mardi 19 novembre 2013

Prier !

33e Mardi T.O. 13/C                   Prier avec Zachée !      (Mth 19 3.10)

Cet évangile, nous le connaissons bien. Il nous a été proclamé il y a un peu plus de deux semaines (31ème Dim. du  T.O.). Aussi, je me permets de ne retenir aujourd'hui qu'une seule phrase, une phrase qui non seulement a provoqué multiple conversions, mais a aiguisé chez les chrétiens un grand sens de la prière, de cette prière permanente dont parle St Paul. Oui, retenons aujourd'hui cette si délicate sollicitation de Notre Seigneur qu'il adresse à chacun d'entre nous : "Il faut que j'aille demeurer chez toi !".

Certains me disaient naguère : "Je ne suis ni prêtre, ni religieux ou religieuse ; et n'étant pas spécialiste de la prière, je ne sais pas prier !". Bonne excuse ! Car il y a cette demande du Seigneur adressée à chacun : "Il faut que j'aille demeurer chez toi !". D'ailleurs, il est bon de remarquer que Zachée, le fameux Zachée de Jéricho, n'était pas un mystique, loin s'en faut ; il ne se sentait nullement porté vers une grande spiritualité. Il brassait beaucoup d'affaires et devait plutôt surveiller attentivement son compte en banque...

Et pourtant, il y avait en lui ce désir sournois mais tenace qu'aucun de ses détracteurs n'eût pu soupçonner : il voulait "voir Jésus !". Je crois que ce simple désir est non seulement le début d'une vraie prière, mais le ressort permanent de toute prière. Jadis, un jeune - de bonne famille, certes - s'était livré à la drogue. Il en est heureusement sorti par grâce divine et avec l'aide intelligente et assidue de parents et amis. Remis de cette errance, il avouait : "Quand je me piquais, je cherchais quelque chose, un absolu..., mais je ne savais pas que c'était quelqu'un !" - "Il faut que j'aille demeurer chez toi !".

Répondre à cette invitation, avec le désir de "voir Dieu", c'est un appel à le rencontrer véritablement, à nouer un dialogue avec lui et d'abord l'écouter... C'est le début de toute prière ! Car il ne faut pas inverser les rôles - cette fameuse "inversion sacrilège ! -. Ste Thérèse d'Avila qui, dans sa conversion, avait vivement ressenti cette invitation adressée à Zachée, disait cependant : "Si je cherche Dieu, c'est que lui, le premier, me cherche. Si je le regarde, c'est que d'abord il m'a regardé. Si je commence à l'aimer, c'est que son amour m'a précédé !". Cette prise de conscience est bien le fondement de toute relation avec le Christ. "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi...", disait Notre Seigneur - et pourtant on le dit, on le pense facilement : "j'ai choisi la vie religieuse ; j'ai choisi Dieu ...!" - "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis..." (Jn 15.16). La prière, c'est donc d'abord écouter humblement cette de demande du Seigneur : "Il faut que j'aille demeurer chez toi !".

Beaucoup cherchent aujourd'hui des maîtres spirituels ! Mais comment discerner les véritables des charlatans ? "Si un aveugle guide un aveugle, disait Jésus, tous deux tomberont dans un trou" (Lc 6.39). C'est une souffrance de voir des jeunes, et même des adultes, suivre des illuminés ou simplement des soi-disant spirituels trop suffisants d'eux-mêmes ! Les résultats - on le sait - sont lamentables et parfois tragiques. Récemment, les évêques réunis à Lourdes ont stigmatisé ce qu'ils ont appelés des "abus spirituels", invitant à être très attentifs à cette dérive permanente. Pourtant, l'Eglise du Christ +ne manque pas de guides sûrs, tels St Benoît, St François d'Assise dont se réclame notre pape, Ste Thérèse d'Avila, et celle de Lisieux, et tant d'autres...

De plus, le Seigneur a laissé le soin à chacun, selon ses charismes comme l'on dit, de répondre personnellement à sa demande : "Il faut que j'aille demeurer chez toi !". Dans l'évangile, Jésus donne peu de conseils pour prier sinon celui de la persévérance et celui de prier "en son nom" ! Il ne nous a donné aucune technique, car Dieu ne se laisse pas capturer par une technique - comme il ne voulait pas se laisser enfermer dans un temple désiré par le roi David -. On ne peut que se disposer à l'accueillir, lui qui sans cesse nous dit : "Il faut que j'aille demeurer chez toi !". Car, l'amour qui l'a poussé à cette demande formulée jusque sur la croix, cet amour-là ne se met pas sur un ordinateur.

Cependant les grands saints nous apprennent commet accueillir le Seigneur, le prier. St Benoît, bien sûr. Ste Thérèse d'Avila également, elle qui a écrit un petit opuscule en ce sens : "Le chemin de la perfection" (1). Pour accueillir le Seigneur, elle nous donne ce précieux conseil, si simple : "Ne quittez pas le Christ, ni des yeux, ni du cœur. Lui qui s'invite en votre demeure nous dit qu'il est le Chemin, la Vérité, la Vie. Lui seul peut nous mener au Père" !
Ne pas quitter le Christ ni des yeux, ni du cœur, mais le Christ tel qu'il se présente à nous dans les évangiles : accueillir le Christ, Dieu et homme ! La prière ne consiste donc pas à rentrer dans une espèce de vide mental où nous attendrions, à force de concentration volontariste, une union fusionnelle avec la Divinité impersonnelle. Vivre intimement avec le Christ, ce n'est pas avoir "l'âme en l'air, sans appui", disait Ste Thérèse elle-même dans son langage parfois imagé. Prier, c'est accueillir le Christ, Fils Unique de Dieu, incarné, à Bethléem, crucifié à Jérusalem sous Ponce Pilate et ressuscité le troisième jour. C'est ce Jésus-Là qui nous dit : "Il faut que j'aille demeurer chez toi !". Vouloir se passer de Jésus, Dieu incarné, c'est vraiment manquer d'humilité. Et Ste Thérèse d'ajouter, devançant notre grand Pascal : "Nous ne sommes pas des anges ; nous avons un corps. Vouloir faire l'ange pendant que nous sommes sur la terre, c'est de la folie !".

"Il faut que j'aille demeurer chez toi !". Cette parole est celle d'un Dieu qui s'est fait vraiment homme pour que l'homme devienne Dieu, selon l'expression des Pères de l'Eglise. Notre prière ne peut jamais faire l'économie du Christ, Dieu qui s'est fait homme.

"Il faut que j'aille demeurer chez toi !". Prier, c'est notre amour qui répond à l'amour du Christ pour nous ! Dans la prière, "il ne s'agit pas de penser, mais d'aimer". Et l'amour a conduit Zachée à partager ses biens, a conduit Benoît à organiser une "école" d'union à Dieu, de prière", a conduit Ste Thérèse à devenir fondatrice d'une réforme, et la petite Thérèse de Lisieux à être patronne des missions.

Aussi accueillir Jésus - Dieu et homme - nous pousse toujours à un don de soi pour nos frères, les hommes. Car, avec Jésus, la prière n'est pas un but en elle-même. Le but de la prière, c'est de devenir libre pour aimer, à l'exemple d'une autre grande sainte, Mère Térésa de Calcutta. Son amour sans frontières s'enracinait dans la prière, disait-elle, dans son union à Celui qui disait : "Ce que vous ferez au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous le faites !" (Mth 25.31-46).. Pour être capable d'aimer, il faut prier (accueillir le Christ en soi) ; le fruit de la prière, c'est l'amour ; et le fruit de l'amour est le service" !

Puissions-nous pressentir l'urgence de n'être plus comme Zachée, un banquier crispé sur ses richesses, mais d'être un Zachée accueillant et devenu, de ce fait, un "serviteur de l'amour !", comme disait Ste Thérèse d'Avila.

Alors, n'oublions pas : "Il faut que j'aille demeurer chez toi !".


(1) qui n'est finalement qu'un commentaire de la prière enseignée par Jésus : le "Notre Père" !

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