dimanche 22 février 2009

7ème Dimanche - T.O. – B.09.

Depuis quelques dimanches, c’est un même refrain qui sonne à nos oreilles : “Lève-toi !“. Ces deux mots pourront nous accompagner tout au long du Carême qui ca commencer, en méditant particulièrement les enseignements de l’apôtre Paul en cette année qui lui est consacrée. Souvent, il nous encourage à être toujours “debout“ dans le Christ ressuscité, toujours vivant !

Mais reprenons, déjà au 4ème Dimanche du T.O., il était question d’un possédé que l’esprit mauvais secouait fortement. Et Jésus en fait un homme debout !

Au 5ème Dimanche, on assistait à la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre. Elle était au lit avec la fièvre. Et voilà que Jésus la guérit : “Lève-toi !“. Elle se met debout et toute vaillante au point de servir Jésus et ses amis !

Dimanche dernier, c’était un lépreux. Jésus le guérit si bien qu’il se met à courir partout, proclamant la nouvelle de sa guérison. L’ex-lépreux n’est plus un homme mutilé, mais un vivant bien debout !

Aujourd’hui, nous avons un double “Lève-toi“ ! Non seulement “Lève-toi“, ton péché n’est plus en toi, la lourdeur qui paralysait les jointures de ton cœur et de ton âme ne sont plus ; mais “Lève-toi“ de ton grabat. Ne sois plus un homme mort, dans la position allongée, mais un homme debout, capable de ridiculiser le symbole de la mort en portant sous le bras ton brancard.

Remarquons que nous sommes, semble-t-il, dans la maison de Pierre. Là, Jésus est un peu chez lui, il est entre amis et on ne dit pas toujours les mêmes choses entre amis et au dehors devant tout le monde. Alors l’évangéliste note : “Jésus annonçait LA PAROLE“. En d’autres termes, Jésus s’annonce lui-même. Il se dit lui-même non seulement parce qu’il parle, mais par le seul fait qu’il soit là. St Jean ne dira-t-il pas plus tard : Jésus est la PAROLE faite chair, le Verbe fait chair, la Parole venue chez les hommes, ayant pris maison et coutumes d’homme.

LA PAROLE ! Cela rappelle le vieux texte de la Bible sur les origines de l’homme. Dieu dit une Parole et des êtres vivants surgissent, debout. Dieu dit une Parole : “Faisons l’homme à notre image…“ et l’homme se tint debout. Oui, Dieu parle et sa Parole n’est que Vie. (Parler et agir, c’est semblable dans la langue hébraïque). Aussi, quand le Fils de Dieu, Jésus, Parole, Verbe de Dieu est là au milieu de ses amis, il dit Dieu, il dit la Vie, il donne la Vie du Père et la sienne et celle qu’ensemble ils désirent toujours nous donner par leur Esprit commun.

Aussi, nous devinons qu’avant même que les gens n’arrivent avec leur paralytique sur son brancard, la Vie est là, plus forte que la mort….

Remarquons au passage qu’il fallait une bonne dose d’audace aux porteurs et au paralytique pour aller démolir la terrasse de la maison d’un voisin… Jésus voit leur foi ! Une foi qui ne s’exprime pas en paroles - ils ne disent pas un mot - mais en actes. Leur foi fut de crever un toit. Gérard Bessière un dominicain commente : “Croire au Christ, c’est crever un toit, c’est lui faire tellement confiance qu’on le provoque à l’impossible“.

Alors, en réponse, Jésus lui aussi crève plusieurs toits plus épais que celui de la maison.

Il va pénétrer dans le corps de cet homme muré dans son infirmité : “Lève-toi et marche“.

Il va pénétrer dans le cœur de cet homme paralysé par son péché : “Lève-toi. Tes péchés sont pardonnés“.

Et comme dans la foule, il y a des hommes qui ne disent rien mais qui n’en pensent pas moins (c’est fréquent cela, n’est-ce pas) - “C’est un blasphème“ ruminent-ils -, Jésus va encore crever le toit de leurs préjugés : “Quel est le plus facile de dire : “Tes péchés sont pardonnés - ou bien - “Lève toi, prend ton brancard et marche ?“.

Crever le toit, crever la muraille qui paralyse le corps et le cœur d’un homme, crever le toit des préjugés, voilà ce qui s’est passé, il y a 2.000 ans, à cause de Jésus, Parole de Dieu, Parole de Vie.

Et aujourd’hui ? Après avoir entendu l’évangile, la question est toute simple : Est-ce que ma foi au Christ ressemble à la foi de ces quatre gaillards qui ont osé crever un toit pour provoquer Jésus à l’im-possible ? Acceptons, nous aussi, de nous poser cette question. Accep-tons de la poser plus largement à nos communautés chrétiennes, surtout en ce temps de Carême qui va commencer. Nos contempo-rains attendent que nous leur montrions la vigueur de l’évangile, la force du Christ, Parole de Vie. Que leur donnons-nous à voir ?

Ce matin, des millions de chrétiens sont entrés dans une église, parce que c’est dimanche. Ont-ils poussé mollement la porte pour entrer, par habitude…, routine, pire, par convention et en étant très en retard, comptant parcimonieusement, avec avarice presque, les minutes consacrés au Seigneur ?

Ou, au contraire, combien ont, en quelque sorte, forcé la porte comme on crève un toit, pour se tourner résolument vers le Christ dans une confiance totale, vers le Christ, Parole de Vie ?

Et puis, continuons à lire l’évangile : les quatre hommes ont porté leur ami malade aux pieds de Jésus ; et nous qui portons-nous avec nous dans l’église, ce matin, qui portons-nous dans notre cœur et notre prière ? Ceux que nous avons peut-être laissés, ceux qui sont écrasés par une souffrance, une épreuve… ? Que sais-je ? Qui portons-nous ? Que portons-nous véritablement ?

Et puis, bien plus, Impossible d’enfermer le Christ dans une maison, dans une église. Il habite la ville, les marchés, les usines, tous nos lieux de vie et même de loisirs, sur tous les terrains de l’existence ? Qui portons-nous vers le Christ, Parole de Vie ?

Mais soyons également positifs. Y-a-t-il un seul jour, depuis vingt siècles qui n’ait vu des hommes, des femmes changer leur vie, changer la vie, à cause de Jésus… à cause du Christ qui nous a appris que le cœur de l’homme est fait pour crever un toit, est fait de ce “goût de l’impossible“, et qui savent que c’est Dieu qui a déposé dans le cœur de tout homme, un amour qui peut “crever les toits“, faire sauter bien des murailles

Je terminerai par une parabole pour nous orienter vers la lumière de Pâques à travers le Carême. Un penseur chrétien des premiers siècles raconte qu’il eut un rêve, une nuit. Des myriades d’oiseaux voletaient sous un filet tendu au dessus du sol. Sans cesse, ils s’envolaient, heurtaient le filet, et retombaient par terre. Ce spectacle était accablant de tristesse. Mais voici qu’un oiseau s’élança à son tour : il s’obstina à lutter contre le filet ; et soudain, blessé, couvert de sang, il le rompit et s’élança vers l’azur. Ce fut un cri strident parmi tout le peuple des oiseaux. Dans un bruissement d’ailes innombrables, ils se précipitèrent à travers la brèche, vers l’espace sans limites.

“Crever un toit“, “faire brèche dans l’impossible“. C’est toute l’aventure humaine et chrétienne depuis nos origines obscures. Et aujourd’hui encore beaucoup pressentent, d’un instinct sûr, que Jésus de Nazareth porte, concentré sur sa personne, cet avenir transfiguré. L’impossible est là, en lui toujours vivant. Les forces du mal avaient semblé l’anéantir, mais il avait annoncé la fécondité du grain tombé en terre… Après avoir lutté contre tous les ferments de mort dans le cœur des hommes et dans la vie des peuples, il avait brisé la fatalité de la mort elle-même. C’est au moment où tout semble fini que la contagion de sa vie commence de s’étendre vers les immensités de l’espace et du temps. Désormais, le goût de l’impossible ne reculera plus, même devant la mort. Aussi, c’est tous les jours Pâques, si nous le voulons, même durant le Carême. Et l’Eucharistie noue le rappelle chaque jour si nous le pouvons et désirons. Après Jean-Paul II, le pape Benoît XVI ne cesse de le rappeler.

Aussi, dites-moi, que sont-ils donc devenus ces porteurs avec leur paralytique ? L’évangile n’en dit rien. Ils sont repartis sans doute illuminés par cette rencontre avec le Christ. On ne sait même pas leur nom. Oh ! Inutile de chercher. Ce paralysé qui voulait guérir et les quatre porteurs, ils n’ont cessé de marcher depuis vingt siècles. C’est vous, c’est moi, c’est nous, si nous répondons à l’appel du Christ : “Lève-toi !“.

Aujourd’hui, le “Lève-toi“ de l’évangile résonne en nos cœurs : quitte ton mal qui t’embarrasse, qui te paralyse, et sois signe de vie. “L’homme se leva, prit aussitôt son brancard et sortit devant tout le monde“. Oui, c’est aujourd’hui que le Christ dit à chacun : “Lève-toi !“.

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