lundi 4 novembre 2013

Juifs - Païens ! Chrétiens - Juifs !

T.O. 31 imp. Lundi  -        (Rm. 11.29sv)

Par notre lecture d'aujourd'hui, St Paul termine son exposé dogmatique sur le "salut", (la "justification", la sanctification") de toute l'humanité. Ce salut s'opère par pure grâce divine : c'est l'effet de l'indéfectible amour de Dieu pour tout homme, amour manifesté principalement par le mystère pascal du Christ, amour reçu par une foi de plus en plus profonde et forte ("ex fide in finem").

Et l'apôtre termine son exposé sur un sujet qui lui tient tellement à cœur qu'il s'est déjà écrié : "J'ai au cœur une grande tristesse et une douleur incessante. Oui, je souhaiterais être anathème (c'est-à-dire être objet de malédiction), être moi-même séparé du Christ pour mes frères, ceux de ma race selon la chair, eux à qui appartiennent l'adoption, la gloire, les alliances..., la Loi, les promesses, eux de qui, selon la chair, est issu le Christ qui est au-dessus de tout... !" (9.2sv).

En tous les cas, a-t-il dit (11.25), ce refus, par Israël, du salut de Dieu par le Christ est un mystère à méditer pour que personne ne s'enorgueillisse et se prenne pour sage !
Oui, c'est un mystère que les Actes des apôtres soulignent souvent : On dirait qu'il y a comme une relation de cause à effet entre le refus mystérieux du "Peuple élu" et la venue des païens à la foi !

Jésus lui-même avait fait allusion à ce "mystère" lors de sa "prédication" à la synagogue de Nazareth. Il affirmait catégoriquement et de façon pertinente : "Il y avait beaucoup de veuves en Israël au temps d'Elie... Mais c'est à aucune d'entre elles qu'Elie fut envoyé, mais bien à une veuve de Sarepta !" Et de même : "Il y avait beaucoup de lépreux en Israël en temps du prophète Elisée. Pourtant aucun d'entre eux ne fut purifié, mais Naaman le Syrien !" (Lc 4.25sv).

Et encore, dans le livre de Jonas auquel Jésus fera allusion (le "signe de Jonas" Math 12), il y a la même étrange coïncidence, le même "balancement" entre les païens de l'est et de l'ouest avec ceux qui sont "au centre", si je puis dire, et qui refusent la Parole de Dieu. Etrange connexion entre le refus des uns et la conversion des autres !

Bien plus, on peut remarquer qu'au moment de la naissance du "Fils de Dieu" à Bethléem, les Mages, arrivés à Jérusalem, demandent "où doit naître le Roi des Juifs ?". Les scribes d'Israël le savent, eux ! Ils répondent ; mais ils ne se dérangent pas ! Les Mages, ces "adorateurs d'étoiles" se hâtent, eux, pour aller rendre hommage à "l'enfant Jésus et à sa mère" (Mth 2.11) !

Et bien des épisodes de la Bible ou de l'histoire de l'Eglise se rattachent à ce phénomène du refus des uns provoquant l'adhésion des autres !

Comment St Paul nous aide-t-il à aborder ce qu'il qualifie de "mystère" ? Il semble tout résoudre dans la "miséricorde de Dieu" ! La miséricorde divine est le terme de tout : elle attire dans son orbite les uns après les autres, païens et Juifs. "Jadis, dit-il, vous (païens) avez désobéi à Dieu ; et maintenant, par suite de leur désobéissance (Juifs), vous avez obtenu miséricorde. De même, eux aussi ont désobéi maintenant afin que, par suite de la miséricorde exercée envers vous, ils obtiennent alors miséricorde à leur tour !". Et l'apôtre de conclure avec sa concision habituelle : Finalement, "Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde !".

Ainsi l'apôtre garde ferme espérance : "Les dons de Dieu sont irrévocables !". Aussi, a-t-il dit, "l'endurcissement d'une partie d'Israël durera jusqu'à ce que soit entré l'ensemble des païens. Et ainsi tout Israël sera sauvé !" (11.25).

Je me suis permis d'insister pour rappeler la souffrance de St Paul et en même temps sa ferme espérance à propos de la vocation d'Israël qui doit s'épanouir un jour en plénitude.
Et sur ce point, nous n'avons malheureusement pas suivi le conseil de St Paul. Nous avons bien reçu le salut par la foi. Mais, souvent, nous en avons tiré orgueil en nous glorifiant aux dépens d'Israël (Cf. V/ 20 & 25) en pratiquant un antisémitisme plus ou moins fort au long des siècles !

Aussi, le Concile Vatican II a enfin fortement réagi : "Scrutant le mystère de l'Eglise, le Concile se souvient du lien qui unit le peuple du Nouveau Testament à la descendance d'Abraham... Selon St Paul, les Juifs restent, à cause de leurs pères, chers à Dieu dont les dons et l'appel sont irrévocables". (Décl. "Nostra aetate).

Dès lors, l'enseignement de l'Eglise s'est fortement affiné par la suite pour culminer par le geste du pape Jean-Paul II lors de sa visite à Jérusalem en l'an 2000. Se rendant au "mur des lamentations", il s'est recueilli et a placé un billet entre les pierres - suivant la coutume juive qui y viennent prier - contenant ces mots : "Dieu de nos pères, tu as choisi Abraham et sa descendance pour que ton Nom soit apporté aux peuples. Nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l'histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils ; et, en te demandant pardon, nous voulons nous engager à vivre une fraternité authentique avec le peuple de l'Alliance".

Le pape Jean-Paul II, méditait, lui aussi, ce grand mystère du refus apparent d'Israël. Un jour, lors d'une conversation avec un membre de la Communauté catholique hébraïque de Jérusalem, le frère Yohanan, le pape lui dit : "Il est normal que l'Eglise soit intéressée à de bons rapports avec Israël, puisque l'Eglise est le "Nouvel Israël !". Humblement, le religieux lui fit alors remarquer que la formule n'était peut-être pas très exacte : "D'après l'image que Paul utilise dans sa lettre aux Romains, l'olivier franc est Israël (Rm 11.17-24); et les membres des nations païennes sont greffés parmi les branches de cet olivier. Aussi peut-être serait-il mieux de dire que l'Eglise est "l'Israël élargi". Après quelques réflexions, le pape reprit : "Oui, vous avez raison, je me suis trompé, il vaut mieux dire "l'Israël élargi" !
Il est bon, d'ailleurs, de remarquer que la "Déclaration Noatra aetate" cite explicitement le passage de la lettre de Paul aux Romains (9.4) en laquelle l'apôtre manifeste sa tristesse à propos de ses compatriotes : "...eux qui sont les Israélites, à qui appartiennent l'adoption, la Gloire (c'est-à-dire la présence de Dieu dans son peuple), la Loi, le culte, les promesses...". Et cette citation est rappeler pour souligner que St Paul ne dit pas : "à qui appartenaient", comme s'il s'agissait d'une chose périmée, mais "à qui appartiennent". C'est du présent. Tout cela est leur patrimoine. Dieu ne les en pas dépouillés. "Car les dons de Dieu sont irrévocables !".

Et je conclus par une actualité : l'inauguration du "Mémorial Lustiger", le 23 octobre dernier, à l'initiative du "Conseil représentatif des institutions juives de France" (CRIF) dans le jardin du monastère bénédictin d’Abu Gosh, fréquenté par chrétiens, juifs et musulmans.
A cette occasion, le Cal Vingt-Trois soulignait la pensée de son prédécesseur : "La ligne du Concile Vatican II consiste à ré-identifier l'origine juive de la foi chrétienne et à reconnaître l'enracinement de la foi chrétienne dans le Peuple d'Israël ainsi qu'une relation tout à fait particulière entre les Juifs et les Chrétiens...Nous devons nous rappeler la source d'autrefois !"

Et commentant ensuite la lecture de la lettre aux Romains, l’archevêque de Paris soulignait : St Paul nous entraîne dans la contemplation de la figure du Christ, comme clef d’interprétation de l’histoire de l’humanité, de l’histoire spirituelle de l’humanité. Le Christ est la clef d'interprétation de toute "l’histoire de l’alliance voulue avec le Peuple élu", histoire "appelée à s’accomplir dans l’humanité tout entière". Une histoire de la venue du Christ accomplissant la promesse faite à Israël, histoire "d'une alliance d’amour qui s’accomplit toujours à travers le choix de la liberté humaine".

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