vendredi 13 février 2009

La tentation - 5. T.O. Vendredi imp. - (Gen 3.1-8)

Même un peu abscons pour nous, le livre de la Genèse est plein d’humour et de fine psychologie tout à la fois. Il suffit de lire pour découvrir le processus de toute faute :
  • “Le serpent était le plus rusé des animaux…“. Il faut savoir qu’en hébreux ancien, les mots “rusé“ et “nu“ s’écrivaient de façon identique, avec les mêmes consonnes (les voyelles n’étant pas alors signalées). On pourrait traduire : “le serpent était le plus nu…“. Or, il sera dit qu’après leur faute, Adam et Eve se retrouvent “nus“ ; ils se cachent ! Ils ont déjà pris les mœurs du démon : le “pécheur“ devient “un de ces hommes profondément retors et traîtreusement doubles“ (Balzac). Il faut le savoir ! le pécheur est toujours ingénieux en artifices subtiles !
  • Aussi, le serpent dit à la femme de façon ambiguë et d’une intonation suspensive : “Vous le mangerez pas de tout arbre…“, sans interrogation ou exclamation. Le Malicieux ! Il ne ment pas à proprement parler. Il émet simplement- et très discrètement - une petite suspicion. C’est tellement subtil surtout face à une personne qu’il devine bien innocente et sans méfiance. La ruse subtile !
  • Eve va tomber naturellement dans le piège. Elle réagit immédiatement pour sauver en quelque sorte l’honneur de Dieu dont le démon caricature le commandement : “Pas du tout, affirme-t-elle ; seul, l’arbre qui est au milieu du jardin est interdit“.
  • Cependant, disant ainsi, un doute commence à s’installer en elle : “si le serpent parle ainsi, c’est peut-être qu’on ne lui a pas tout dit… !“. Et une certaine anxiété s’installe dans son cœur : que cache donc cet interdit ? La ruse du serpent réussit : le doute a germé en elle suscitant une interrogation anxieuse qui devient peu à peu une obsession : la chose interdite prend soudainement tout l’horizon de sa pensée. S’il y a eu un arbre qui a caché toute une forêt, c’est bien celui du jardin de l’Eden !
  • Eve cependant réagit sur elle-même, sur son anxiété soudaine qu’elle manifeste inconsciemment en exagérant à son tour l’interdit divin : de l’arbre en question, il ne faut pas même y toucher ! Quel scrupule révélateur ! Dieu n’a jamais dit cela ! Mais son angoisse, son obsession anxieuse deviennent telles qu’afin de ne pas succomber à la tentation, il est préférable, pour ne pas manger, de ne pas même “toucher“ !
  • Le subtil et retors serpent devine bien tous ces méandres troublés de sa pensée. Et, c’est à ce moment qu’il fait la grande offensive : ce sera du quitte ou double ! “Si vous en mangez de ce fruit, susurre-t-il, vous ne mourrez certainement pas. Au contraire“. Et il va lâcher l’argument massue : “Le fruit défendu, mais c’est ce qui fait justement la différence entre ce que Dieu est Dieu et ce que l’homme est homme. Dieu vous a tout permis sauf, évidemment, ce qui lui est propre… pour le moment !“
  • Du coup, une grande curiosité étant attisée, la femme va se dire : “Mais le serpent a sans doute raison. Au fond, je ne suis qu’une créature ; et Dieu a certainement intérêt à me maintenir en cet état“. Et cette réflexion devient si évidente qu’elle va provoquer comme le cri de l’adolescent qui revendique de passer du côté des adultes.
  • “Alors, est-il dit, la femme voit que l’arbre est bon a manger“. Quelle remarque admirable et finement psychologique. Quelques instants avant, il n’y avait que le toucher qui était excité ; et maintenant l’arbre devient “bon à voir !“, et donc désirable. Autrement dit, tous les sens étant fortement éveillés, il est alors plus difficile de ne pas succomber.
  • Adam et Eve succombent donc à la tentation. Ils se retrouvent “nus“, donc “rusés“ ; aussi commencent-ils à pratiquer la politique du camouflage : ils vont se cacher derrière les arbres ! Et Dieu laisse faire… C’est pour lui le début de la longue patience (sa souffrance qui ira jusqu'à la mort de son Fils en croix) qu’il pratique à l’égard de tout homme pour qu’un jour il revienne debout dans son innocence première. Cela aussi, il faut le savoir et le reconnaître !

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