mercredi 24 février 2010

Jonas – “signe de Jonas“ ! - Carême 1 – Mercredi - Jon 3, 1-10 - Ps 50 - Lc 11, 29-32

Jonas ! On le connaît surtout par l’histoire de la baleine… qui avale Jonas ! En fait, dans le texte, il n’est pas question de baleine (qui a une grande gueule mais un tout petit gosier !) mais d’un gros poisson ! - Plus sérieusement, quand on parle de Jonas, il faut distinguer trois aspects : il y a le “Jonas historique“, le “livre de Jonas“ et, dans l’Evangile, le “signe de Jonas“.

Le Jonas historique a droit à quelques lignes dans le 2ème livre des Rois : “En la quinzième année d'Amasias, Jéroboam fils de Joas devint roi d'Israël à Samarie ; il régna 41 ans. Il fit ce qui déplaît à Dieu... C'est lui qui recouvra le territoire d'Israël, depuis l'Entrée de Hamat jusqu'à la mer de la Araba, selon ce que le Seigneur, Dieu d'Israël, avait dit par le ministère de son serviteur, le prophète Jonas fils d'Amittaï, qui était de Gat-Hépher. » (2 R 14,23-25).

Ce passage est curieux : Jéroboam II (783-743 : 41 ans !) fut un mécréant. Et pourtant, bien qu’il fût pécheur, il recouvra le territoire du Nord jusqu’au sud. C’est très curieux ! C’est le problème de la rétribution qui est mis en cause : voilà un “méchant“ qui est récompensé, et cela “par l’intermédiaire du prophète Jonas ! On ne sait pas grand-chose de plus. C’est étrange ! Il prédit à ce mécréant qu’il sera récompensé ! Un comble !

A un deuxième niveau de pensée, on a le livre de Jonas. On situe sa rédaction au temps du retour de l’exil de Babylone. A cette époque, sous l’inspiration d’Esdras et de Néhémie, le peuple élu développait une forte tendance à se renfermer sur lui-même par peur de perdre son identité. Et cette tendance tournait au particularisme : on oubliait la vocation universaliste du peuple élu ! - Alors arrive un auteur plein d’humour qui s’empare du personnage de Jonas et compose le “livre de Jonas“ où il montre que les païens, - de l’Ouest comme les marins du bateau où Jonas s’embarque à Jaffa pour à Tharsis, ou de l’Est comme les Ninivites -, valent aussi bien que ses compatriotes puisqu’ils sont capables, eux aussi, de se convertir au Dieu Vivant ! L’auteur utilise le “style anthologique“, de comparaison (1) : les païens, même s’ils vivent en mécréants comme Jéroboam II au temps du prophète Jonas, sont capables de se convertir ! Il veut montrer que le Dieu d’Israël, “lent à la colère et plein d’amour“ est un Dieu de miséricorde qui appelle des païens à se convertir (même si cela ne “marche“ pas toujours, comme pour Jéroboam II).

En tous les cas, il est intéressant de remarquer au passage que Dieu peut inspirer des courants de pensées apparemment antagonistes (“repliement“ et “ouverture“). On les croit totalement opposés, parallèles. En fait, ils sont assez convergents. Et ils se réuniront à un niveau où notre intelligence n’arrive pas encore ! Toujours le problème des “intégristes“ et des “progressistes“, alors qu’il s’agit d’être tous des “progressants”. - A l’époque où Esdras et Néhémie, prophètes inspirés, ont une politique de préservation (de repliement), Dieu suscite aussi cet auteur du livre de Jonas qui montre que même aux païens, Dieu envoie un seul prophète, un tout petit prophète ! Et les païens se convertissent, tandis que le peuple, à cette époque-là, a encore des progrès à faire. On beaucoup de leçons à apprendre sur ce sujet ! On est tous aux prises avec des courants antagonistes. Sachons surtout être des “progressants“ sous l’action de l’Esprit Saint !

Et il y a le “signe de Jonas“. Et St Luc, justement, dans l’Evangile centre notre attention sur le principal : la conversion des païens, alors que les juifs, disons plutôt les dirigeants du peuple juif à son époque, se montrent sceptiques envers le messianisme de Jésus. Rappelons-nous : après la multiplication des pains, les Pharisiens et les Sadducéens lui demandent de leur montrer un signe venant du ciel. Et Jésus répond : “Au crépuscule vous dites : Il va faire beau temps, car le ciel est rouge feu ; et à l’aurore : Mauvais temps aujourd’hui, car le ciel est d’un rouge sombre. Ainsi, le visage du ciel, vous savez l’interpréter, et pour les signes des temps vous n’en êtes pas capables ! Génération mauvaise et adultère ! Elle réclame un signe ; et de signe, il ne lui sera donné que le “signe de Jonas“. Et les laissant, il s’en alla“. (Mt 16,1-4). Le “signe de Jonas, ce sont les païens qui se convertissent ; et ils viennent du nord, du sud, de l’ouest ou de l’est ! St Luc le montrera fortement dans les Actes des apôtres ! (2)

Comme conclusion, je dirais : si la liturgie d’aujourd’hui n’a retenu que l’idée de conversion, c’est qu’elle nous concerne tous ! Surtout en ce temps de Carême. Dieu qui nous appelle au repentir nous dit encore que lui aussi peut se repentir en pardonnant nos infidélités, nos froideurs et en nous accueillant comme le père de la parabole accueillait son enfant prodigue à son retour.

  1. Le P. Laurentin a bien expliqué dans son livre sur St Luc ce qu’est le “style anthologique“. Il prend une lettre de Mme de Sévigné. Et on ne comprend pas ce qu’elle veut dire. On tourne la page ; et on trouve deux colonnes : la lettre de Mme de Sévigné et une fable de La Fontaine. Alors quand on voit ce à quoi Mme de Sévigné fait allusion, on comprend tout de suite ce qu’elle a voulu dire. Dans la Bible, il y a beaucoup de livres écrits ainsi : on passe à côté de ce qu’on a voulu dire si on ne connaît pas certains textes supposés connus. Et justement, le livre de Jonas est truffé de textes supposés connus.
  2. Et à propos du salut de tous les hommes quel qu’ils soient, quand on parle de Jonas, on pense surtout à la baleine ou au grand poisson. Aussi, l’iconographie chrétienne s’est beaucoup inspirée de la disparition de Jonas dans le ventre du poisson, comme un symbole de la mort et de la résurrection du Christ. St Matthieu le note : « De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits. » (12,40). Oui, le Christ, par son mystère pascal, a voulu sauver tous les hommes ! St Paul l’affirmera fermement !

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