samedi 9 novembre 2013

Résurrection !

32e Dimanche T.O. 13/C                  

La question que posent les Sadducéens qui, dans sa présentation, ne manque sans doute pas de nous surprendre, est cependant une vraie question, une de celles qui taraudent le cœur de l'homme depuis..., depuis toujours, et sur laquelle les civilisations et les religions ont projeté leurs lumières, chacune à sa manière. La vie en ce monde, oui ! Mais après ? Y a-t-il quelque chose au-delà ? La mort est-elle une fin, la chute dans le néant ? La vie au-delà de la vie, est-ce un leurre, une illusion rassurante ? Un rêve que je mets au compte du réel ?  

D'après certains sondages, il paraît que plus de 50 % des Français ne croient à aucune survie après la mort. Mais ce n'est pas nouveau : au temps de Jésus, les Sadducéens - classe dirigeante cultivée - ne croyaient pas à la résurrection après la mort et tournaient en dérision ceux qui y croyaient. Cela non plus n'est pas nouveau ! 

Le tout est de s'entendre sur ce mot : "résurrection" ! Que voulons-nous dire au juste quand nous affirmons dans notre credo : "Je crois à la résurrection de la chair... J'attends la résurrection des morts ?".

Evidemment, il serait ridicule d'y voir un phénomène biologique : comment un cadavre pourrait-il récupérer ses membres, organes, articulations... et parvenir à revivre ? C'est contraire au bon sens. La foi ne nous demande pas de croire à des absurdités.

Il serait tout aussi dangereux de comprendre la résurrection comme un retour en arrière, un retour à une vie semblable à celle qu'on avait avant de mourir, comme ce fut le cas pour Lazare ou le fils de la veuve de Naïm dont nous parlent les Evangiles. Il serait absurde de se représenter la vie des ressuscités sur le modèle de notre vie sur terre. C'était certainement l'objection principale qu'avançaient les Sadducéens pour refuser la notion de résurrection..

C'est évident ! La résurrection des morts n'est ni un phénomène biologique, ni une réanimation, ni un retour à une vie semblable à celle de maintenant.

La réponse de Jésus est au sens le plus fort du terme : "déroutante". Elle nous fait quitter la route du quotidien terrestre pour nous faire exister autrement dans un ailleurs que Jésus désigne souvent comme le "Royaume de Dieu" où l'espace et le temps ne peuvent plus exercer leurs contraintes.

Pour comprendre un peu il faut regarder Jésus, le Vivant, le Ressuscité !

En effet, la résurrection du Christ est le fondement de notre vie chrétienne. St Paul l'affirme de façon péremptoire : "S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si le Christ n'est pas ressuscité, vide est notre prédication et vide aussi notre foi... Mais non ! Le Christ est ressuscité des morts !" (I Cor. 15.13,14,20)

Cette affirmation du matin de Pâques, cette "proclamation" (kérygme) de foi pascale, les apôtres ne cesseront de l'affirmer. C'est le "leitmotiv" de leur prédication, le fondement, le sens de leur vie ...et donc, désormais, de la nôtre ! Et précisons le sens de notre vie actuelle : si le chrétien est dans le monde, il n'est déjà plus de ce monde (Cf. Jn 15.19 ; 17.16) ; il est déjà, depuis la résurrection du Christ, une "créature nouvelle", dit St Paul (2 Co. 5.17) qui précisera : "Si - à la suite du Ressuscité - les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain, nous mourrons !" (I Co. 15.32).
Peut-être que cet aphorisme un peu surprenant dans la bouche de l'apôtre, n'était qu'une allusion à une célèbre inscription épicurienne gravée sous la statue de Sardanapale, à la porte de sa ville natale de Tarse. Ce roi légendaire de Ninive (7ème s. av. J.-C.)  qui vécut dans la mollesse et la volupté - ce que le peintre Delacroix a rendu célèbre - aurait prononcé les paroles de cette inscription qui reste, malheureusement, d'actualité : "Voyageur (voyageur de la vie), mange et bois ; laisse-toi vivre", car demain, c'est la mort ! Le néant !

Ainsi donc, la résurrection des morts est une réalité qui relève uniquement de notre foi en Dieu, en ce Dieu qui, dit le psaume 68ème, a les issues de la mort elle-même, et qui l'a manifesté en ressuscitant son Fils, Notre Seigneur !
Oui, avec le Christ ressuscité, toujours vivant, la Résurrection, notre résurrection, déjà en germe dans notre vie chrétienne, est un acte de Dieu, comme pour le Christ ! Au terme, ce sera un acte de Dieu qui nous fera "passer" - une Pâques ! - définitivement en la vie divine, un accomplissement en Dieu de notre vie d'ici-bas toujours fragile et limitée.

On ne peut en parler que par images. Et c'est par images que Notre Seigneur lui-même en a parlé. Et les images sont toujours plus ou moins trompeuses. Mais que ce soit celle du festin, celle des noces, ou celle de la graine qui meurt en terre pour revivre au printemps, elles évoquent toutes la joie d'un merveilleux aboutissement, une communion d'amour et de vie inimaginable, un don gratuit de Dieu.

Oui, notre foi en la résurrection est liée à notre foi en la résurrection du Christ, est liée au vrai Dieu qui est amour et vie, qui n'est pas le Dieu de la mort mais le Dieu de la vie. Son projet d'amour sur nous est de nous faire partager la plénitude de sa vie et de son amour ; et c'est en Jésus ressuscité que nous y parvenons, dans une transfiguration à son image qui deviendra définitive.

Et déjà, on peut dire que, dès maintenant, nous sommes en apprentissage de notre vie de ressuscités ; nous sommes en train de ressusciter en nous laissant peu à peu transformer par le Christ au plus profond de nous-mêmes, par notre foi en lui. Tous les sacrements sont autant de rencontres avec le Christ qui vient à nous pour faire de nous des hommes nouveaux, vivant toujours plus intimement de sa vie, nous laissant animer par son Esprit qui fait de nous des "fils" et des "filles" de Dieu.

Oui, déjà, nous sommes en état de ressuscité. Notre résurrection est progressive ; elle commence à l'intérieur de nous-mêmes. Quand nous pensons "vie éternelle", ne pensons pas d'abord à une vie qui dure toujours, mais pensons d'abord à notre vie de maintenant en marche vers son suprême accomplissement. Après avoir commencé à ressusciter dès maintenant au plus profond de nos vies, nous ressusciterons ensuite visiblement quand le Seigneur le voudra : "Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ apparaîtra, alors, vous aussi, vous apparaîtrez avec lui en pleine gloire" (Col. 3.3-4). Voilà une parole sûre et bien expressive de la réalité.

Aussi, puisque toute la vie de Jésus fut une affaire d'amour et que Dieu est amour, notre résurrection dépend de notre capacité d'aimer et de servir nos frères au jour le jour. St Jean avait bien compris cela : "Quiconque aime est né de Dieu !". Le signe que nous sommes passés de la mort à la vie et que nous sommes des ressuscités, c'est que nous aimons nos frères. L'amour - le véritable, celui que Dieu verse en nous cœurs - est plus fort que la mort ! (Cf. I Jn 4.7).

Au fond, la réponse de Jésus est un appel à la foi au Dieu de la Vie. "Dieu, déclare-t-il avec force, n'est pas le Dieu des morts mais le Dieu des Vivants." Dieu n'est Dieu que s'il est le Dieu de la Vie et d'une Vie d'amour. Dès lors, si nous croyons en ce Dieu, comment dès lors ne pas croire à la vie ressuscitée au-delà de la mort ?             

Aussi, je me permets de terminer par une merveilleuse citation d'un poète chrétien du 5ème-6ème siècle, Boèce. Il définissait la résurrection par une phrase d'une concision telle qu'elle est presque intraduisible :
Interminabilis vitæ tota simul plena et perfecta possesio” ! - 
“Une pleine et parfaite possession de la vie, sans aucune limite, d'un seul coup et toute entière”.

Une pleine et parfaite possession de la vie... en Dieu ! Voilà notre foi en la Résurrection ! En sommes-nous conscients ?
C'est peut-être de cela que Jésus parlait à la Samaritaine quand il disait : "L'heure vient - et maintenant elle est là ! - où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité", bien au-delà de toutes pratiques à Jérusalem, sur le mont Garizim ou ailleurs. Car "Dieu est esprit ; et c'est pourquoi ceux qui l'adorent doivent adorer en esprit et en vérité !" (Jn 4.23sv).

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