ (Heb. 10.7)
- … jusqu’à la mort,
Dans son agonie, il priait : “Père, non pas ma volonté, mais la tienne“ (Mth 26.42). Et aussitôt il dira à ses apôtres : “Afin que le monde sache que j’aime le Père et que j’agis conformément à ce que le Père m’a prescrit, , partons d’ici…“ (Jn 14.31).
- … il n’est pas un acte qu’il n’ait accompli pour obéir à son Père :
“Ma nourriture est de faire le vouloir de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre“ (Jn 4.34) – Je fais toujours sa volonté“ (Jn 8.29) – “Mon enseignement n’est pas de moi, mais de Celui qui m’a envoyé“ (Jn 7.16) – “Ce que je dis, je le dis tel que le Père me l’a dit“ (12.49) – “En vérité, le Fils ne peut rien faire de lui-même qu’il ne le voie faire au Père ; car ce que fais Celui-ci, le Fils le fait pareillement“ (5.19) – “Je ne puis rien faire de moi-même“ (5.30).

On ne peut imaginer obéissance plus stricte ; c’est que le Père et le Fils sont un (10.30). “Le Père qui demeure en moi accomplit ses propres œuvres“ (14.10). St Thomas d’Aquin dira : “La volonté humaine de Jésus était toujours mue au gré de la volonté divine“ (IIIa 18.1 ad 4m).

Ayant pratiqué pendant trente ans la plus docile soumission à ses parents (Lc 2.51), il “apprendra“ dans les circonstances les plus ignominieuses ce que l’obéissance demande de totale abnégation de soi-même (Cf. Heb 5.8). “Il fut obéissant jusqu’à la mort et à la mort sur une croix“ (Phil. 2.8). Et St Paul a donc raison de voir dans cette héroïque obéissance au Père la source du rachat des fils de désobéissance (Cf Rm 5.19).

Aussi, cette dépendance du Seigneur à son Père engage tous les disciples dans la voie de l’obéissance la plus concrète. Lorsque l’apôtre évoque l’“abaissement jusqu’à la mort“, c’est après avoir demandé aux chrétiens d’avoir “les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus“ (Phil 2.5). Aussi il conclura : “… selon cette obéissance dont vous avez toujours fait preuve…, travaillez à accomplir votre salut“ (2.12 – Cf. Heb. 5.8-9). Les élus sont ceux “que Dieu notre Père a connus d’avance, qu’il a sanctifiés par l’Esprit, pour obéir à Jésus-Christ“ (I Pet. 1.2).

Il faut, bien sûr, répéter encore et encore que cette obéissance n’a de sens que comme manifestation d’un amour qui adopte les vouloirs de celui qui est aimé. De même que le Sauveur a mis dans sa soumission au Père toute la ferveur de sa charité filiale (Cf. Jn 10.17-18 ; 14.31 ; 15.10), ses disciples n’observent les préceptes que par amour (Cf I Pet 1.22 ; Jn 14.15 etc). “Ce qui rend l’obéissance digne de louange, c’est la charité qui l’inspire… La charité est inséparable de l’obéissance…, car amour d’amitié, elle réalise l’identité des vouloirs“ (St Thomas d’A. IIa IIae 104. 3 sed c).

Aussi, il faudrait poursuivre la lecture du N.T. (surtout Rm et Gal) pour montrer combien cette obéissance inclut la vérité et la liberté comme l’enseigne Jésus à la Samaritaine : la “Loi“ ne doit plus, comme dans l’A.T., s’imposer de l’extérieur, comme un “sur-moi“ aliénant et pesant, mais que, de l’extérieur, elle passe à l’intérieur de sorte qu’on obéisse à la volonté de Dieu dans les spontanéités de la liberté. Non plus comme des “esclaves sous la Loi“, mais comme des êtres libres dans un régime de grâce, comme des amoureux de la beauté spirituelle, “pulchritudinis amatores“ ! Tout un programme !

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