T.O. 31 imp. Lundi - (Rm. 11.29sv)
Par notre lecture d'aujourd'hui, St Paul
termine son exposé dogmatique sur le "salut", (la
"justification", la sanctification") de toute
l'humanité. Ce salut s'opère par pure grâce divine : c'est l'effet de
l'indéfectible amour de Dieu pour tout homme, amour manifesté principalement
par le mystère pascal du Christ, amour reçu par une foi de plus en plus
profonde et forte ("ex
fide in finem").
Et l'apôtre termine son exposé sur un sujet
qui lui tient tellement à cœur qu'il s'est déjà écrié : "J'ai au cœur une grande tristesse et une douleur incessante. Oui,
je souhaiterais être anathème (c'est-à-dire être
objet de malédiction), être moi-même
séparé du Christ pour mes frères, ceux de ma race selon la chair, eux à qui
appartiennent l'adoption, la gloire, les alliances..., la Loi, les promesses,
eux de qui, selon la chair, est issu le Christ qui est au-dessus de tout...
!"
(9.2sv).
En tous les cas, a-t-il dit (11.25), ce refus,
par Israël, du salut de Dieu par le Christ est un mystère à méditer pour
que personne ne s'enorgueillisse et se prenne pour sage !
Oui, c'est un mystère que les Actes des
apôtres soulignent souvent : On dirait qu'il y a comme une relation de
cause à effet entre le refus mystérieux du "Peuple élu" et la venue
des païens à la foi !
Jésus lui-même avait fait allusion à ce
"mystère"
lors de sa "prédication" à la synagogue de Nazareth. Il affirmait
catégoriquement et de façon pertinente : "Il
y avait beaucoup de veuves en Israël au temps d'Elie... Mais c'est à aucune
d'entre elles qu'Elie fut envoyé, mais bien à une veuve de Sarepta !"
Et de même : "Il y avait beaucoup de
lépreux en Israël en temps du prophète Elisée. Pourtant aucun d'entre eux ne
fut purifié, mais Naaman le Syrien !" (Lc 4.25sv).
Et encore, dans le livre de Jonas
auquel Jésus fera allusion (le "signe de Jonas" Math 12), il y a la même
étrange coïncidence, le même "balancement" entre les païens de l'est
et de l'ouest avec ceux qui sont "au centre", si je puis dire, et qui
refusent la Parole de Dieu. Etrange connexion entre le refus des uns et la
conversion des autres !
Bien plus, on peut remarquer qu'au
moment de la naissance du "Fils de Dieu" à Bethléem, les Mages,
arrivés à Jérusalem, demandent "où
doit naître le Roi des Juifs ?". Les scribes d'Israël le savent,
eux ! Ils répondent ; mais ils ne se dérangent pas ! Les Mages, ces "adorateurs d'étoiles" se
hâtent, eux, pour aller rendre hommage à "l'enfant
Jésus et à sa mère" (Mth 2.11) !
Et bien des épisodes de la Bible ou de
l'histoire de l'Eglise se rattachent à ce phénomène du refus des uns provoquant
l'adhésion des autres !
Comment St Paul nous aide-t-il à aborder ce
qu'il qualifie de "mystère" ? Il semble tout résoudre dans la
"miséricorde de Dieu" ! La miséricorde divine est le terme de
tout : elle attire dans son orbite les uns après les autres, païens et
Juifs. "Jadis, dit-il, vous (païens) avez
désobéi à Dieu ; et maintenant, par suite de leur désobéissance (Juifs), vous avez obtenu miséricorde. De même, eux
aussi ont désobéi maintenant afin que, par suite de la miséricorde exercée
envers vous, ils obtiennent alors miséricorde à leur tour !". Et
l'apôtre de conclure avec sa concision habituelle : Finalement, "Dieu a enfermé tous les hommes dans la
désobéissance pour faire à tous miséricorde !".
Ainsi l'apôtre garde ferme espérance : "Les dons de Dieu sont irrévocables
!". Aussi, a-t-il dit, "l'endurcissement
d'une partie d'Israël durera jusqu'à ce que soit entré l'ensemble des païens.
Et ainsi tout Israël sera sauvé !" (11.25).
Je me suis permis d'insister pour rappeler
la souffrance de St Paul et en même temps sa ferme espérance à propos de
la vocation d'Israël qui doit s'épanouir un jour en plénitude.
Et sur ce point, nous n'avons malheureusement
pas suivi le conseil de St Paul. Nous avons bien reçu le salut par la foi. Mais,
souvent, nous en avons tiré orgueil en nous glorifiant aux dépens d'Israël (Cf. V/ 20 & 25) en pratiquant un
antisémitisme plus ou moins fort au long des siècles !
Aussi, le Concile Vatican II a enfin
fortement réagi : "Scrutant le
mystère de l'Eglise, le Concile se souvient du lien qui unit le peuple du
Nouveau Testament à la descendance d'Abraham... Selon St Paul, les Juifs
restent, à cause de leurs pères, chers à Dieu dont les dons et l'appel sont
irrévocables". (Décl.
"Nostra aetate).
Dès lors, l'enseignement de l'Eglise s'est
fortement affiné par la suite pour culminer par le geste du pape Jean-Paul
II lors de sa visite à Jérusalem en l'an 2000. Se rendant au "mur des
lamentations", il s'est recueilli et a placé un billet entre les pierres -
suivant la coutume juive qui y viennent prier - contenant ces mots : "Dieu de nos pères, tu as choisi
Abraham et sa descendance pour que ton Nom soit apporté aux peuples. Nous
sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de
l'histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils ; et, en te demandant
pardon, nous voulons nous engager à vivre une fraternité authentique avec le
peuple de l'Alliance".
Le pape Jean-Paul II, méditait, lui aussi, ce
grand mystère du refus apparent d'Israël. Un jour, lors d'une conversation
avec un membre de la Communauté catholique hébraïque de Jérusalem, le frère
Yohanan, le pape lui dit : "Il est
normal que l'Eglise soit intéressée à de bons rapports avec Israël, puisque
l'Eglise est le "Nouvel Israël !". Humblement, le religieux lui
fit alors remarquer que la formule n'était peut-être pas très exacte : "D'après l'image que Paul utilise dans
sa lettre aux Romains, l'olivier franc est Israël (Rm 11.17-24); et les membres des nations païennes sont
greffés parmi les branches de cet olivier. Aussi peut-être serait-il mieux de
dire que l'Eglise est "l'Israël élargi". Après quelques
réflexions, le pape reprit : "Oui,
vous avez raison, je me suis trompé, il vaut mieux dire "l'Israël
élargi" !
Il est bon, d'ailleurs, de remarquer que la
"Déclaration Noatra aetate" cite explicitement le passage de la
lettre de Paul aux Romains (9.4) en laquelle l'apôtre manifeste sa tristesse à propos
de ses compatriotes : "...eux qui
sont les Israélites, à qui appartiennent l'adoption, la Gloire (c'est-à-dire la
présence de Dieu dans son peuple), la
Loi, le culte, les promesses...". Et cette citation est rappeler pour
souligner que St Paul ne dit pas : "à qui appartenaient", comme s'il
s'agissait d'une chose périmée, mais "à qui appartiennent". C'est du
présent. Tout cela est leur patrimoine. Dieu ne les en pas dépouillés. "Car les dons de Dieu sont irrévocables
!".
Et je conclus par une actualité :
l'inauguration du "Mémorial Lustiger", le 23 octobre dernier, à
l'initiative du "Conseil représentatif des
institutions juives de France" (CRIF) dans le jardin du monastère
bénédictin d’Abu Gosh, fréquenté par chrétiens, juifs et musulmans.
A cette
occasion, le Cal Vingt-Trois soulignait la pensée de son
prédécesseur : "La ligne du Concile
Vatican II consiste à ré-identifier l'origine juive de la foi chrétienne et à reconnaître
l'enracinement de la foi chrétienne dans le Peuple d'Israël ainsi qu'une relation
tout à fait particulière entre les Juifs et les Chrétiens...Nous devons nous
rappeler la source d'autrefois !"
Et commentant
ensuite la lecture de la lettre aux Romains, l’archevêque de Paris soulignait :
St Paul nous entraîne dans la contemplation de la figure du Christ, comme clef
d’interprétation de l’histoire de l’humanité, de l’histoire spirituelle de
l’humanité. Le Christ est la clef d'interprétation de toute "l’histoire de l’alliance voulue avec
le Peuple élu", histoire "appelée
à s’accomplir dans l’humanité tout entière". Une histoire de la venue du
Christ accomplissant la promesse faite à Israël, histoire "d'une alliance d’amour qui s’accomplit toujours à travers le
choix de la liberté humaine".
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