lundi 27 décembre 2010

Saint Jean

Saint Jean 10/A - (I Jn 1.1sv – Jn 20.2-8)

“Il vit et il crut !“ On a beaucoup épilogué sur cette phrase !
Comme Marie-Madeleine, comme Pierre, Jean voit ; mais, lui, il croit aussitôt ! Jusque-là, comme tous les disciples, il ne pensait pas que Jésus, celui dont il était l’ami puisse surgir d’un tombeau où il était descendu, pieds et poings troués, corps disloqué. Il ne pensait pas que cela fusse possible alors que les Ecritures l’avaient pourtant annoncé.

Et maintenant en une fraction de seconde : “il voit et il croit !“. Celui qui était mort est vivant, celui qu’on avait enterré est sorti par la force de Dieu ! Il est vivant ! C’était pour lui évident désormais : celui qui avait cœur et corps d’homme était non seulement ami de Dieu et des hommes, mais il était Dieu et premier homme à avoir traversé la mort elle-même. Il est le VIVANT !

Qu’est-ce qui a poussé Jean à comprendre tout de suite ? Je ne sais ! Sinon qu’il nous est dit qu’il était l’ami intime de Jésus. Les yeux de l’amour perçoivent toujours des signes qui, pour les autres, sont hermétiques. Tant il est vrai qu’aucune preuve, argumentation, catéchèse même ne donnent la foi. Il faut à la foi plus que de l’intelligence, plus que de la cohérence, même si toutes ces choses-là sont choses précieuses. Il faut à la foi de voir selon le cœur, selon l’amour, selon l’esprit ! La foi est don pour tous, mais seuls la reçoivent ceux qui s’ouvrent, ceux qui ont un cœur… qui écoute vraiment ! (1)

C’est ainsi que la foi naît un matin de Pâques. Même si beaucoup parmi nous ont été baptisés enfants, il a fallu qu’un jour il y ait un matin de Pâques, une expérience révélatrice que Dieu nous aime et qu’il aime tous les hommes pour lesquels il s’est incarné ! Une vision qui donne l’évidence que le Christ nous aime, nous libère de nos maux, de nos chaînes, de nos péchés. C’est cela la grâce de la foi ! Les uns peuvent être Jean - “il vit et il crut“ -, d’autres Marie-Madeleine, d’autres encore Pierre et d’autres enfin Thomas. Les chemins de chacun sont différents !

Mais revenons à notre question : pourquoi Jean “vit et crut“ tout en même temps ? Peut-être que la liturgie - qui loue et enseigne tout en même temps - nous donne la réponse en plaçant la fête de St Jean en l’Octave de Noël, et en nous transmettant la réflexion de l’Apôtre : Ce qui était depuis le commencement (la naissance du Fils de Dieu), - ce commencement à partir duquel il lui a été permis d’entendre, de contempler, de palper le Verbe de vie… -, ce qui était dès ce commencement affirmait déjà que la Vie s’est manifestée ! Non seulement à Pâques, mais dès le commencement !

Dans un seul regard fulgurant, Jean ramasse toute l’existence du Christ depuis sa naissance à Bethléem… Et ce faisant il comprend : il ne peut inscrire cette existence de Jésus que dans la Vie même de Dieu qui, seul, a les “issues de la mort“. Il comprend d’un seul coup le sens des Ecritures ; il fait, dans l’éclair d’un instant, l’expérience des disciples d’Emmaüs : invisiblement, Jésus lui explique dans toutes les Ecritures, à partir de Moïse et des prophètes, ce qui le concernait (Lc 24)

Cette expérience, c’est l’une des grandes lois de la pédagogie divine. Elle a été parfaitement formulée par Jean Guitton dans son livre sur Notre-Dame : “Les commencements sont toujours riches de signification, contenant déjà en germe ce qui va se développer par la suite. C’est en effet un des caractères de la conduite de Dieu sur l’Histoire de ramasser, en de certains moments critiques ou en de certains êtres privilégiés, ce qui doit, par la suite, se développer longuement, se déployer et s’expliciter. Ainsi, l’homme inquiet, asservi à l’écoulement du temps, peut jouir de ce qui n’est pas encore…“.

C’est comme l’artiste qui voit déjà toute son œuvre dès le premier coup de pinceau. Ainsi de notre regard de foi ! En contemplant Marie à Noël, nous l’apercevons non pas tellement derrière nous, mais déjà devant nous, comme elle daigne apparaître parfois, resplendissante, dans la gloire de son Fils ressuscité…
De même, Jean, en son regard de foi intense, au matin de Pâques, affirme : ce que nous avons contemplé dès le commencement, nous vous l’annonçons afin que vous expérimentiez, vous aussi, cette VIe éternelle qui est auprès du Père et qui s’est manifestée. Car le Verbe s’est fait chair ! Aussi, il ne peut être que le Vivant auprès de nous pour nous mener auprès du Père, par son Esprit.

(1) Il faut dire et redire que le “cœur“ dans la Bible, ce n’est pas tellement la sensibilité, mais cette “faculté de projet“, la faculté qui nous lance vers un avenir entrevu et par l’intelligence et par la sensibilité, par tout l’être de la personne !

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