lundi 1 février 2010

David, prophète du Christ ! - 4 T.O p. Lundi - (2 Sam 15.13sv)

Il est toujours bon de remettre ces récits que la liturgie nous propose dans leur contexte historique. Mais il est surtout indispensable de les situer dans la perspective du dessein de Dieu sur l’homme qu’ils décryptent peu à peu, dessein qui sera parfaitement réalisé à la “plénitude des temps“, comme dit St Paul (Eph 1.10 ; Ga.l 4.4).

Cette expression “plénitude des temps“ désigne le moment de l’Incarnation du Fils de Dieu qui, par son mystère pascal, “récapitule“ en lui tous les êtres et toutes choses, comme dans un éclatement des frontières du temps et de l’espace. St Paul a inventé ce mot grec compliqué pour exprimer sa pensée : la “récapitulation“ de toutes choses en Christ, “ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre…“. (1) Tour ramener sous un seul chef, les êtres célestes comme les êtres terrestres, dans l’unité qui est posée au centre : le Christ ! (2). On pourrait dire que le Christ est comme un point focal par lequel on devine que tout ce qui le précède n’a lieu que pour ce qui, en lui, doit arriver : l’Alliance de Dieu avec l’homme ! Ce qui suit ne venant qu’expliciter cette grande réalité qui ne sera parfaitement manifestée qu’à la fin des temps.

Mais revenons à notre texte. Jusqu’à l’évènement raconté, David apparaît comme une personnalité enthousiasmante. Il y a même des moments où David s’affirme tellement sincère, loyal qu’il frise l’hypocrisie : quand, par exemple, il porte fortement le deuil d’un opposant, Avner, lieutenant de Saül, assassiné par son bras droit, Joab (à propos d’une “histoire de femme“ !). C’est que David, intelligent, qui a une fine oreille pour déceler les sentiments du peuple, veut jouer devant celui-ci le jeu de la loyauté vis-à-vis de Saül. On dirait que David atteint un tel niveau d’harmonie et avec Dieu et avec le peuple, que ç’en est presque “agaçant“ ! Il sait tellement tirer de ses dons et talents des effets merveilleux qu’il paraît avoir échappé au péché originel, surtout si on le compare à Saül !

C’est pourquoi il y a l’étape du péché, qui est essentiel dans la vie de David. Cet homme avait un cœur tellement grand qu’il a eu “trop de cœur“ pour Bethsabée ! Et vont s’ensuivre bien des malheurs. S’il n’y avait pas eu cette chute, David n’aurait certainement pas laissé le même souvenir. Il n’aurait pas été un “révélateur“ insigne de la grâce divine, de l’amour miséricordieux du Seigneur !

Et c’est à ce moment-là que notre lecture rejoint David. A cause de sa faute, David voit son propre fils, Absalon, se rebeller contre lui, faire alliance avec Saül ! Il est contrait de fuir !

Et c’est là que le sens du dessein de Dieu vient s’immiscer dans le récit historique !
  • David gravissait, en pleurant, la monté des Oliviers, la tête voilée, les pieds nus“ (signes de pénitence). Jésus aussi, en montant vers le mont, pleura. Il pleura sur Jérusalem (Luc 19.41) : “Si tu avais su comment trouver la paix…“. …Jésus pleura sur le péché du monde. Il pleura tellement que “sa sueur, au jardin de l’agonie, devint comme des caillots de sang qui tombaient à terre“ (Lc 22.44). Il est le “Serviteur souffrant“ qui porte les péchés du monde.
  • Dans la suite du texte, David demande que l’Arche d’Alliance, symbole de la présence de Dieu, ne soit pas déplacée à cause de sa fuite, car, dit-il, “si le Seigneur m’est favorable, il me ramènera et me permettra de la revoir ainsi que sa demeure !“. Oui, la “Demeure“ de Dieu parmi les hommes est éternelle, immuable, stable : “Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours“, dira Notre Seigneur (3).
  • Bien plus, dans la lecture de demain (nous ne la lirons pas), Absalon, le fils qui s’est révolté contre son père, est assassiné ! David, à cette nouvelle, s’écrie avec larmes de façon pathétique - et là, ce n’est pas un comédien qui parle - : “Mon fils, mon fils Absalon que ne suis-je mort à ta place ?“.

Et c’est là vraiment que David est devenu l’homme selon le cœur de Dieu. Il laisse entrevoir que pour Dieu aussi, la révolte de l’homme contre Dieu, ce drame que l’auteur de la Genèse, à la même époque, va analyser comme une tentative d’usurper la puissance divine, le conduira, avec la miséricorde d’un père, à résoudre cette interrogation : “Mon fils, Adam - homme - que ne suis-je pas mort à ta place ?“.

Avec cette parole de David, au fond même du malheur, c’est la perspective de l’Incarnation qui se laisse entrevoir : Dieu lui-même viendra mourir pour l’homme révolté, l’“usurpateur“. Et en ce sens, David atteint, là, le sommet de la prophétie : David fait comprendre que c’est le pécheur qu’il est lui-même qui doit découvrir cette parole du Seigneur à l’égard de tout pécheur : “Que ne suis-je pas mort à ta place ?“. Parce lui-même pécheur, il sait justement ce qu’est le péché, il découvre, devant la révolte de son fils, le cœur même de Dieu qui viendra, en Jésus Christ, mourir pour le pécheur !

Le prophète Zacharie pourra, dans cette même méditation, faire dire à Dieu lui-même : “Ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé !“ (12.10). Aussi St Jean pourra conclure cette méditation en parlant du centurion qui perça le côté droit du Christ : Mon fils, “que ne suis-je pas mort à ta place ?“. Nous connaissons désormais la réponse à cette interrogation !

  1. Note TOB : le verbe grec composé contient deux idées : celle de résumer, reprendre, réunir (idée que l’on retrouve dans le mot “chapitre“) et, d’autre part, celle de placer sous la souveraineté (idée que l’on retrouve dans le mot “chef“).
  2. Dans le texte de St Paul, on ne sait plus ou poser virgules et points tellement que, pour exprimer cette réalité, l’apôtre paraît comme “enivré“ de l’Esprit-Saint qui lui fait contempler l’inexprimable.
  3. De plus à noter que le mont des oliviers est “la route de tous les exils et de tous les retours“. Pour David comme pour Jésus.

Aucun commentaire: