mercredi 16 décembre 2009

Dieu, Créateur du Bien et du Mal ? - Avent 3 - Mercredi – (Is. 45.6sv – Luc 7.18)

Le début de notre lecture peut paraître étonnant ! “Je suis le Seigneur ! Il n’y en a pas d’autre ! Je fais la lumière et les ténèbres. J’établis la paix (Heb. : bonheur) et je crée le malheur. C’est moi qui fais tout cela !“. Dieu aurait-il fait le bien et le mal ?

Pourtant le texte de la Genèse qui parle du “commencement“ du monde, de la création du monde en sept jours, est ponctué par ce refrain: “Et Dieu vit que cela était bon“, “… et même très bon !“.

Il semble que le texte de la Genèse soit assez tardif, rédigé à une époque où le Judaïsme était encore en contact - avec plus grande liberté intellectuelle - avec les Perses (Cyrus…). Or les Perses avaient élaboré depuis longtemps une religion dualiste. Le problème du mal est tellement obsédant dans l’humanité qu’ils en étaient arrivés à poser deux principes : le principe du Bien et le principe du Mal, principes égaux qui luttent au cours de l’histoire !

Et la Tradition judaïque qui, dès le début, était attaché à un seul principe - “Je suis le Seigneur ; il n’y en a pas d’autre !“ - a d’abord préféré affirmer que Dieu était créateur de tout ce qui se voyait - et du bien et même du mal - pour mieux souligner fortement l’unicité de Dieu : Un seul Dieu !

Ainsi, notre texte d’Isaïe reflète quelque peu cette mentalité dualiste (Bien et Mal) qui était très répandue en Orient. Mais il le fait en “enfermant“ ce dualisme sous un seul principe : “Dieu Unique“. Il préfère affirmer cette grande certitude d’un Dieu Unique en faisant une concession, si je puis dire, au courant dualiste si répandu à l’époque ! (Que voulez-vous : les théologiens se trompent parfois !).

Ce n’est qu’un peu plus tard que la tradition juive corrigera ce dualisme originel en affirmant - comme le font la Genèse et d’autres écrits - que tout ce qu’avait fait le Créateur - ce “Principe Unique“, Dieu - était très bon, et même très bon ! Et ne soyons pas étonnés de cette évolution dans l’expression de la foi ! La foi cherche toujours à comprendre de mieux en mieux au cours des siècles : “fides quaerens intellectum“ !

Une des tentations les plus constantes tout au cours de l'histoire de l'humanité, c'est ce dualisme. Nous en sommes actuellement encore victimes, consciemment ou inconsciemment. On le trouve partout, aujourd’hui encore, dans des gnoses malsaines, dans des méfiances à propos des valeurs de la nature, de la sexualité, du mariage… St Dominique, quand il a fondé son Ordre, était affronté à une résurgence de cette hérésie dualiste (Albigeois, Cathares…)…

Tout est bon ! Et la Bible - dans l’organisation de ses livres - a éprouvé le besoin, en mettant finalement le livre de la Genèse en premier (alors qu’il a été rédigé assez tardivement), de poser cette affirmation, d'emblée, "au commencement", pour pouvoir ensuite mieux accompagner la condition humaine jusqu'au fond de l'absurde, jusqu’au mal !

Il n'y a pas de littérature qui ait accompagné l'humanité aussi loin dans l'absurde (Cf. Job, Qohélet, certains psaumes…), qui l'ait accompagnée jusque dans la mort avec la certitude d'avoir affaire à un Dieu capable de mener “par delà la mort”. "Au commencement", on affirme que Dieu a fait toutes choses bonnes pour qu'on puisse ensuite mieux aborder le problème du mal et aller jusqu'au fond du problème du mal, sans jamais l'éluder, sans jamais, non plus, pouvoir l'expliquer totalement, mais sans jamais que ce problème devienne un doute ! "Mille problèmes ne font pas un doute", disait le Cardinal Newman.

Parce que l'on a la foi - et une foi qui cherche à comprendre -, on se pose des questions, des problèmes ; mais tous ces problèmes que nous nous posons (et on s'en posera tout au long de notre existence) ne feront pas que notre foi soit remise en question ! Et tous les problèmes que nous nous poserons sont déjà inscrits dans cette littérature biblique (la Parole de Dieu !) qui nous accompagnera jusqu'en tous les "scandales". Et notre foi en un seul Dieu qui mène “par delà la mort” ne sera pas remise en question !

Bien plus, nous allons affirmer dans quelques jours que le “Dieu Bon“ qui a fait toutes choses bonnes, est venu parmi nous - l’Emmanuel - pour nous accompagner jusque dans l’absurdité du mal que nous connaissons, jusque dans l’absurdité de la mort elle-même. Il nous a accompagné jusque là pour que l’on puisse affirmer, nous aussi, avec le prophète Zacharie : “Ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé !“. St Jean lui-même a eu ce regard de foi au pied de la croix en voyant le centurion percer le côté droit du Christ :“Ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé !“

Le Christ, lui non plus, n’a pas expliqué le pourquoi du mal. Il l’a pris sur lui en lui imposant une inversion de valeur : du MAL, par amour, il en a fait un passage vers le BIEN ! C’est en adhérant à cet EMMANUEL transpercé (en son mystère pascal), que nous recevons la VIE : Dieu lui-même parmi nous, en nous ! Noël annonce Pâques, annonce la VIE qui, avec le Christ, aura le dernier mot : “Mort, où est ta victoire ?

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