mardi 5 novembre 2013

Morale !

T.O. 31 imp. Mardi  -        (Rm. 12.5-16)

Avec le chapitre 12ème de la lettre de St Paul aux Romains, commence, à la suite de la partie dogmatique, l'enseignement moral de l'apôtre. Les développements y sont moins étroitement enchaînés que précédemment ; et le style lui-même a quelque chose de plus abandonné. "On dirait, commentait naguère le P. Lagrange, que Paul ayant mené à terme l'exposition doctrinale si difficile qu'il avait à cœur, se livre désormais à un entretien moins soutenu et presque à bâtons rompus...".

Sur le plan moral, comme très souvent, l'apôtre se place au point de vue de la Communauté; il envisage le chrétien avant tout comme membre d'un Corps, l'Eglise. Il veut surtout souligner les rapports nouveaux que l'amour de Dieu, infusé par la foi dans le croyant, doit susciter entre les membres du Corps du Christ !
L'idée dominante est que l'homme fait partie d'un tout, qu'il ne peut vivre totalement isolé, qu'il est lié à d'autres personnes par des liens d'une étroite solidarité humaine et surtout spirituelle.
Ainsi, les chapitres 12ème à 16ème ne rassemblent pas seulement des exhortations sur certains points, mais visent à créer une communion vivante entre tous ceux qu'anime la foi en Jésus Christ !

L'apôtre avait commencé ainsi, de façon générale et percutante :
"Je vous exhorte au nom de la miséricorde de Dieu", de cette miséricorde dont je viens de vous décrire les manifestations dans le plan de Dieu, dans le plan du salut opéré par le Christ en faveur de tous les hommes...
"Je vous exhorte à vous offrir vous-mêmes". Littéralement, l'apôtre écrit : "Je vous exhorte à offrir vos corps". Par cette expression, il veut simplement signifier que c'est tout son être que le chrétien doit offrir ; aussi, doit-il exprimer visiblement cette offrande par son corps ! La foi n'implique pas seulement l'intelligence ; elle se doit de témoigner par tout un comportement visible. "Votre corps, avait dit l'apôtre aux Corinthiens, est un temple du Saint-Esprit... Glorifiez donc Dieu en votre corps !" (Cf. I Co. 6.19-20).

"Ce sera là, dit l'apôtre, votre culte spirituel". "Spirituel", traduit-on.
En grec : "logikos", éloquent, raisonnable, logique. La Vulgate traduit par "rationabile", raisonnable.
Les termes ont leur valeur : en mettant leurs corps au service de Dieu pour accomplir visiblement de saintes actions, en faisant de toute leur vie une "liturgie" en quelque sorte, les chrétiens doivent rendre à Dieu un culte raisonnable ("logikè"), non pas "rationnel", c'est-à-dire conforme seulement aux exigences de la raison naturelle, mais un culte conforme aux exigences de la raison éclairée par l'Esprit du Christ en eux. C'est en ce sens que l'on peut parler d'un culte "spirituel".
Cela est important, me semble-t-il. Notre culte - l'offrande de notre vie - n'est pas seulement dignement rationnel, bien ordonné humainement - ce qui est déjà bien -, mais notre culte - et précisons toujours : l'offrande de toute notre vie - doit être animé par la présence de l'Esprit Saint en nous-mêmes et... dans l'Eglise !

Pour cela, vient de dire St Paul, "ne vous conformez pas au monde présent".
"Ne vous conformez pas !" - Le terme qu'emploie St Paul indique quelque chose de superficiel : prendre simplement les manières, les goûts, les modes de penser et d'agir du monde, se conformer à un monde éphémère et changeant. Or, "la figure de ce monde passe", avait-il déjà dit (I Co 7.31). Se conformer aux us et coutumes du temps, c'est renoncer finalement à faire du solide, de l'éternel ; c'est sacrifier l'être au paraître ! Ce n'est pas là un "culte spirituel" ; ce n'est pas là "offrir nos corps" !

Au contraire, "soyez transformés par le renouvellement de votre esprit pour discerner quelle est la volonté de Dieu".
"Soyez transformés". L'apôtre écrit : "Metamorphousthè", mot dérivé de "morphè" - "forme" -. Il s'agit toujours du corps dont l'apparence elle-même a changé de "forme" en quelque sorte. Autrement dit, que votre corps, que toute votre existence en ce qu'elle a de visible manifeste un renouvellement intérieur qui change l'être tout entier et l'amène à une offrande de lui-même de plus en plus parfaite.

Et c'est dans la perspective spirituelle d'une telle morale que l'on peut lire les diverses exhortations de l'apôtre, celles que la liturgie nous propose aujourd'hui.

Loin de favoriser un individualisme religieux, l'apôtre va d'abord rappeler l'union qui doit exister entre des frères.
Et la principale recommandation est bien celle-ci : N'ayez pas de prétention individuelle. Car de même que nous avons plusieurs membres en un seul corps et que ces membres n'ont pas tous la même fonction, ainsi nous formons un seul corps dans le Christ. Tous et chacun nous sommes membres les uns des autres.
Soyez donc humbles ! L'humilité qui était un défaut chez les Grecs, une qualité dans l'Ancien Testament, - car "Dieu élève les humbles" (Cf. Lc 1.52) -, est finalement la caractéristique du disciple de Celui qui s'est défini lui-même "doux et humble de cœur" (Mth. 11.29). Sans cette attitude fondamentale, il n'y a pas d'amour vraiment désintéressée, et partant, pas de communauté digne du nom de chrétien en laquelle chacun doit se considérer au service de tous, doit se faire en quelque sorte "l'esclave de chacun" (selon  Gal 5.13-14)). Et si l'apôtre encourage à l'humilité, c'est pour souligner l'unité d'un même corps. Mais il demande également à ne pas se sous-estimer - ce qui est d'ailleurs encore une forme d'orgueil, un "orgueil renversé" -.

Que chacun agisse donc selon la grâce que Dieu lui a donnée !

 Est-il prophète ? "Celui qui prophétise parle aux hommes : il édifie, il exhorte, il encourage" (I Co. 14.3). C'est une belle fonction. Mais, précise l'apôtre, qu'on l'exerce "en accord avec la foi". Que veut-il dire ?
"En accord avec la foi..."
-  soit au sens objectif : en harmonie avec la foi, avec l'ensemble des vérités révélées et reçues par la communauté chrétienne, l'Eglise !
- soit au sens subjectif : dans la mesure du don reçu, en tant que le prophète inspiré par l'Esprit Saint ne puisse céder à des impulsions moins pures comme celles de l'amour-propre. Car, avait déjà dit St Paul, "les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes" (I Co. 14.29), une disposition ecclésiale qui permet de discerner le véritable prophète.

Si un autre a le don de la "diakonia", du "service", et bien qu'il serve. En toutes circonstances, qu'il soit au service de l'Eglise et de ses frères.

Si un autre a le don d'enseigner, qu'il enseigne. Le docteur ou "didascalè" qui n'est ni prophète, ni prédicateur, mais qui est un "catéchiste" par vocation, enseigne les vérités courantes du christianisme.

Bref, semble dire St Paul : en toutes choses, que l'on donne avec simplicité, que l'on agisse avec zèle, avec miséricorde et joie.

Et naturellement l'application de toutes ces exhortations ne peut être finalement envisagée que dans un contexte de charité, une charité sincère, une charité qui franchit toutes les barrières.

Et St Paul de préciser quelques caractéristiques de la charité : zèle, joie, persévérance, patience, hospitalité..., prière ! Et de conclure : "N'ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez vous attirer pas ce qui est humble !". N'est-ce pas l'enseignement et l'exemple du pape François ? Sachons nous mettre à son école !

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