33e Mardi T.O. 13/C Prier avec Zachée ! (Mth 19 3.10)
Cet évangile, nous
le connaissons bien. Il nous a été proclamé il y a un peu plus de deux semaines
(31ème
Dim. du T.O.). Aussi, je me
permets de ne retenir aujourd'hui qu'une seule phrase, une phrase qui non
seulement a provoqué multiple conversions, mais a aiguisé chez les chrétiens un
grand sens de la prière, de cette prière permanente dont parle St Paul.
Oui, retenons aujourd'hui cette si délicate sollicitation de Notre Seigneur
qu'il adresse à chacun d'entre nous : "Il
faut que j'aille demeurer chez toi !".
Certains me
disaient naguère : "Je ne suis ni
prêtre, ni religieux ou religieuse ; et n'étant pas spécialiste de la prière,
je ne sais pas prier !". Bonne excuse ! Car il y a cette demande du
Seigneur adressée à chacun : "Il
faut que j'aille demeurer chez toi !". D'ailleurs, il est bon de
remarquer que Zachée, le fameux Zachée de Jéricho, n'était pas un mystique,
loin s'en faut ; il ne se sentait nullement porté vers une grande spiritualité.
Il brassait beaucoup d'affaires et devait plutôt surveiller attentivement son
compte en banque...
Et pourtant, il y
avait en lui ce désir sournois mais tenace qu'aucun de ses détracteurs n'eût pu
soupçonner : il voulait "voir
Jésus !". Je crois que ce simple désir est non seulement le
début d'une vraie prière, mais le ressort permanent de toute prière. Jadis, un
jeune - de bonne famille, certes - s'était livré à la drogue. Il en est
heureusement sorti par grâce divine et avec l'aide intelligente et assidue de
parents et amis. Remis de cette errance, il avouait : "Quand je me piquais, je cherchais quelque chose, un absolu...,
mais je ne savais pas que c'était quelqu'un !" - "Il faut que j'aille demeurer chez toi !".
Répondre à cette
invitation, avec le désir de "voir Dieu", c'est un appel à le
rencontrer véritablement, à nouer un dialogue avec lui et d'abord l'écouter... C'est
le début de toute prière ! Car il ne faut pas inverser les rôles - cette
fameuse "inversion sacrilège ! -. Ste Thérèse d'Avila qui, dans sa
conversion, avait vivement ressenti cette invitation adressée à Zachée, disait
cependant : "Si je cherche Dieu,
c'est que lui, le premier, me cherche. Si je le regarde, c'est que d'abord il
m'a regardé. Si je commence à l'aimer, c'est que son amour m'a précédé !".
Cette prise de conscience est bien le fondement de toute relation avec le
Christ. "Ce n'est pas vous qui
m'avez choisi...", disait Notre Seigneur - et pourtant on le dit, on
le pense facilement : "j'ai choisi la vie religieuse ; j'ai choisi Dieu
...!" - "Ce n'est pas vous qui
m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis..." (Jn 15.16). La prière, c'est
donc d'abord écouter humblement cette de demande du Seigneur : "Il faut que j'aille demeurer chez
toi !".
Beaucoup cherchent
aujourd'hui des maîtres spirituels ! Mais comment discerner les véritables des
charlatans ? "Si un aveugle guide un
aveugle, disait Jésus, tous deux
tomberont dans un trou" (Lc 6.39). C'est une souffrance de voir des
jeunes, et même des adultes, suivre des illuminés ou simplement des soi-disant
spirituels trop suffisants d'eux-mêmes ! Les résultats - on le sait - sont
lamentables et parfois tragiques. Récemment, les évêques réunis à Lourdes ont
stigmatisé ce qu'ils ont appelés des "abus spirituels", invitant à
être très attentifs à cette dérive permanente. Pourtant, l'Eglise du Christ +ne
manque pas de guides sûrs, tels St Benoît, St François d'Assise dont se réclame
notre pape, Ste Thérèse d'Avila, et celle de Lisieux, et tant d'autres...
De plus, le
Seigneur a laissé le soin à chacun, selon ses charismes comme l'on dit, de
répondre personnellement à sa demande : "Il
faut que j'aille demeurer chez toi !". Dans l'évangile, Jésus
donne peu de conseils pour prier sinon celui de la persévérance et celui de
prier "en son nom" ! Il ne
nous a donné aucune technique, car Dieu ne se laisse pas capturer par une
technique - comme il ne voulait pas se laisser enfermer dans un temple désiré
par le roi David -. On ne peut que se disposer à l'accueillir, lui qui sans
cesse nous dit : "Il faut que
j'aille demeurer chez toi !". Car, l'amour qui l'a poussé à
cette demande formulée jusque sur la croix, cet amour-là ne se met pas sur un
ordinateur.
Cependant les
grands saints nous apprennent commet accueillir le Seigneur, le prier. St
Benoît, bien sûr. Ste Thérèse d'Avila également, elle qui a écrit un petit
opuscule en ce sens : "Le chemin de
la perfection" (1). Pour accueillir le Seigneur, elle nous donne ce
précieux conseil, si simple : "Ne
quittez pas le Christ, ni des yeux, ni du cœur. Lui qui s'invite en votre
demeure nous dit qu'il est le Chemin, la Vérité, la Vie. Lui seul peut nous
mener au Père" !
Ne pas quitter le
Christ ni des yeux, ni du cœur, mais le Christ tel qu'il se présente à nous dans
les évangiles : accueillir le Christ, Dieu et homme ! La prière ne
consiste donc pas à rentrer dans une espèce de vide mental où nous attendrions,
à force de concentration volontariste, une union fusionnelle avec la Divinité
impersonnelle. Vivre intimement avec le Christ, ce n'est pas avoir "l'âme en l'air, sans appui",
disait Ste Thérèse elle-même dans son langage parfois imagé. Prier, c'est
accueillir le Christ, Fils Unique de Dieu, incarné, né
à Bethléem, crucifié à Jérusalem sous Ponce Pilate et ressuscité
le troisième jour. C'est ce Jésus-Là qui nous dit : "Il faut que j'aille demeurer chez toi !". Vouloir
se passer de Jésus, Dieu incarné, c'est vraiment manquer d'humilité. Et Ste
Thérèse d'ajouter, devançant notre grand Pascal : "Nous ne sommes pas des anges ; nous avons un corps. Vouloir faire
l'ange pendant que nous sommes sur la terre, c'est de la folie !".
"Il faut que j'aille demeurer chez toi !". Cette parole est
celle d'un Dieu qui s'est fait vraiment homme pour que l'homme devienne Dieu,
selon l'expression des Pères de l'Eglise. Notre prière ne peut jamais faire l'économie
du Christ, Dieu qui s'est fait homme.
"Il faut que j'aille demeurer chez toi !". Prier, c'est notre
amour qui répond à l'amour du Christ pour nous ! Dans la prière, "il ne s'agit pas de penser, mais
d'aimer". Et l'amour a conduit Zachée à partager ses biens, a conduit
Benoît à organiser une "école" d'union à Dieu, de prière", a
conduit Ste Thérèse à devenir fondatrice d'une réforme, et la petite Thérèse de
Lisieux à être patronne des missions.
Aussi accueillir
Jésus - Dieu et homme - nous pousse toujours à un don de soi pour nos
frères, les hommes. Car, avec Jésus, la prière n'est pas un but en elle-même.
Le but de la prière, c'est de devenir libre pour aimer, à l'exemple
d'une autre grande sainte, Mère Térésa de Calcutta. Son amour sans frontières
s'enracinait dans la prière, disait-elle, dans son union à Celui qui disait : "Ce que vous ferez au plus petit
d'entre les miens, c'est à moi que vous le faites !" (Mth 25.31-46)..
Pour être capable d'aimer, il faut prier (accueillir le Christ en soi) ; le fruit de la prière, c'est l'amour ; et le fruit
de l'amour est le service" !
Puissions-nous
pressentir l'urgence de n'être plus comme Zachée, un banquier crispé sur ses
richesses, mais d'être un Zachée accueillant et devenu, de ce fait, un "serviteur de l'amour !",
comme disait Ste Thérèse d'Avila.
Alors, n'oublions
pas : "Il faut que j'aille
demeurer chez toi !".
(1) qui n'est finalement
qu'un commentaire de la prière enseignée par Jésus : le "Notre Père"
!
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