mercredi 5 janvier 2011

Un vrai Israélite !

5 Janvier av. Epiphanie - Un vrai Israélite !
(I Jn 3.11-21 - Jn 1.43-51)

Hier, l’évangile se terminait par la rencontre de Jésus avec Pierre par l’intermédiaire d’André, son frère !

C’est le même schéma aujourd’hui ! C’est dire que le témoignage est important. Jésus rencontre Philippe qui va dire à son ami, Nathanaël : “Celui dont Moïse a écrit…, nous l’avons trouvé !“ (Eureka !). Il ne s’agit pas de n’importe qui ; il s’agit de celui dont Moïse a écrit ! - “C’est Jésus, dit Philippe. Viens et vois !“. Et l’entretien se déroule avec une rare subtilité !

Jésus vit Nathanaël venir à lui ; il lui dit : “Voici un vrai Israélite sans détour !“ A qui Jésus fait-il allusion ? Y aurait-il eu un Israélite plein de détours ? Et oui, bien sûr ! Tout le monde a en mémoire Jacob dont le nom peut signifier “talon“ parce qu’en naissant il tenait le talon de son frère jumeau. Mais ce nom peut signifier encore et bien davantage : “le tortueux, le tordu“ ! Et il est bien vrai que Jacob - avant que Dieu lui donne le nom d’“Israël“ - fut un “farceur“ de premier ordre qui jouait moult coups tordus, et d’abord à son frère Esaü. Tout le monde connaît l’histoire du plat de lentilles. Et Esaü de se plaindra en disant : “Est-ce parce qu’il s’appelle Jacob qu’il m’a supplanté ? (Gen 27.36).
Les actions tortueuses de Jacob étaient tellement dans les mémoires que le prophète Jérémie se permettra d’écrire - au moment trouble de l’exil, il est vrai - : “Méfiez-vous de tout frère, car tout frère ne pense qu’à supplanter !“ (9.3). (Littéralement : “car tout frère supplantant, supplante“ ; en hébreu : ‘akob ya’ekob ; jeu de mots évident avec Ya’akob, Jacob). On pourrait traduire : “car tout frère ne pense qu’à jacober !“.
C’est encore un exemple parmi tant d’autres de la pédagogie de Dieu à notre égard : le Seigneur prend les hommes tels qu’ils sont et là où ils en sont. Et Jacob, ce grand farceur, deviendra, avec l’aide de Dieu, Israël ! Israël qui aura donc un descendant, Nathanaël “en qui (enfin !) il n’y a pas de tortuosités !“. “Voici un vrai Israélite sans détour !“

Nathanaël répond à Jésus : “Comment me connais-tu ?“. Jésus lui dit : “Avant que Philippe t’appela, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu“. Il faut savoir que l’arbre, c’est l’endroit où l’on se réunit, où l’on tient conseil. Quand le soleil tape dur, on cherche la fraîcheur d’un arbre pour parler plus sérieusement. D’ailleurs, en hébreu, le mot “conseil“ (Etsa) vient du mot “arbre“ (ets). Mais parmi les arbres, il y en a un qui est très recherché parce qu’il favorise la réflexion, ses grosses feuilles donnant plus de fraîcheur ; c’est le figuier (j’en ai fait l’expérience !). Aussi, dans la littérature rabbinique, c'est sous le figuier que les docteurs de la Loi se rassemblent et méditent … ! Nathanaël n’était donc pas n’importe qui. Il connaît Moïse et les prophètes. Il a d’abord dit : “De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ?“.

On dirait que Jésus répond par une sorte de compliment : “Quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu“. Moi, je connais le professeur Nathanaël qui, en tel endroit, sous un figuier habituellement, fait ses conférences.

Alors, Nathanaël éclate d’enthousiasme : “Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d’Israël !“. Ce passage paraît très curieux ! Mais on le sait pourtant : vous n’avez qu’à parler à quelqu’un de son livre qui vient de sortir, de l’article qu’il a écrit, voilà que, tout de suite, vous serez, à ses yeux, un grand homme. Il serait peut-être osé de penser que Jésus a employé consciemment un tel procédé (bien que Jésus fût pleinement homme, avec une fine psychologie humaine…). En tous les cas, il faut constater que Nathanaël change d’opinion tout de suite parce que Jésus lui a fait un compliment ! C’est courant cela ! (La réciproque aussi : faites une observation à quelqu’un, vous risquez d’être voué aux enfers !)

Alors, Jésus le refroidit aussitôt, si je puis dire : “Parce que je t’ai dit que je t’ai vu sous le figuier, tu crois. Tu verras des choses plus grandes encore…“. Et il ajoute : “Vous verrez les cieux ouverts, avec les anges de Dieu qui montent et descendent au-dessus du Fils de l’homme !“. Autrement dit, le professeur Nathanaël, ce vrai Israélite sans détour, aura la possibilité de faire une expérience encore plus grande que celle que son ancêtre Jacob a faite avec le songe d’une échelle reliant terre et ciel : “Il arriva, dit le texte (Gen 28.11), que Jacob (heb. : Ya’acob) se tapa sur le lieu (heb. “bamacob“)“. Et l’expression “dans le lieu“ (“bamacob“) est répété six fois. C’est, dit-on, pour que la septième fois, Jacob comprenne que Dieu est “dans le lieu“ qui devient alors “Beth-el“ : “maison de Dieu“. Et Jacob de s’écrier : “Dieu est dans ce lieu, “bamacob“ ; et je ne le savais pas ! … Que ce lieu est redoutable ! Ce n’est rien moins qu’une maison de Dieu et la porte du ciel !“. - Narhanaël a-t-il compris que Jésus est “le LIEU“ où Dieu réside, que Jésus est la porte du ciel ?

Même si je me suis borné à une (nécessaire ?) explication de texte, vous ferez vous-mêmes de multiples applications, vous comprendrez surtout cette expression : Dieu est dans le lieu… ! Quand on fait de notre vie un “recyclage“, comme on dit, dans le sens vertical, on s’aperçoit que Dieu est partout. On est appelé, en tout point de notre existence, à voir l’échelle de Jacob partout plantée. C’est ce à quoi Nathanaël, le vrai Israélite, est appelé à faire avecJésus : “Tu verras l’échelle partout plantée… !

Et que nous dirait aujourd’hui le Seigneur, lui qui nous a donné un signe permanent de l’implantation de l’échelle de Jacob : l’EUCHARISTIE. Que ce lieu est redoutable ! Ce n’est rien de moins que la maison de Dieu et la porte du ciel. En prenons-nous conscience, suffisamment ?

Aucun commentaire: