33e Dimanche T.O. 13/C
Le monde tel que
nous le connaissons est appelé à disparaître, nous rappelle Jésus. Mais
l'ébranlement des cieux, l'effondrement des nations emportées par les divisions
et la guerre cèdent moins à des forces de chaos qu'ils ne témoignent de la
proximité de celui qui vient… de “celui
qui vient !”.
Voilà l’important à
retenir : Jésus est venu ; il vient aujourd’hui ; il viendra
définitivement en sa gloire de ressuscité qui transfigurera toutes nos vies. Et
plus Jésus se fait proche de nous, et plus s'accroissent en nous, autour de nous
comme des douleurs d'enfantement, au terme desquelles sera emporté tout ce qui
nous apparaît visible et important ici-bas !
Cependant, nous le
savons tout autant : rien n'est plus contraire à Jésus que la guerre, rien
n'est plus conforme à son désir que la paix. Nous sommes en plein paradoxe
évangélique !
D'un côté, Jésus
demande d'aimer tout le monde, de ne haïr personne, de ne pas rendre le
mal pour le mal. Il proclame bienheureux les artisans de paix. Et, sur ces
paroles, les croyants s'engagent en faveur de la paix, les responsables
d'Église interviennent pour la préserver ou la promouvoir. La Liturgie
intercède pour que Dieu l'accorde à l'Église comme aux nations !
Et cependant, d'un
autre côté,
le même évangile nous rappelle chaque année que, d'une façon ou d'une autre,
nous n'échapperons pas à un grand bouleversement final et pour notre propre vie
et pour le monde entier… au moment de la venue du Seigneur. Bien plus, dit
Jésus, en l’attente de sa venue bouleversante, “on portera la main sur vous, et on vous persécutera”, “à cause de mon Nom !”.
Autrement dit, le
Seigneur ne nous dit pas qu’avec lui tout sera beau et facile comme on voudrait
le faire croire trop souvent. Il précise à ses disciples qu’il leur donne sa
joie, sa paix, mais qu’il les envoie “comme
des agneaux au milieu des loups”.
Mystère paradoxal
du Christ :
Il vient apporter la paix ; et il vient apporter la guerre ! Mais il
ajoute avec force : “Ne vous effrayez pas !”,
formule qui revient très souvent chez St Luc. “Ne vous effrayez pas !” :
"c’est par votre persévérance
(dans la foi) que vous obtiendrez la Vie".
- C’est dans le mystère pascal du Christ – ce passage de mort à vie – que tout
se résout, que le paradoxe disparaît en Celui qui a dit : “Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie”. “Il
nous faut donc marcher comme lui-même a marché”, dira St Jean. Alors la
lumière
jaillira. Elle brille déjà au cœur de nos vies. Elle deviendra triomphante sur
toutes nos ombres de mort. Au fond, notre vie chrétienne est sans cesse un
mystère d’engagement dans le propre mystère pascal du Christ.
Pour donner
quelques exemples :
- Je ne sais ce que
ressentit le cœur d’un Juif au moment de la destruction du temple de Jérusalem.
Mais c’était certainement, humainement, le “monde
à l’envers” !
- Je ne sais ce
qu’a été la chute de Rome pour un empereur chrétien qui voit sa ville sombrer
dans la décadence et la misère.
- Je ne sais ce
qu’éprouvait le pape Léon le Grand devant l’occupation par les Vandales.
Tout cela semble
dire Notre Seigneur, c’est le décor de ce monde, ce décor que le Seigneur a traversé et
traverse en notre compagnie avec tout son amour. Il s’agit donc de
l’entendre nous dire : “Je vous aime de toute éternité !”. Et “c’est par votre persévérance que vous
obtiendrez la Vie !”.
Et c’est à
chaque instant que nous retrouvons, dans l’évangile, ce même paradoxe.
Jésus guérit des malades, par exemple, ressuscite des morts. A notre tour, nous
lui demandons d'être préservés de la maladie, de guérir si nous sommes malades.
Des guérisons miraculeuses s'opèrent à Lourdes et ailleurs, et l'Église dispose
même d'un Sacrement des malades, célébré pour répandre la grâce de guérison qui
est celle de Jésus.
Mais, au bout du
compte, néanmoins, personne n'échappera à la mort, pas même les miraculés de
Lourdes, pas même Lazare, ressuscité une première fois. Toute guérison, toute
bonne santé ne sont que provisoires. Elles finiront par être vaincues par la
mort, irrémédiablement, mais pour que jaillisse la VIE, la vraie Vie du
Christ glorieux.
Oui, tel est le
paradoxe de la situation du chrétien en ce monde provisoire où tout est déjà
donné réellement, mais où cependant tout n'est donné que dans un miroir ou dans
une image, comme le dira St Paul.
On peut prendre une
comparaison, toujours très maladroite. Un jeune homme tient en main la
photographie de celle qu’il aime. Il regarde, mais il chercherait en vain à
toucher le modèle à travers l’image. Mais que celle qu’il aime vienne à lui, il
rangera son cliché sans plus y penser. Malgré tout, en l'absence de celle-ci,
il ne lui était pas inutile de contempler longuement la photographie de celle
qu'il aime. Car ce qui importe alors, ce n'est pas tant la photographie, c'est
son amour, et le fait que la photo lui permet d'aimer davantage. “Davantage !”, disait St Vincent de
Paul.
Il en va de même
pour tout ce que nous construisons ici-bas, pour tous nos engagements chrétiens
qui passent nécessairement à travers les signes ambigus et provisoires de notre
monde, un monde dont la figure est appelée à passer, dit encore St Paul (I Co 7,31). Ces engagements
sont nécessaires, mais ils ne dureront pas. Ils sont même voués à un échec
final, auquel ne survivra que la seule chose dont la Parole de Dieu nous a dit
qu'elle durera à jamais : l'amour qu'ils auront rendu possible (I Co 13,8) : “L’amour ne passera jamais !”.
Même le Temple de
Jérusalem, même nos cathédrales et nos églises, dont nous avons besoin pour
localiser notre soif de Dieu et notre prière : “Des jours viendront, avertit Jésus, où il ne restera pas pierre sur pierre” ; tout sera détruit. Mais
tout sera en même temps transformé en demeure spirituelle, dans les cieux,
grâce à l'amour qui les aura habités ici-bas : Par l’amour, vous êtes déjà
temple de Dieu, dit St Paul.
Même l'Eucharistie,
l'un des signes de Jésus que nous affectionnons entre tous, et dont lui-même a
voulu avoir besoin pour nous montrer son amour jusqu'au bout. En tant que signe
du pain et du vin partagés, l'Eucharistie est un sacrement provisoire, mais sa
réalité est appelée à durer à jamais :
- l'amour qui est
plus fort que la mort,
- l'amour qu'aucun
autre ne saurait égaler,
- l'amour de Jésus
qui donne sa vie pour ceux qu'il aime,
qui nous dit et
nous répète, toujours de façon paradoxale : croyez à l’amour de Dieu
manifesté par toute ma vie ! Alors même que vous seriez condamnés à mort, “pas un cheveu de votre tête ne sera
perdu !”.
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