dimanche 27 novembre 2011

Viens Seigneur !

1er Avent B 11-12 -

Merveilleux temps de l’Avent ! Temps de joie intérieure, de sérénité, de paix ! Temps de préparation à la fête de Noël, à la venue de l’“Emmanuel“ : Dieu parmi nous ! Chaque année, les mêmes affirmations et appels sont proclamées, sont lancés : Le Seigneur vient ! Il est proche ! Réveillez-vous, ouvrez vos cœurs ! Mais de telles affirmations si belles, de tels appels si pressants résonnent-ils véritablement en nous ? Que chacun y réponde en reprenant les textes que la liturgie de l’Avent propose.

La première lecture - du prophète Isaïe - met en scène des femmes et des hommes malheureux, des êtres déçus de leur existence, un peu honteux de leur vie médiocre marquée sans doute par le péché. C’est toujours d’une grande actualité !
Mais dans leur cœur, il y a une faim, une soif. Ils rêvent d'un changement. Consciemment et inconsciemment, ils ont faim, soif de Dieu qui peut les faire vivre autrement, qui peut faire chanter leur existence. Aussi se tournent-ils vers lui, l'implorent avec ferveur : “Ah ! si tu déchirais les cieux. Si tu descendais, si tu venais à notre secours. Viens, Seigneur ! Sans toi, nous ne pouvons rien !” Viens, Seigneur !

Un appel aussi vif et sincère jaillit-il du fond de notre cœur ? Peut-être que ce temps de l’Avent éveillera en nous une profonde attente du Christ ! Mais peut-être sommes-nous parfois des chrétiens fatigués, quelque peu désabusés et sans projets. Ou sommes-nous encore comme le prophète Jérémie : “A cause de la parole du Seigneur, je suis en butte à longueur de journée aux outrages (de la vie), aux sarcasmes et moqueries. Mais quand je dis : « je n’en ferai plus mention, je ne dirai plus la parole en son nom », alors sa Parole devient au-dedans de moi comme un feu dévorant. Même si je veux le contenir, je n’y arrive pas” (20.9)

Et ce feu divin couve en chaque chrétien - même parfois désabusé -, en chaque croyant - même lorsque la souffrance l’entraîne loin de Dieu -. St Paul l’explique dans la deuxième lecture : Voyez ce que Dieu fait. Voyez les richesses, les grâces qui vous ont été accordées. N'est-ce pas admirable ? Je vous en prie : Ne vous reposez pas. Vous n'êtes pas encore arrivés au bout de votre course. Vous n'avez pas encore tout découvert de votre aventure avec le Christ. Ne vous endormez pas ! Tenez solidement jusqu'au bout.

Accueillons, aujourd'hui, une pareille exhortation ! Prenons-la au sérieux ! Le contraire serait notre perte : le Christ ne peut rien apporter, si nous pensons le connaître assez et qu'il n'a plus rien à nous apprendre, si nous sommes convaincus de lui avoir donné suffisamment... Il est alors bien évident que les Avents qui reviennent d'année en année n'ont plus guère de sens, ne peuvent plus en avoir.
Mais le contraire est aussi possible. Nous pouvons ouvrir nos cœurs, nos yeux, nos oreilles, tourner notre regard vers celui qui a promis de venir vers nous. Car s’il est venu, il viendra. Et non seulement il viendra, mais il vient… en notre vie !

Oui, notre foi l’affirme : nous savons que le Christ, qui viendra à la fin des temps, est déjà venu sur terre. Il est né à Bethléem, au temps du roi Auguste, alors que Quirinius était gouverneur de Syrie (Lc 2, 2). Nous le rappellerons à Noël ! Mais nous savons aussi que, depuis sa résurrection, il ne cesse de venir ; il est toujours présent. Et nous savons qu’il tient sa promesse : “Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde” (Mt 28,20).

Certes, cette présence du Ressuscité au milieu de nous n'est cependant pas toujours manifeste. Elle est même voilée, reconnaîtra St Paul lui-même. Nous ne voyons pas le Christ de nos yeux. Nous ne l'entendons pas de nos oreilles. Nous ne pouvons pas le toucher de nos mains. Lui-même nous a prévenus que nous ne pouvons pas pointer le doigt vers un lieu ou vers quelqu'un et dire : “Regarde là ! c'est lui !”. Impossible de dire cela.

Et je me permets de penser en ce moment à des personnes que je connais (et vous en connaissez !) : des événements tragiques (de santé, de famille ou autres) troublent l’œil pourtant exercé de leur foi ! Je sais alors que les motifs de découragements sont si forts qu’ils peuvent engendrer le cynisme le plus total et se traduire en fuites en des méandres de pensées et d’actions. Je sais que les défoulements de l’amertume peuvent amener à tout blasphémer !
En pensant à tous ceux-là en ce temps d’Avent, je prie le Seigneur de leur permettre d’apercevoir la tendresse de ceux qui, en son nom, au nom du Crucifié de Golgotha…, ont souvent “mal aux autres“, en les considérant. Je prie pour que dans le labyrinthe de leurs ténèbres, ils tiennent encore le fils d’Ariane de la Parole de Dieu. Car la Bible elle-même n’est pas un conte de fées pour bibliothèque rose. Le tragique de la vie n’est pas gommé. Il garde tout son poids de larmes et de sang et entretient cette épreuve qu’aux moments où l’on aurait le plus besoin de Dieu, Dieu semble se taire ! Et pourtant, pourtant…, la Bible tout entière crie l’Espérance, une Espérance têtue, plus vivace que tous les défaitismes.

Oui, nous qui vivons en un certain confort humain ou spirituel, nous devons sans cesse prier pour les grands éprouvés de la vie qui savent, malgré tout et vaille que vaille, allumer chaque matin leur petite chandelle “Espérance“ plutôt que de maudire l’obscurité. Car, finalement, ils savent qu’avec Dieu qui semble se taire comme au grand Vendredi Saint, les événements peuvent se retourner et devenir avènements, “Avent“, un Avent qui proclame : “Le Seigneur vient !“. …Et je m’émerveille alors profondément devant ceux et celles qui, dans leur vendredi saint qui semble se prolonger et durer encore, savent apercevoir que dans toute nuit une aurore peut se lever ; ils perçoivent que les croix peuvent devenir des brèches vers une Résurrection, vers le “Ressuscité“ parce qu’ils sentent, malgré tout, malgré les épreuves les plus amères, leur cœur devenir, parfois, tout brûlant sur leur chemin d’Emmaüs, et qu’ils iront proclamer, eux aussi, en un lendemain inattendu : "Le Seigneur vient ! Il est vivant !" Comme Jacob à l’issue de son combat avec l’ange, ils diront : “Dieu était là et je ne le savais pas ! Mais maintenant j’en ai la certitude”. Et, avec plus d’assurance, ils iront à la rencontre de tous ceux et celles qui ont faim, soif, qui sont rejetés, malades.... Ils finiront par mieux comprendre cette obscurité où Dieu semble se cacher comme dans l’obscurité d’une crèche de Noël, cette obscurité qui recèle pourtant sa présence : “C'est à moi que vous l'avez fait, chaque fois que vous avez fait (ceci ou cela) à l'un de ces petits qui sont mes frères” (Mt 25,40). (Cf Ev. de dimanche dernier)

Il nous faut donc être attentif à la venue permanente du Seigneur en nous-mêmes ou par l’intermédiaire de nos frères. Pour cela, il faut être en éveil, veiller ! Veiller, c’est l’un des maître-mots de ce temps de l’Avent. C’est tellement à prendre au sérieux que St Paul pour évoquer le veilleur, l’homme d’espérance, utilise un néologisme très évocateur : “apokadokein“ (Cf. Rm 8.19 ; Phil 1.20). Il s’agit du guetteur qui dresse la tête (kara) pour épier (dokein) et tâcher de découvrir au loin (apo) ce à quoi il s’attend ! Il espère ! "Apokaradokein !"

A vrai dire, cette longue et incertaine attente dans la nuit parfois très profonde est éprouvante ; et tous, nous sommes tentés de nous assoupir, vaincus par le sommeil, telle les vierges en la parabole de Jésus : “Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent…“ (Math 25.5) Selon le verbe employé, elles “laissent tomber leur tête“, au contraire du veilleur… qui tend la tête pour observer ("apokadokein"). Et la primitive Eglise, dans une hymne liturgique probablement, encourage : “Eveille-toi, toi qui dors, lève-toi d’entre les morts et sur toi le Christ resplendira…“ (Eph. 5.14). Et de même St Paul : “Ne nous endormons comme les autres, mais soyons vigilants !“ (I Thess 5.6). D’ailleurs Jésus lui-même n’avait-il pas dit : “Veillez !“ “de peur qu’il (le Maître, à son retour), ne vous trouve endormis“. (Mc 13.36) Et dans le langage biblique, dormir n’est pas seulement être privé momentanément de l’usage de la raison, mais c’est le symbole de la négligence, de l’inertie ou de l’inactivité, un manque de contrôle de soi.
Disons avec humour : l’espérance impose l’insomnie ! (Comme dit le ps. 77 : “Seigneur tu as retenu les paupières de mes yeux !“).

En ce temps de l’Avent, demandons cette insomnie, non celle du corps, bien sûr, mais celle de l’âme ! ... pour être attentif à cette présence du Christ qui, de jour en jour, dans les modestes réalités de nos vies et par de multiples intermédiaires, vient à notre rencontre pour se manifester à nous.
Ne cessons pas d’aller à la recherche du Christ là où il se donne à voir et à rencontrer dans la foi.

Aussi - j’en reviens pour terminer -, prions pour les grands éprouvés de la vie ; sachons les aider, si l’occasion se présente. Car souvent ils sont les “handicapés de la foi“, cette foi que nous proclamons si facilement en nos divers conforts humains ou spirituels !

Aucun commentaire: