samedi 30 novembre 2013

La foi à transmettre

Saint André - 30 Novembre

"Si de ta bouche, tu confesses que Jésus est "Seigneur" ; et si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé !".

Voilà bien, en une concision très paulinienne, la prédication des premiers apôtres et évangélisateurs - tel St André que nous fêtons aujourd'hui ! -.

St Paul, envoyé vers les païens, considère la foi sous son double aspect extérieur et intérieur.

Aspect EXTERIEUR. C'est la "profession de foi" chrétienne (la Profession religieuse), la proclamation de notre attachement au Christ ! C'est l'adhésion, en conséquence, à une religion visible, sociale, telle que l'a voulue, par exemple, St Benoît en organisant la Vie monastique ! Cette expression de la foi doit être visible !

A cette foi visible, St Paul désigne comme objet essentiel la confession de la "Seigneurie du Christ" - "Si tu confesses que Jésus est "Seigneur !" -.  Autrement dit, c'est affirmer la divinité du Christ, puisque "Seigneur" ("Kurios") dans le langage biblique est un nom divin. Et cette "Seigneurie" est manifestée par le signe le plus éclatant qui soit : la résurrection d'entre les morts !

On peut dire que le "kérygme", c'est-à-dire la "proclamation à haute voix" des premiers apôtres se ramène finalement à cette simple expression : "Jésus est Seigneur !" : Jésus est Dieu ! Aucune autre expression n'était plus révélatrice de leur foi, ni plus familière aux premiers chrétiens. Si bien qu'en donnant à Jésus le titre de "Seigneur" ("Kurios" - "Dominus"), ce titre est devenu comme le nom propre du Christ : "Le Seigneur !". St Paul en témoigne en transmettant aux Philippiens une hymne probablement liturgique en laquelle il est dit de Jésus : "Dieu l'a souverainement élevé (ressuscité)... afin que toute langue confesse que le "Seigneur", c'est Jésus Christ !" (Phi. 2.11).

Aspect INTERIEUR.  Mais cette "proclamation", cette profession de foi visible vient d'une adhésion intime du cœur : "Si, dans ton cœur...", dit l'apôtre.
L'expression est empruntée au livre du Deutéronome (30.14) : "Oui, la Parole est toute proche de toi ; elle est dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu la mettes en pratique".

Le cœur, dans le langage biblique, désigne non pas tellement le côté affectif de l'activité spirituelle, mais le principe même de cette activité tout ensemble intellectuelle et volontaire - les deux facultés, intelligence et volont, s'activant réciproquement dans l'acquisition des vérités surnaturelles, des vérités à mettre en pratique.

Chez les Sémites, ce mot a une richesse de sens qu'on ne retrouve pas dans nos langues occidentales, sauf chez de grands auteurs (St Augustin, Pascal...). Pour Jésus lui-même, le cœur est le principe de toute vie sensible, intellectuelle et morale : "Du cœur, en effet, proviennent intentions mauvaises, meurtres, adultères, inconduites, vols, faux témoignages, injures..." (Mth 15.19). Le cœur est le laboratoire où s'élabore l'élan, l'avenir de notre vie !

Ainsi, c'est dans le cœur que se réalise l'adhésion au Christ "Seigneur", et "Seigneur" parce que "ressuscité" ! Signe (la résurrection) et vérité révélée ("Le Christ est Seigneur") sont saisis par un seul et même acte intérieur du cœur, un acte que Paul appelle "croire" : "Si tu crois...". C'est ainsi qu'il écrira aux Thessaloniciens : "Si nous croyons que Jésus est mort et qu'il est ressuscité, de même aussi, ceux qui sont morts, Dieu les ramènera par Jésus et avec lui" ( I Thess. 4.14).

On peut encore remarquer que St Paul a énoncé la profession extérieure de la foi ("Si tu confesses de bouche...") avant l'adhésion intérieur ("si tu crois dans ton coeur..."). On attendrait l'inverse : croyance intime, puis manifestation au dehors. Mais l'apôtre a suivi l'ordre des termes qu'il emprunte au teste du Deutéronome que j'ai cité (30.14) : "La Parole est dans ta bouche et dans ton cœur...".

Mais, ensuite, Paul revient vite à l'ordre plus logique :
"Croire par le cœur conduit à la justice
Et confesser de sa bouche conduit au salut".
La foi chrétienne - adhésion intime au Christ manifestée extérieurement - nous "justifie", nous rend justes devant Dieu. (A son habitude, St Paul suppose cette foi vivifiée par la charité. Bien sûr !)
Et la foi, en nous "rendant justes", nous met dans la voie dont le salut - la vie éternelle avec le Christ ressuscité - est le terme logique, normal.
Tout homme, Juif ou païen, peut y accéder, sans distinction de race ou de caste : le Christ, "Seigneur" de tous, dispense à tous ses trésors de grâce.

"Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé !". L'unique et même "Seigneur" de tous est Jésus Christ !
Cette invocation du nom du Seigneur est emprunté au prophète Joël (3.5). Et St Paul applique au culte du Christ ce que le prophète avait dit du culte rendu à Dieu ! - "Rien de plus fort, notait le P. Lagrange, pour prouver la divinité de Jésus... ou l'obligation des Juifs de se joindre aux païens dans l'union d'une même foi et d'un même culte rendu au "Seigneur" ! Si ce "Seigneur" n'était pas clairement celui de l'Ancien Testament, on pourrait parler d'une religion nouvelle. Mais c'est bien toujours "le Seigneur" que Joël avait dit qu'on invoquerait dans les derniers jours qu'est le Christ descendu du ciel, issu d'Israël selon la chair... (Cf. Rom 9.5). Cette remarque est importante pour asseoir notre union et toute relation avec les Juifs, comme l'a souligné le Concile Vatican II dans sa déclaration "Nostra aetate".

Et ensuite St Paul pose une série d'interrogations qui expriment, en gradation ascendante, les conditions de la foi explicite au Christ :
Comment invoquer sans croire ? Comment croire sans entendre ?
Comment entendre sans proclamation ? Comment proclamer sans envoyés ?

Et l'apôtre de conclure : "Qu'ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles !". C'est une citation du prophète Isaïe (52.7) qui, dans la bouche de Paul, célèbre, à juste titre, la vocation des missionnaires de l'Evangile !

On peut remarquer pour terminer que ce même prophète - Isaïe - qui louait l'activité des envoyés de Dieu s'interroge, comme l'apôtre Paul le fait également : "Seigneur, qui a cru à notre prédication ?". Le prophète qui annonçait les souffrances du "Serviteur de Dieu" (ch. 53) prédisait en même temps que son message se heurterait à l'incrédulité. Ce fut l'expérience très pénible de Paul face aux Juifs, ses compatriotes. Et c'est encore l'expérience de bien des missionnaires... Mais pourquoi s'en étonner ? Ce fut l'expérience du Christ qui pleura sur Jérusalem devant être détruite parce que, disait-il, "tu n'as pas reconnu le temps où tu as été visitée !" (Lc  19.44).

Mais à ces interrogations légitimes, il ne nous est pas permis de répondre. Pour ma part, je préfère affirmer la miséricorde de Dieu qui s'exerce très souvent dans la "Communion des Saints", dans l'interaction, si je puis dire, entre croyants et incroyants ou mal-croyants. Ce que St Paul affirmait à sa manière : "Portez les fardeaux les uns des autres !" (Gal. 6.2). C'est notre mission ! Et, tous, nous nous retrouverons à former le Corps du Christ, l'Eglise de la "Cité Sainte, la Jérusalem nouvelle !".

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