dimanche 11 octobre 2009

28e Dim. Ord. 06/B

Notre époque honore, célèbre surtout ceux qui se sont distingués dans le registre de l’agir, de l’action : registre des sciences (Einstein… et beaucoup d’autres), registre militaire et politique (Lyautey, De Gaulle, et beaucoup d’autres …), registre humanitaire (Vincent de Paul, Mère Térésa… et beaucoup d’autres)… Et c’est bien, très bien. Cependant, l’Eglise propose souvent comme modèles, en les élevant parfois à l’honneur des autels comme l’on dit, des hommes, des femmes qui se sont fait remarquer non pas tant par ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils ont été, non pour leur agir, …mais pour leur être !

Tel fut, me semble-t-il, St Benoît … et, à sa suite, les moines, moniales, les consacrés en général. Et également, bien évidemment, des hommes, des femmes qui veulent cultiver, avant tout, ce qu’ils sont, ce qu’ils doivent être : des chrétiens, chrétiennes. C’est leur identité. Et ils désirent mettre en avant cette identité bien plus que ce qu’ils font ou pourraient faire ! Et heureusement, il y en a…

Et puisque nous sommes dans un monastère et que les textes d’aujourd’hui y invitent, il est bon de réfléchir à cet idéal : cette culture de ce que l’on est, bien plus que de ce que l’on fait, cet idéal que St Benoît a imaginé, décrit et vécu, cet idéal proposé aussi à tout chrétien, cet idéal que l’on pourrait appeler à bon droit : un humanisme chrétien qui propose une vie profondément humaine et chrétienne tout à la fois, et humaine parce que chrétienne. L'idéal monastique et chrétien s’inscrit dans ce désir de réaliser ce merveilleux équilibre entre aspirations humaines et aspirations vers Dieu. Car, me semble-t-il, plus on est chrétien, plus on est homme. N’est-ce pas une des raisons pour laquelle St Benoît a été déclaré “Patron de l’Europe”.

Quelle est donc alors cette force humanisante et civilisatrice de la foi chrétienne mise en valeur par St Benoît ? Les lectures d’aujourd’hui nous le disent.

Le monachisme et donc la foi chrétienne tout court témoignent d’une SAGESSE. C'est ce qu’exprime la 1ère lecture. “J'ai prié et l'intelligence (l’intelligent, dans la Bible, est celui qui cherche Dieu) m'a été donnée ; j'ai supplié et l'esprit de sagesse est venu en moi... ; à côté d'elle, j'ai tenu pour rien la richesse. Je ne l'ai pas mise en comparaison avec les pierres précieuses ; tout l'or du monde auprès d'elle n'est que du sable...”St Benoît et ses disciples ont voulu, veulent cultiver cette sagesse de la sobriété, de l'oubli de soi, du renoncement afin de mieux chercher la connaissance, le sens de l’existence, la plénitude de la vie non pas d’abord dans les sciences humaines qui engagent à agir, mais dans la contemplation silencieuse des mystères du Christ. Cet idéal [donc du chrétien] peut s’exprimer dans des livres d’une profonde sagesse, mais livres qui s’écrivent d’abord dans le cœur de l’homme, avant de paraître sur du papier.

Et ces livres de sagesse chantent tous la Parole de Dieu et, finalement, le mystère pascal du Christ, mystère si inépuisable qu’il peut conduire jusqu’à un certain épuisement, s’il le faut : “J'ai aimé la sagesse plus que la santé”. Cette Sagesse qui est, dans la Bible, Parole divine, s’est pleinement manifestée dans le Christ, Verbe de Dieu (St Jean), Parole de Dieu. Et si cette Sagesse qui révèle l’amour de Dieu manifesté en la Pâque du Christ, s’exprime parfois dans des livres, c’est qu’elle a d’abord été reçue, méditée, vécue en des âmes… “Tous les biens me sont venus par elle ; par elle, une richesse incalculable”. …

Et la 2ème lecture donne le même enseignement à propos de la PAROLE DE DIEU. “Elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants ; elle pénètre jusqu'au fond de l'âme, jusqu'aux jointures et pensées du cœur”. À une certaine époque où l’on avait presque oublié les sources originelles et vives de la vie spirituelle, Dom Guéranger, par exemple, a remis celle-ci dans l’axe de la Parole de Dieu proclamée par toute la liturgie. De la sorte, il a voulu éviter les déviations piétistes et mièvres, en remettant la vie spirituelle dans son ”lieu naturel”: la Parole de Dieu et la liturgie. Et Vatican II a amplifié largement ce ressourcement pour tous les chrétiens. Depuis lors, la spiritualité ne relève plus du subjectif, mais du monde objectif de la Parole de Dieu et de la liturgie ; Cette Parole de Dieu devient thérapeutique pour tous ceux qui semblent préférer, parfois, les émotions et les sentiments fugaces. Le moine et tout chrétien est épris, doit être épris de la Parole de Dieu, Sagesse de Dieu.

Enfin, l'évangile nous révèle le dernier secret de cet idéal monastique et chrétien : le moine, le chrétien veulent SUIVRE LE CHRIST en renonçant dans la joie à bien des choses… à tout le reste, s’il le faut. Il a entendu les paroles de Jésus : “Va, vends tout, donne-le aux pauvres et suis-moi”. Le moine et le chrétien lui-même doivent montrer que le bonheur de l'homme ne se trouve pas au bout de nos besoins premiers mais qu'il est objet d'un désir qui transcende le bien-être immédiat. Le vrai disciple du Christ est un homme de désir ; il a compris que ni les richesses, ni la sexualité, ni l'autonomie de soi… ne procurent le bonheur véritable. C’est cela que le Christ est venu nous révéler par sa parole et par l'exemple de sa vie. Et tout disciple doit proclamer que ce chemin qui semble parfois si ardu, ce chemin de l'imitation du Christ ne tronque pas l'homme ! Il rend à l'homme sa véritable image, tel qu'il est sorti des mains de Dieu, lors de la création. C'est en renonçant, parfois, à beaucoup de choses que l'homme gagne tout au centuple. “Vraiment, je vous le dis : personne n'aura quitté, à cause de moi et de l'Evangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu'il reçoive en ce temps déjà le centuple. Jésus fait là une allusion aux relations aimantes que doivent tisser toute communauté chrétienne quelle qu’elle soit : familiale ou religieuse. En l’Eglise, Famille de Dieu, chacun doit trouver ”maisons, frères, soeurs, mère, enfants et terres… avec des persécutions… Au jour de persécution - il y en a toujours !-, on sait ce que représente une porte qui s’ouvre, une main qui se tend, le dévouement d’un voisin. A Rome, à l’époque de Marc, alors que les chrétiens étaient traqués, ces quelques lignes de l’Evangile portaient une force singulière : ”…avec des persécutions …” et, finalement, dans le monde à venir, la vie éternelle”. Il faut méditer ces paroles qui indiquent les chemins secrets du bonheur.

Sachons contempler cet idéal qui est un appel à y répondre selon les modalités de vie de chacun. Et bénissons le Seigneur d'avoir suscité dans son Église, depuis des siècles, des hommes et des femmes sages de la sagesse même de Dieu, avides de sa Parole et qui deviennent guides sur le chemin du bonheur véritable pour que chacun, répondant d’une manière ou d’une autre à l’appel du Christ (“Suis-moi“) devienne de plus en plus “image et ressemblance de Dieu !“.

Aucun commentaire: