dimanche 3 novembre 2013

Regards !

31e Dimanche du T.O. 13/C   

Cet évangile de la conversion de Zachée, nous le connaissons par cœur. Il s'agit de l'une des nombreuses rencontres de Jésus, rencontre qui transforme et qui fait revivre. Car une "rencontre", ce n'est pas - habituellement et fort heureusement - une attitude qui nous pose "contre" quelqu'un, mais qui nous permet d'"entrer" en lui !
Et ici, le regard des différents personnages qui se rencontrent revêt une importance particulière et peut nous aider
- à percevoir le regard de Dieu sur nous,
- à regarder nous-mêmes ceux qui nous entourent - spécialement ceux qui nous sont confiés -,
- à oser regarder vers Dieu dans l'attente du "face à face" éternel.

Il y a d'abord le regard de Zachée qui cherchait à voir qui était Jésus ; et il n'y arrivait pas. En cet homme qui était un pécheur notoire et détesté, à la fois voleur de ses frères et collaborateur avec l'occupant, en cet homme il y avait donc un certain "désir" de voir.
Je crois qu'en tout homme il y a ce désir. L'indifférence et le matérialisme apparent d'une vie - de toute vie, de nos vies - n'étouffent jamais complètement l'aspiration à quelque chose de supérieur, n'étouffent jamais l'aspiration à une rencontre vraie et profonde.
Oui, ce "désir" de Zachée de voir Jésus demeure, au long des siècles, le désir de tout croyant - et même du croyant qui s'ignore ! -.
Au 2ème siècle, St Irénée de Lyon écrivait : "La vie de l'homme, c'est la vision de Dieu !". A la fin du 5ème siècle, un jeune enfant, Benoît, le futur patriarche des moines d'Occident, ne faisait que répéter : "Je veux voir Dieu !". Et, plus tard, au 16ème siècle, une femme, Thérèse d'Avila, reprenait cette même demande. Zachée est bien de tous les temps !

Et voilà que notre Zachée de l'évangile court et grimpe sur un sycomore pour "voir Jésus". Regard de simple curiosité, diront certains ! Peut-être ! Mais aussi et surtout recherche obscure de celui, tel Nicodème également, qui cherche dans la nuit et ne veut pas être vu, parce que son cœur, à lui aussi, est blessé et souffrant. Vous savez ! Quand on souffre d'une blessure secrète, on cherche souvent la solitude et le silence !

Il y a donc le regard de Zachée, le regard de l'homme qui, obscurément, cherche à percer l'obscurité de notre humanité enténébrée, qui cherche à voir Jésus, à voir Dieu !

Mais il y a toujours le regard de Jésus, ce regard sur Zachée ! "Jésus leva les yeux vers Zachée !".
Evènement extraordinaire ! Jésus vient d'entrer à Jéricho, "la ville des palmes", une cité très riche dont Hérode le Grand avait fait sa résidence d'hiver avec cirque, palais, bains et saunas multiples, théâtre, hippodrome, et de merveilleux jardins. Vraiment une ville opulente. De plus, Jésus qui vient de guérir Bartimée, l'aveugle, est accompagné d'une foule nombreuse.

Et voilà que dans cette ville magnifique, au milieu de cette foule qui le presse de toutes parts, pour Jésus, un seul homme compte : Zachée ! Et c'est pourtant celui que tout le monde déteste ! C'est que Jésus regarde autrement que nous. Son regard n'est pas attiré par les bien-pensants, les riches ou les puissants…, mais par les pécheurs - que le pécheur, d'ailleurs, soit riche comme Zachée ou pauvre, peu importe finalement -.
C'est pour les pécheurs que nous sommes tous que Jésus est venu qu'il veut voir, rencontrer ! La première lecture nous l'a fait pressentir : "Ceux qui tombent, Seigneur, tu les reprends peu à peu ; tu les avertis ; tu leur rappelle en quoi ils pèchent pour qu'ils se détournent du mal et qu'ils puissent croire en toi, Seigneur !".

En Zachée, Jésus voit celui qui n'est pas heureux dans Jéricho parce qu'il n'est pas aimé, celui qui cherche, celui qui a dans son cœur un désir peut-être caché mais bien réel. Le regard de Jésus discerne en Za­chée le saint qu'il est appelé à devenir. Alors, il s'invite chez lui, car l'amour fait toujours les premiers pas : "Zachée, descends vite !". - Et remarquez encore que Jésus ne dit pas simplement : "Descends, je veux te parler, te rencontrer !". Il dit : "Il faut que j'aille demeurer chez toi !". Zachée lui-même est appelé à devenir "temple de Dieu", "adorateur en esprit et en vérité".

Il y a encore le regard de la foule sur Zachée et c'est un regard de réprobation, de condamnation. Dans un "murmure", une "récrimination" qui rappelle celui du peuple contre Moïse, Jésus est désavoué : "Il est allé chez un pécheur !".  La foule n'accepte pas un tel visage de Dieu…, le visage du "bon Samaritain" penché sur l'homme blessé au bord de la route.

Il y a enfin le regard de Zachée quand il est avec Jésus dans sa maison. C'est un regard qui change. Voici que des mots nouveaux, étranges, apparaissent sur ses lèvres : "Je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens. Si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois plus !". Lui qui était si avide d'argent, voici qu'il pense aux pauvres !
Voici que son propre regard sur les autres quitte celui de la foule et change ! C'est un regard d'amour, un regard fraternel. Les autres, il craint maintenant de leur avoir fait du tort, car il comprend maintenant que ce sont ses frères. - Quand Jésus - Fils de Dieu "son Père et notre Père" - descend et habite en un homme, celui-ci ne peut se regarder que comme frère de tous ses semblables !
Mais c'est aussi son regard sur lui-même qui a changé : "si j'ai fait du tort !", dit-il. Son regard est devenu humble, parce que lucide. Sous le regard de Jésus, Zachée se voit tel qu'il est, mais il n'est pas désespéré, car il se sait pardonné ; il est même tout joyeux : il reçoit Jésus avec joie, dit le texte ; désormais sa joie est de rendre au lieu de prendre, de donner au lieu de voler.

Ainsi, en accueillant Jésus dans sa maison, Zachée l'a reçu surtout en son cœur. Jésus a comblé le secret désir de Zachée au-delà de tout ce qu'il pouvait imaginer. Et l'évangile nous fait pressentir la joie de Jésus, car la conversion de Zachée est comme un signe de sa mission : "Le Fils de l'homme est venu est venu chercher et sauver ce qui était perdu !". Lui, Zachée, qui était rejeté par tous les habitants de Jéricho, lui aussi est un "fils d'Abraham", un "fils de la promesse" : Il était perdu ;  le voilà sauvé !

Oui, Jésus regarde autrement que nous ! Son regard rend confiance, son regard transforme, son regard fait revivre et sauve.
Alors n'ayons pas peur de nous dire avec l'humilité de Zachée pardonné : Aujourd'hui, Jésus me regarde avec amour, avec confiance, et il m'appelle : "Descends vite, il faut que j'aille demeurer chez toi !". Aujourd'hui, Jésus veut transformer mon regard sur les autres, en me les faisant voir comme il les voit, comme il a regardé Zachée.

Aujourd'hui, Zachée, c'est moi, c'est chacun d'entre nous, étiqueté par le regard des autres, appelé à découvrir mes torts et à voir les autres comme des frères aimés de Dieu. Quand Jésus vient en nous, on l'aperçoit aussi en nos frères. Alors, tout change !

Que le Seigneur éclaire notre regard, nous aide à discerner en celui que l'on traite de "pécheur", un "fils d'Abraham" lui aussi, un "frère de Jésus", un "fils de Dieu !". 

St Paul nous y encourageait (2de lect.) : "...Que notre Dieu vous trouve digne de l'appel qu'il vous a adressé. Qu'il vous donne d'accomplir tout le bien que vous désirez... Ainsi, notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous, et vous en lui ! Voilà ce que nous réserve la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus !".

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