Fête du Christ-Roi - 2013
Tout
le drame de notre vie est contenu dans une question, une question du Christ à
nous-mêmes, à chacun d’entre nous. Et, pour terminer l’année liturgique,
l’Eglise nous ramène à cette seule question que le Christ, au suprême moment de
sa vie terrestre, a posée par sa seule présence du haut de la croix, à
deux hommes.
Or
un seul a bien répondu : celui que l’on appelle le “bon larron”.
St
Augustin, commentant cette page d’évangile, s’étonne de ce que le bon larron
ait mieux compris la Bible que les experts, les docteurs de la Loi qui, eux
aussi, se trouvaient au calvaire, mais qui se moquaient du Christ. Et il prête
à ce bon larron cette réponse : “Non,
je n’avais pas étudié les Ecritures ; mais Jésus m’a regardé, et, dans son
regard, j’ai tout compris”.
Pour
nous aussi, pour chacun de nous, il s’agit non pas de s’imaginer le Christ à
notre façon...
- façon tout humaine, trop humaine que nous utilisons souvent
: ce que j'appelle facilement l'"inversion sacrilège". "Dieu a créé l'homme à son image ; et
l'homme le lui a bien rendu !", disait Voltaire ! C'est toujours notre
tentation !-
... il s’agit non pas de s’imaginer le Christ
à notre façon, mais il s'agit surtout de rencontrer le regard du Christ, de rencontrer
le Christ lui-même, sa personne.
Et
aujourd’hui, sachons tirer de l’évangile les conditions indispensables pour se
préparer à cette rencontre.
Nous
pouvons en reconnaître trois :
-
l’humilité : se reconnaître coupable : “Pour
nous, c’est juste !”, disait le bon larron.
-
la foi : “Lui n’a rien fait de mal”.
Il est pur "par excellence" ! Il est "Fils de Dieu" !
-
la prière : "Jésus, souviens-toi
!".
La
première condition, en effet, pour se préparer à la rencontre du Christ,
est simple, immédiate, mais parfois difficile à réaliser, c’est admettre
humblement la vérité de notre condition de pécheurs devant Dieu. Que dit, en effet, le bon larron ? “Pour nous, c’est juste !”.
C’est
ce cri des humbles que nous rencontrons si souvent dans la Bible :
-
C'est le cri de David après sa faute : "Oui,
je reconnais mon péché ! Purifie-moi !
- C’est
Zachée qui, devant Jésus, se reconnaît voleur...
-
C’est la pécheresse qui pleure ses égarements...
-
C’est la Samaritaine qui a honte de sa situation et ne cherche pas à la nier...
-
C’est Pierre qui après sa trahison, dit à Jésus : “Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur !”, et qui
aurait pu dire lui aussi : “Dans son
regard, j’ai tout compris !”.
Et
nous pouvons nous demander nous-mêmes : cette vérité-là, l’avons-nous admise ?
C’est pourtant dans cette vérité qui souvent nous brûle et fait mal que
seulement nous rencontrerons le Christ.
“Pour être sanctifié en vérité, écrivait
notre grand Bossuet, il faut voir la
vérité de ses fautes”. Et, à propos de Notre Dame, il ajoute : “Les mauvais anges étaient chastes, mais
avec toute leur chasteté, parce qu’ils étaient superbes, Dieu les a repoussés
jusqu’aux enfers. Il fallait donc que Marie fût humble autant que ces rebelles
ont été superbes ; et c’est ce qui lui a fait dire : ‘Je suis la servante
du Seigneur’. Il ne fallait rien moins pour la faire ‘Mère de Dieu’ !”…
“L’humilité suffit pour conduire à Dieu”
(St Jean Chrysostome) ; car “l’humilité qui met les choses à l’échelle
de Dieu est aussi l’échelle qui permet de monter à Dieu” (Mgr Ghika).
Si
l’humilité fait la lumière, la vérité sur notre condition de pécheur, elle nous
amène également à recevoir la lumière, la vérité d’un Autre. C’est
cela la foi ! (2ème
condition).
Nous
reconnaissant incapable d’accéder à la Vérité toute entière, nous sommes
prêts cependant à la recevoir. “Pour
croire, disait naguère le Pape Paul VI, il
faut un principe intérieur qui ne peut venir que de Dieu”, qui ne peut
venir que du Christ en croix : “une fois
élevé de terre, j’attirerai tout à moi”. Oui, fixqnt le Christ en croix,
nous pouvons comprendre et nous exclamer : "Dans
son regard, j’ai tout compris”.
Mais,
il faut bien préciser : la foi n’est pas un “saut dans l’absurde” ! Si la foi est bien l’assentiment de
notre intelligence (éclairée par l’Esprit Saint),
elle ne doit pas se contenter de cette adhésion, mais méditer sur la lumière qu’elle
reçoit de Dieu lui-même, s’en nourrir, s’en pénétrer de plus en plus, à
l'exemple de Notre Dame qui, dit St Luc, “méditait
toutes ces choses en son cœur”. Et jusqu'au pied de la croix, elle ne
cessait de le faire, de méditer ! Paul VI écrivait encore : “La foi risque de périr par asphyxie ou
inanition, si elle n’est pas tous les jours alimentée et soutenue,
entretenue”.
Si
nos connaissances humaines doivent progresser sans cesse tout au long de notre
vie, notre foi doit également progresser en s’approfondissant sous le regard
du Christ, en se structurant, en s’enracinant davantage en Dieu lui-même.
Et
cela par de simples actes de foi, certes !
Mais
aussi par l'information, la réflexion priante. Une foi qui cherche toujours
à mieux appréhender, disait St Thomas d’Aquin, à mieux comprendre.
Malheureusement,
on en reste souvent à des notions rudimentaires, ou à certaines notions
apprises dans la jeunesse. Et l'âge venant, on arrive à se contenter d'un
acquis souvent plus ou moins sclérosé, ou à une pratique d'habitudes qui ont
perdu leurs significations profondes - telle la pratique dominicale -. Alors,
un déséquilibre se produit entre connaissances religieuses plus ou moins rudimentaires
et connaissances humaines qui se développent obligatoirement... Faute de
mettre sans cesse notre regard dans celui du Christ, il y a le risque d'y
avoir en nous-mêmes comme une distorsion entre foi et raison ; on ne comprend
plus très bien. Et le Christ ne peut plus véritablement régner en nous !
L’humilité,
condition de la foi ! Et prière également ! (3ème condition) : “Jésus, souviens-toi de moi quand tu
viendras comme Roi !” La prière,
c’est déjà la rencontre de Dieu dans la foi. Prier, c’est veiller dans
l’attente de sa venue, c’est avoir soif de la visite du Seigneur, c’est
marcher à la rencontre de celui qui vient, qui ne cesse de venir : “Seigneur, souviens-toi de moi, disait
le psalmiste, c’est ta face que je
cherche”.
L’humilité
est déjà comme une prière continuelle. Elle est sans cesse un appel au
secours lancé vers Dieu. Elle ne nous permet pas de nous appuyer sur notre
propre puissance ou sagesse, ou de nous estimer supérieurs aux autres, ce qui
arrive dans cette terrible maladie qu’est la suffisance, l’orgueil.
L’humilité
et la prière sont inséparables. Elles sont indispensables pour rencontrer
le Seigneur dans la foi, avant de le rencontrer face à face lorsqu’il remettra
toute chose à son Père, lorsqu’il reviendra dans la gloire pour juger les
vivants et les morts. Alors son règne n’aura pas de fin.
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