T.O.
34 imp. Lundi - Sens de l'Histoire (Dan. 5.1-sv)
Le
livre de Daniel nous propose une lecture, une théologie de l'Histoire en
laquelle notre foi cherche à discerner le plan de Dieu sur le monde, son
dessein d'amour pour les hommes, pour tous les hommes appelés à "faire
alliance" avec lui, appelés à être Unique "Peuple de Dieu", éternellement !
La
lecture d'hier - décrivant la fameuse statue aux pieds d'argile - nous
apprenait que le monde n'est pas stable manquant de cette Unité
en Dieu qu'il rejette souvent : les royaumes, les règnes se succèdent
rapidement, s'anéantissent régulièrement. Et puis ce sont catastrophes,
massacres, tremblements de terre..., épidémies étranges, et puis guerres et
guerres encore, guerres des nations, guerres politiques, sociales,
culturelles... et autres choses aussi terrifiantes. L'homme s'étant détourné de
Dieu, la terre elle-même se révulse sous son emprise comme à Somme et
Gomorrhe... !
Notre
Seigneur lui-même nous a prévenus : tout disparaîtra dans ce
chaos du monde - même, disait-il dans l'évangile d'hier, le temple de Jérusalem,
une des merveilles du monde de son époque -. Tout disparaîtra de ce que l'on
voit, de ce que l'on fait !
Cependant
: dans l'incohérence des avatars que l'Histoire humaine véhicule, se développe,
en même temps, un dessein, un plan, le plan de Dieu qui, sans nullement
égratigner la liberté humaine, -
liberté dont il est plus jaloux que nous-mêmes - donne un sens à toute
l'Histoire de la création, à notre propre histoire personnelle si l'on veut
bien y réfléchir quelque peu avec un regard de foi.
Ce sens
divin de l'Histoire, dégagée des conditionnements du temps et de l'espace,
apporte une lumière qui permet de déchiffrer quelque peu les voies de la
Providence divine. A travers le rythme fondamental de l'histoire qui scande
anéantissements et surgissements, morts et résurrection..., pointe le "Jour du Seigneur", de Dieu qui vient et pour le
monde et pour chacun d'entre nous.
Il y a
- c'était la lecture d'hier - cette pierre - comme celle de la fronde
atteignant le colosse Goliath -, "pierre
d'achoppement qui fait tomber" (Rm 9.32 ; I Pet. 2.8) les
puissances sans foi et espérance, pierre de fondation d'une "maison spirituelle", en vue "d'offrir des sacrifices agréables à
Dieu" (I Pet. 2.5). C'est l'Eglise. Et l'homme de foi s'exclame déjà devant
toutes les nations, celles d'hier anéanties et celles d'aujourd'hui : "Je vois la cité sainte, la Jérusalem
nouvelle..., demeure de Dieu avec les hommes" (Apoc.
21.2-3).
Cette
vision de l'Histoire est d'une étrange actualité
surtout pour les plus anciens nés au lendemain de la première guerre mondiale
et qui ont été témoins de tant de révolutions, de transformations entraînant
souvent bien des pays, des nations dans la violence et d'affreuses souffrances.
Elle est encore d'actualité dans bien des régions : Afrique, Moyen-Orient...,
Amérique du Sud...et parfois jusque chez nous ! Daniel, notre visionnaire - un
ancien, un sage, certainement - dresse là un tableau d'un monde que,
finalement, nous connaissons bien, un monde destiné à disparaître.
Cet
auteur a su déchiffrer - Il a déchiffré la vision du livre : "Mené" (compter),
"Thékel" (peser), "Parsin" (fractionner). - Le
temps est "compté". Dieu a "pesé". Il va "réduire en
morceaux"... Car, comme disent souvent les psaumes, Dieu ne renonce
pas à intervenir pour faire triompher la justice et rétablir le bon droit. Et
nous savons, nous, que notre "justice", notre "justification",
notre "bon droit" pour une alliance éternelle a été définitivement
rétablie du haut d'une croix, dans un anéantissement en vue d'une
résurrection définitive.
Regardant
le Christ - mort et ressuscité -, nous devons être sans aucune illusion. Tout
disparaîtra, et même ce qui nous apparaît comme "images d'éternité",
nos belles cathédrales elles-mêmes... Car "la
figure de ce monde passe !" (I Co. 7.31).
Faut-il,
pour autant, vivre dans l'insouciance, l'oisiveté, attendant
tranquillement la venue du Seigneur, le Règne de Dieu : "Seigneur que ton Règne vienne !". NON ! Bien sûr !
Et
cela pour bien des raisons. J'en retiens deux principales.
A
ceux qui vivent dans l'oisiveté - cette oisiveté qui "enseigne tous les mauvais tours" (Si
33.29) -, à ces Thessaloniciens qui, misant sur le retour du
Seigneur, voulaient vivre pieusement sans doute mais sans travailler, "affairés sans rien faire", St
Paul dit catégoriquement : "que celui
qui ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus" (II
Thess 6. 10sv). "Il ne faut
pas, dit-il, manger le pain
d'autrui". Et la
consigne bénédictine - même si elle n'est pas textuellement dans la Règle de St
Benoît -, est bien celle-ci : "Ora
et labora". Prière et ravail ! Le "repos
laborieux du cloître !", a-t-on dit encore ! Sujet difficile depuis
toujours !
St
Luc note les paroles de Notre-Seigneur adressées à ses disciples qu'il envoie
en mission : "Le travailleur mérite
son salaire" (Lc 10.7). St Paul semble acquiescer à cette
règle comme une loi de la mission , tout en renonçant, pour
son compte, à en bénéficier : "Nous
avons travaillé pour n'être à la charge d'aucun d'entre vous, non pas que nous
n'en ayons pas le droit, mais pour vous donner un exemple !" (II
Thes 3.9).
"Non pas que nous n'en ayons pas
le droit...! dit l'(apôtre. Certes ! Prier est une grande part de notre
travail ! Mais n'a-t-on pas parfois abuser de ce principe pour recevoir gratuitement
? Nous qui avons fait vœu de pauvreté, et en un temps où la misère s'accentue chez nous,
autour de nous, il me semble qu'il faille toujours faire attention à cette loi
du travail pour "n'être à la charge
de personne" !
Une
deuxième raison de travailler, et de bien travailler, est celle-ci. Je l'ai
glanée dans un petit livre de Khalil Gibran - un sage libanais -, appelé
"Le Prophète !". Il disait :
"Le
travail, c'est l'amour rendu visible !"
Un amour pour Dieu ! D'abord ! Lorsqu'on travaille avec amour, on
devient une flute, disait-il ; et au cœur de cette flute, le murmure des heures
se transforme en musique, en prière. Et "Le Prophète", ce Sage d'introduire
dans le travail ce qui doit être notre sentiment à travers bien des psaumes que
nous chantons : "Le vent ne parle
pas aux chênes géants plus tendrement qu'au plus menu des brins d'herbe ; Mais
seul est grand celui qui convertit le hurlement du vent en un chant que son
propre amour a rendu plus suave !".
Un amour pour nos frères !
Et qu'est-ce que travailler avec amour
pour nos frères ?
C'est tisser la toile avec des fils tirés
de son cœur comme si son frère devait s'en parer. C'est bâtir une maison avec
affection, comme si son frère devait y habiter. C'est semer avec tendresse les
graines et récolter la moisson avec joie, comme sison frère devait en manger le
fruit.
"C'est, disait Khalil
Gibran, changer toutes choses que vous
façonnez d'un souffle de votre âme même".
Et il ajoutait :
Et si
vous ne pouvez travailler avec amour, mais avec déplaisir, mieux vaudrait
renoncer à votre travail et vous asseoir à la porte du temple, et quémander
l'aumône de ceux qui travaillent avec joie.
Tout disparaîtra ! Oui ! Sauf une seule chose qui a valeur d'éternité : l'amour que
nous aurons eu pour Dieu et pour nos frères tout en même temps ! "La
charité ne passe jamais, nous dit St
Paul. Les prophéties ? Elles
disparaîtront. Les langues ? Elles se tairont. La science ? Elle disparaîtra
!".
Mais la chairté ne passera jamais !
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