vendredi 12 février 2010

Notre Dame de Lourdes ! - (Jn 2.1-11) - 5 T.O p. Jeudi

Pourquoi l’évangile des “noces de Cana“ a été choisi en la fête de Notre Dame de Lourdes, en cette “Journée des malades“ qui, humainement parlant, ne sont pas toujours “à la noce“ ! Essayons de déchiffrer.

Dieu, sans cesse - toute la Bible l’affirme - ne cherche qu’à faire alliance avec l’homme ! Ce thème de l’Alliance est fondamental ! C’est surtout le prophète Osée (mais pas uniquement) qui a déchiffré le mystère de l’union de Dieu avec l’homme à partir de la vie conjugale qui, semble-t-il, n’a pas été pour lui très heureuse. Et justement, il n’a pas trouvé meilleure comparaison que l’amour de l’homme et de la femme, malgré tous les “avatars“ que cet amour peut véhiculer, pour signifier l’Alliance indéfectible de Dieu avec l’homme. Malgré les infidélités de son épouse - c’est-à-dire du peuple de Dieu comme de nous-mêmes -, non seulement il lui reste fidèle, mais il la conduit au désert afin de mieux la séduire (le mot hébreu est très fort), afin de mieux lui parler “cœur à cœur“ (1). Comme au temps de sa jeunesse, au temps des premiers amours ! (Cf Osée 2.16 sv ; cf Jér. 4.24).

Comme au temps où elle monta du pays d’Egypte“, dit le texte, du pays de sa déchéance, l’épouse devenant là clairement le peuple de Dieu. En ce temps-là, le peuple avait vraiment cru en Dieu-Amour, un “Dieu de délivrance“ : “Israël - car c’est bien lui l’épouse - vit avec quelle main puissante le Seigneur avait agi contre l’Egypte. Le peuple craignit le Seigneur et mit sa foi dans le Seigneur et en Moïse son serviteur !“ (Ex 14.31).

Et par cette précision, nous sommes projetés aux noces de Cana : “Jésus - Dieu fait homme - manifesta sa gloire (sa puissance) ; et ses disciples crurent en lui !“. Le rapprochement est d’évidence : le premier signe par lequel Jésus manifeste sa puissance divine et qui entraîne ses disciples à croire en lui est semblable au signe de puissance de Dieu, lors de la sortie d’Egypte, qui permit au peuple de croire en lui et de faire alliance avec lui !

A Cana, Jésus n’a pas fait un “tour de passe-passe“ par simple amabilité! Il pensait dans les dimensions verticale et horizontale tout à la fois. Jésus n’était pas un distrait. Tout pour lui a une signification. Et pour lui, le signifié est encore plus important que le signifiant. Jésus est invité à des noces ! Mais il ne peut pas ne pas penser à l’Alliance, cette alliance qui est au cœur de sa mission, l’Alliance de Dieu avec l’homme. D’ailleurs, pour Jean, c’est après ce “premier“ signe, que Jésus dit à de simples pêcheurs du lac : “Venez à ma suite ; je vous ferai pêcheurs d’hommes !“.

Et, dans l’A.T., il n’y a pas d’alliance sans sacrifice, le sang étant symbole de vie, d’un contrat de vie. Après la sortie d’Egypte, il en fut ainsi au Sinaï, la montagne de l’Alliance : “Moïse prit le livre de l’Alliance et en fit lecture “. Puis il prit le sang des victimes et en aspergea le peuple...“. “Les fils d’Israël contemplèrent Dieu (2) ; ils mangèrent et burent !“. (Ex 24). C’est tout le langage de l’Alliance : “Le livre de l’Alliance“ ; “le sang de l’Alliance“ ; “le repas de l’Alliance“ ! Il en sera ainsi sur la route d’Emmaüs : les disciples passeront de la liturgie de la Parole à la liturgie de la table pour découvrir l’Alliance : Jésus, ayant versé son sang pour l’ALLIANCE, se rend divinement présent parmi eux. Et c’est tout le sens de nos Eucharisties : Parole de Dieu, Sacrifice du Christ qui se laisse contempler comme Dieu !

Et, à Cana, Marie dit : “Ils n’ont plus de vin !“. Il faut savoir que le mot “vin“ se dit parfois en hébreu : “le sang de la grappe !“. Aussi Jésus répond : “Mon heure n’est pas encore venue !“. La pensée de Jésus évolue des noces d’un village aux noces de l’éternelle Alliance, du vin de la noce au sang de l’Alliance, quand “son heure sera venue“ ! Il y a là une inclusion voulue : Le “premier“ signe de Cana devient “l’unique“ signe d’Alliance éternelle. C’est d’une densité de signification telle que tout l’évangile de St Jean - qui est au sommet de le pensée néo-testamentaire - est inclus entre les “noces de Cana“ et les “noces de la Croix“ !

Et la mère de Jésus était à Cana, comme elle sera présente au pied de la croix, au moment des noces de la nouvelle Alliance. Il ne s’agit plus de donner du vin pour la gaieté d’une noce de village. Il s’agit, pour Jésus, de verser son sang pour la consommation des noces de la nouvelle et éternelle Alliance. Le premier signe d’alliance fut le sang d’un agneau au moment de la sortie d’Egypte. Le premier des signes de Jésus fut celui du “sang de la grappe“ qui annonçait son sang qu’il allait verser pour les noces éternelles…

Et la mère de Jésus était là. Notre Dame des douleurs avant d’être Notre Dame de l’Assomption dans la gloire de son divin Fils ! Et elle devient la mère des croyants : “Femme, voici ton fils“, lui dit Jésus en désignant Jean. Elle devient la mère de tous les souffrants pour les conduire au Royaume de Dieu, la mère principalement de tous ceux - les malades - qui participent de façon si visible au mystère pascal du Christ : mystère de mort et de vie. Marie - Notre Dame de Lourdes - se penche avec un amour maternel sur ceux qu’elle voit sur la croix de son Fils !

»Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance, dit Claudel. Il n’est même pas venu l’expliquer. Il est venu la remplir de sa présence !“. La croix du chrétien et la croix du Christ forment une même croix ! Incapable de souffrir maintenant, le Christ souffre en nous de nos souffrances faites siennes ! “Qu’il nous faut du temps pour nous apercevoir que nous sommes nés crucifiés !“, disait Mauriac. Mais sachons bien que là où se trouve la croix, la résurrection n’est pas loin !

  1. Il y a un jeu de mots en hébreu : “au désert, je parlerai“: “midbar, dibarti“.
  2. Ce n’est pas ainsi qu’a compris la massore : Contempler Dieu, ici-bas, ce n’est pas possible. Alors on a transcris par le passif : “ils furent vus du Seigneur !“ !

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