mercredi 23 décembre 2009

Elie ! - Avent 23 - Décembre - (Mala. 3.1sv)

La lecture nous invite à méditer sur les dernières lignes de la littérature prophétique avec le prophète Malachie.

Si on se reporte au texte original (de la Bible), on remarquera que Moïse et Elie sont évoqués conjointement dans ces derniers versets du dernier des prophètes :

Mal 3.22-23 : “Souvenez-vous de la Loi de Moïse, mon serviteur, à qui j'ai donné, à l'Horeb, des lois et des coutumes pour tout Israël. Voici que je vais vous envoyer Elie, le prophète, avant que ne vienne le jour du SEIGNEUR, jour grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils, celui des fils vers leurs pères pour que je ne vienne pas frapper la terre d'interdit“.

Dans la lecture que nous propose la liturgie d’aujourd’hui, on ne parle pas de Moïse comme pour mieux concentrer notre attention sur Elie. On met l’accent sur Elie qui personnifie le prophétisme ; et on omet d’évoquer Moïse qui personnifie la Loi et les observances du Sinaï. Comme dans le récit de la Transfiguration, tel qu’il est rapporté dans St Marc, Elie passe avant Moïse : Mc 9.4 : “Elie leur apparut avec Moïse ; ils s'entretenaient avec Jésus“.

Il n’est peut-être pas sans importance de s’arrêter sur cette remarque. Il en va de la différence qu’il y a entre la lecture chrétienne de la Bible et le la lecture de l’Ancien Testament que l’on fait à la Synagogue.

Chez les Juifs, l’Ancien Testament s’appelle “Torah“ : la Loi, les Prophètes et les écrits. Et l’énumération se fait en ordre décroissant. Prééminence est donnée à la Torah, à la Loi que l’on lit d’un bout à l’autre, de manière continue tout au long de l’année (1). La lecture des prophètes vient ensuite ; elle se fait de manière discontinue, un passage étant choisi pour illustrer le texte qu’on a lu auparavant dans la Torah. Ensuite, en troisième lieu, viennent les écrits, avec une place privilégiée donnée aux psaumes.

En Terre chrétienne, il y a une différence fondamentale. La lecture des Ecritures en Christianisme se fait rétrospectivement à la lumière fulgurante de la résurrection du Christ. Quand il apparaît aux apôtres après sa résurrection, “il ouvre leur intelligence à la compréhension des Ecritures“ qui, dans une lumière nouvelle, apparaissent comme préparant, annonçant et préfigurant ce qui arrive à “la plénitude des temps“ (Noël, Pâques).

On ne considère plus la Torah, les prophètes, les écrits dans un ordre d’importance décroissante, mais, au contraire, dans un ordre de progression dans la connaissance de Dieu qui se manifeste à Noël et Pâques. Tout se concentre non pas sur une LOI, si importante soit-elle (pour mieux “s’ajuster“ à Dieu), mais sur une Personne : le Christ, Dieu fait homme, le “JUSTE“ par excellence qui nous entraîne en la vie même de Dieu !

Dans la perspective de la Synagogue, on dira même que si le peuple avait été fidèle à la Torah, Dieu n’aurait pas eu besoin de les rappeler à l’ordre par les prophètes.

Dans la perspective chrétienne, les prophètes apportent un supplément de révélation à la Loi, en nous préparant à “changer nos cœurs“ pour accueillir Dieu lui-même ! (2). Et c’est ainsi que Elie (le premier et le plus grand des prophètes) passe avant Moïse dans la lecture chrétienne de la Bible,
comme sur la montagne de la Transfiguration, comme nous le fait méditer le texte de ce jour qui nous mène à l’avant-veille de cette “plénitude des temps“ où Dieu envoya son Fils né d’une femme, où Dieu, dans la nuit de Noël, déversera gratuitement la grâce d’une “Nouvelle Alliance“ qui n’est rien moins qu’une nouvelle création !

Ma réflexion peut paraître un peu technique et subtile aujourd’hui. Elle est cependant d’importance. Plus qu’à une LOI, c’est à une PERSONNE qu’il nous faut nous attacher : le CHRIST, Dieu fait homme, mort mais ressuscité, qui veut vivre en nos cœurs si nous savons l’accueillir ! Que ce soit la grâce de Noël 2009 !

[Et une intention de prière : Les médias du monde entier vont nous inviter à penser à nos frères chrétiens de Bethléem. Efforçons-nous de les rejoindre au-delà de toutes les complications de la politique !]
  1. La Loi est écrite à la main par des scribes spécialisés, enveloppée de draperies somptueuses, couronnée une fois roulée, et déposée dans un “tabernacle“ où elle est vénérée comme le Saint Sacrement chez nous.
  2. On le constate d’ailleurs facilement : le Deutéronome, mis dans la bouche de Moïse, reflète la réforme du roi Josias qui se fit à la veille de la destruction de Jérusalem en 586 av. J.-C . Elle est fortement influencée par la prédication du prophète Jérémie qui parle de la Nouvelle Alliance où la Loi sera inscrite dans le cœur : Deut. 29.3 : “Moïse convoqua tout Israël, et il leur dit : Vous avez vu vous-mêmes tout ce que le Seigneur a fait sous vos yeux… Pourtant, jusqu'à aujourd'hui, le Seigneur ne vous avait pas donné un cœur pour reconnaître, ni des yeux pour voir, ni des oreilles pour entendre“. (C’est ce que Dieu fit à la “plénitude des temps“, à Noël-Pâques !).

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