lundi 21 novembre 2011

Non du monde, mais dans le monde !

T.O. 34 imp. Lundi-Mardi (Da. 1 & 2)

Dans cette dernière semaine de l’année liturgique, l’Eglise, après nous avoir fait relire la littérature de la Sagesse, après nous avoir fait revivre l’histoire des Martyrs d’Israël, nous plonge dans la littérature apocalyptique, (= apocalypse veut dire : “Dieu révèle“ !) qui traduit, comme les précédentes lectures mais à sa manière propre, l’attente et l’espérance du peuple élu, l’attente des derniers jours.

En lisant le début du livre de Daniel, on peut penser à ce que St Jean dit dans sa première épître : “N'aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde - la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la richesse - vient non pas du Père, mais du monde. Or le monde passe avec ses convoitises ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement". (1 Jn 2, 15-17 )

En effet, les premiers chapitres du livre de Daniel nous invitent
- à l’esprit critique vis à vis du monde tel qu’il se présente toujours ;
- à prendre nos distances par rapport à ce qu’il a de plus séduisant ;
- à être parfois en rupture avec ce qu’il a de plus impressionnant, avec les modes de pensée ou d’action qui se succèdent souvent dans l’incohérence…

Dans le premier chapitre, Daniel nous est présenté comme un de ces garçons d’élite que l’on veut éduquer dans ce que la culture païenne a de plus raffiné, cultivé… Cependant, avec quelques compagnons, Daniel obtient de garder ses coutumes religieuses, en totale contradiction avec la pensée commune ! Et grande surprise : au terme d’un temps d’épreuve, ils apparaissent en meilleure santé physique et intellectuelle que leurs compagnons ; ils font preuve de plus de sagesse et de prestance que les meilleurs docteurs de l’empire babylonien. C’est que la fidélité à Dieu fait acquérir la vraie sagesse et donne déjà “jeunesse éternelle“ ! Première leçon vis-à-vis du monde, leçon que nous avons toujours à méditer.

Dans le 2ème chapitre (demain), il y a la célèbre vision du colosse aux pieds d’argile. On dirait que l’auteur du livre - écrivain tardif - a eu l’occasion de tirer des leçons de l’histoire dont il a été témoin, ou qu’on a pu lui raconter, ou qu’il a étudiée dans les bibliothèques.
Cette vision est d’une étrange actualité pour les plus anciens
qui sont nés au lendemain de la première guerre mondiale,
qui ont vu s’entrechoquer les superpuissances,
qui ont été témoins de la chute des cruels tyrans du dernier siècle,
qui ont assisté à diverses “révolutions“ entraînant souvent bien des pays dans les impasses de la violence, alors qu’ils aspiraient à la paix…

Le génie de l’auteur inspiré nous fait un tableau qui résume, de manière synthétique, ce monde que nous connaissons bien. On ne peut être à meilleure école pour exercer l’esprit critique, prendre ses distances et ne pas être des moutons de panurge, dans le courant des idées à la mode, fussent-elles religieuses…

Je pense au panégyrique que Jésus fait à Jean Baptiste : “Qui êtes-vous allés voir au désert ? (en dehors de toutes ces agitations du monde). Un roseau agité par le vent, un homme revêtu d’habits moelleux ?“.
Je pense aussi
à St François d’Assise, en rupture avec la civilisation artificielle de son temps ;
à St Dominique persuadant les ecclésiastiques envoyés convertir les cathares de commencer par abandonner leur luxe, leurs chevaux et leurs carrosses pour rejoindre leurs interlocuteurs dans la pauvreté évangélique…

Mais de toutes les critiques, les distances, les ruptures dont nous parle la liturgie de ces jours-ci, la plus frappante me semble celle dont le Christ nous donne l’exemple dans l’Evangile de demain. On l’invite à admirer le temple d’Hérode dans sa magnificence presque achevée à son époque, au maximum de son importance dans la mentalité des Juifs de son temps. Certains disciples, parlant du temple, admiraient la beauté des pierres et les dons des fidèles. Et Jésus de réagir de la manière la plus inattendue, bien que cette réaction soit dans la ligne des prophètes, de Jérémie, d’Ezéchiel et de beaucoup d’autres, condamnant le ritualisme rassurant : “Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit“. Aussi, Jésus, du mont des Oliviers, a pleuré sur la grandeur de Jérusalem qui, cependant, n’avait pas su reconnaître le temps de sa visite !

Bref, la liturgie de ces jours-ci nous apprend à chercher les valeurs stables, à investir dans ce qui ne passe pas, à bâtir sur le roc et non sur le sable.
Car, si l’on aime le monde et ce qu’il y a dans le monde, selon les expressions de St Jean, alors il ne faut s’étonner de rien et s’attendre à tout.

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