mercredi 1 décembre 2010

Signe de l'Eucharistie !

Avent 1 Mercredi - (Is. 256-9 ; 15.29-37)

La multiplication des pains ! Chez St Jean, lui qui ne raconte pas l’institution de la Cène, c’est le “Geste“, le “SIGNE“ par excellence en lequel Jésus se révèle pleinement, “Signe“ qu’il nous a laissé en mémorial, “Geste“ auquel on le reconnut après sa résurrection.

Vous le savez : chez Matthieu et Marc, il y a deux multiplications des pains. Quand on lit quelque peu les ouvrages sur la question, on aurait tendance à attribuer ces deux multiplications à deux traditions eucharistiques qui se reflètent, l’une de tradition judéo-chrétienne, l’autre de tradition hellénistique.
Mais peu importe finalement. Remarquons cependant en notre évangile : “Jésus gravit la montagne !“ ; et puis : “Où trouverons-nous dans un désert assez de pain…“. Les pèlerins en Terre Sainte vont massivement à Tabga pour méditer sur ce “Signe“ de Jésus, lieu qui, curieusement, est tout près du lac de Tibériade, lieu qui n’est ni montagneux ni désertique. D’ailleurs, Matthieu remarque lui-même qu’il y avait de l’herbe à cet endroit (Math. 14.19) ; et Jean de surenchérir : “il y avait beaucoup d’herbe“, (Jn 6.19). Dans ce désert ! Chose curieuse !
C’est dire que les allusions topographiques, plus ou moins exacts, font surtout référence, évidemment, au désert montagneux du Sinaï où a eu lieu le “signe“ de la manne. Les Hébreux murmuraient contre Dieu. Ce qui manque provoque souvent une obsession. Ils manquaient de “viandes grasses et succulentes et de vins capiteux, décantés“ auxquels fait allusion Isaïe (1ère lecture). Alors, le Seigneur qui est intervenu lors de la traversée de la mer rouge, intervient encore par un prodige, par un “signe : la manne !
Et nous-mêmes allons répétant : “Seigneur, donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour !“ Le pain que nous mangeons et le pain de nos moyens de vivre, ceux que nous désirons si fortement..., avec obsession parfois!

Or, dans le texte parallèle de Matthieu, il est d’abord demandé : “donnez-leur vous-mêmes à manger“ (Mth 14.16). Tous les biens de la création nous sont donnés ; et nous devons nous les partager les uns aux autres. C’est une, “LA“ première exigence : partager de façon équitable, comme il est souligné à propos de la manne : “Recueillez-en chacun selon ce qu'il peut manger, avait dit le Seigneur. Vous en prendrez chacun selon le nombre de personnes qu'il a dans sa tente. Les Israélites firent ainsi et en recueillirent les uns beaucoup, les autres peu. Moïse leur dit : “Que personne n'en mette en réserve jusqu'au lendemain“. Certains n'écoutèrent pas Moïse et en mirent en réserve jusqu'au lendemain, mais les vers s'y mirent et cela devint infect…“ (Ex 16). St Paul rappellera cette consigne du véritable partage, pour recevoir le pain de la vie que Dieu donne : “Il ne s'agit point, pour soulager les autres, de vous réduire à la gêne ; ce qu'il faut, c'est l'égalité. Dans le cas présent, ce que vous avez en trop compensera ce qu’ils ont en moins, pour qu’un jour ce qu’ils auront en trop compensera ce que vous aurez en moins. Ainsi se fera l'égalité, selon qu'il est écrit : Celui qui avait beaucoup recueilli n'eut rien de trop, et celui qui avait peu recueilli ne manqua de rien“. (II Co. 8.13).

La première des tentations, c’est de faire des provisions, d’accaparer pour soi ! Nous sommes créés pour faire un bon usage de la création dans l’action de grâce et le partage. C’est somme cela que s’exprime la condition humaine, indissociablement royale et sacerdotale : prendre ensemble possession du monde et l’élever vers Dieu. A ce moment-là, il y en a pour tout le monde ! Mais l’homme a tendance à se précipiter égoïstement sur ce qui lui est offert. Alors pas étonnant qu’au lieu de remonter vers Dieu, le monde retourne au chaos. Jésus ne dira-t-il pas : Ne vous amassez pas de trésor sur la terre… Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur !“ (Mth 6.21). C’est la première des tentations que le Christ lui-même subit ; mais il répondra : “L’homme ne vit pas seulement de pains, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu !“ (Mth 4.4).

Et, comprenant tout cela à travers cette pédagogie de Dieu à notre égard, dans notre désert (le désert de notre vie parfois), nous sommes plus enclins à mieux nous insérer dans le “SIGNE“ par excellence qu’est l’Eucharistie : Dieu se donne tout entier à nous pour que l’homme se donne et à Dieu et à ses frères : “Par lui, avec lui !“.
Le Concile Vatican II a repris la formule juive de la bénédiction du pain et du vin au début de l’Eucharistie : “Béni sois-tu, Roi du monde, qui fais sortir le pain de la terre. Béni sois-tu, Roi de l’univers qui donne le fruit de la vigne“ ! Jésus institue l’Eucharistie dans le cadre d’un repas de partage et d’action de grâce. L’Eucharistie nous invite sans cesse à tout élever vers Dieu - et nous-mêmes d’abord - et en même temps à nous unir les uns aux autres dans un geste de paix qui ne peut être sans partage !

Jésus lui-même devait expliquer merveilleusement ce grand mystère du repas des noces de l’Agneau dans le Royaume de Dieu dont l’Eucharistie est le “SIGNE“, si bien qu’un auditeur enthousiaste de s'écrier - il devait déjà, celui-là, en avoir l’eau à la bouche - : “Heureux celui qui prendra son repas (litt. qui mangera le pain) dans le Royaume de Dieu !“. A la bonne heure ! Il avait l’appétit de Dieu !!!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci de ce texte qui nous éveille sur la relation entre le lieu où la manne fut envoyé et le lieu où se déroule la multiplication des pains.
En revanche, je ne suis pas assez éclairé sur "LA" première exigence ; au fil du temps, j'avais fini par adhérer à la notion du "A chacun selon ses besoins" en laissant tomber la notion "d'égalité" ; la première me semble plus réaliste lorsque les biens sont rares car elle supprime le gaspillage.

Tout de même et en dépit de mon commentaire, ce sur quoi vous mettez l'accent, c'est avant tout la nécessité de ne pas faire de provisions et de ne pas se constituer de trésor sur la terre.