vendredi 19 février 2010

Le jeûne véritable ! - Vendredi après Cendres. - Is 58, 1-9a - Ps 50 - Mt 9, 14-15

Dans le bref Evangile d’aujourd’hui, Jésus remet en place ceux qui se scandalisent de voir que certains ne pratiquent pas les observances que l’on faisait de son temps. Il leur reproche de se mêler de ce qui ne les regarde pas ! Et puis, comme le dit si bien Qohélet, il y a un temps pour tout.

(cf. Qo 3 : “un temps pour planter et un temps pour arracher ; un temps pour pleurer et un temps pour rire ; un temps pour sa lamenter et un temps pour danser etc…)

N’oublions pas également cet enseignement parallèle de Notre Seigneur : "Deux hommes montèrent au Temple pour prier ; l'un était Pharisien et l'autre publicain. Le Pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : "Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou bien encore comme ce publicain ; je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que j'acquiers". Le publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine, en disant : "Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis !". Je vous le dis : ce dernier descendit chez lui justifié, l'autre non !". (Lc 18, 10 -14)

Avec une lucidité que pourraient envier un nouveau Marx ou certains spécialistes en psychologie moderne, Jésus montre que, de fait, la pratique religieuse peut devenir “l’opium du peuple“ ou, quand elle n’est que pur formalisme, un moyen de rassurer la conscience en évitant de la promener dans des fautes beaucoup plus graves qu’on commet envers Dieu et dans nos relations avec les autres.

"Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi ; c'est ceci qu'il fallait pratiquer, sans négliger cela" (Mt 23.23).

Ce n’est pas un hasard que l’Evangile d’aujourd’hui a été choisi en ce début de Carême pour nous mettre en garde contre le formalisme que peut révéler l’observance religieuse.

A certaines époques on a mis tellement l’accent sur ces observances extérieures que cela a provoqué parfois chez les chrétiens un besoin de défoulements ; et on n’avait pas trouvé de meilleur moyen de réagir contre cette exagération formaliste qu’en faisant précéder le Carême par le carnaval (“Carne vale“ : Porte-toi bien avec de la viande aujourd’hui, car demain, jour des Cendres, ce sera trop tard !). Résultat : désormais, dans le monde, on parle davantage de carnaval que de Carême. Et se déchaînent ripaille, lubricité, bouffonnerie… ; et les agences de Tourisme font fortune proposant mille et mille défoulements…

Quelques siècles avant Jésus, le prophète Isaïe avait réagi contre le formalisme religieux d’une manière qui pourrait être actualisée afin de dénoncer de manière encore plus percutante certaines situations en lesquelles nous sommes plongés.

Il est bon de jeûner, disait Isaïe, et même d’en faire une pratique collective ! Mais que cela ne serve pas de paravent derrière lequel on continue à pratiquer ou seulement tolérer injustices et violences.

Quel est le jeûne qui plaît à Dieu ?, demande toujours ce prophète qui était issu pourtant d’une noble famille. Certainement pas celui qui nous éviterait de faire les vraies réformes, celles qui rétablissent l’harmonie et la paix. « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés Fils de Dieu !», dira Notre Seigneur. On pointe du doigt parfois les méfaits de la mondialisation dont on parle beaucoup actuellement. Et c’est vrai qu’elle entraîne souvent de terribles injustices. On ferme parfois des usines pour de simples motifs d’intérêts économiques, pour les “délocaliser“, comme on dit, afin de trouver de la main d’œuvre moins chère en des pays où on accélère la production en surmenant des travailleurs - et parfois des enfants - réduits plus ou moins en esclavage. Et sans y penser, on profite des produits “à bon marché“ qui en résultent ! Mais ce que l’on fait au plan mondial, on le fait, à échelle réduite, dans nos relations familiales, sociales… Tout est si facilement subordonné aux intérêts égoïstes.…

Quel est donc le jeûne qui plaît à Dieu ? Une grande question pour un chrétien ! Pas toujours facile à discerner et à résoudre ! « N'est-ce pas plutôt ceci, le jeûne que je préfère, répondait Isaïe : défaire les chaînes injustes, renvoyer libres les opprimés, et briser tous les jougs ? N'est-ce pas partager ton pain avec l'affamé, héberger chez toi le pauvre sans abri ; ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? » (Is 58.6-7).

Grande question dont on ne peut se désintéresser en ce temps de carême !.

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