jeudi 19 février 2009

Dieu, protecteur de l’homme fragilisé - 6. T.O. Jeudi imp. - (Gen 9.1-13)

La lecture de ce jour est toujours un peu difficile, parce que son langage ancien nous est étranger. Pourtant, elle est fort instructive.

“Soyez féconds, multipliez-vous !“, dit Dieu à Noé. On le sait - l’histoire nous l’apprend, ne serait-ce que celle de toute guerre -, la chose la plus urgente après une catastrophe (tel un “déluge“ quel qu’il soit) est de reconstruire l’humanité abîmée, de la repeupler ! On dirait que Dieu ne peut se résigner à la disparition de l’homme !

Pourtant, Dieu n’est pas naïf ! La lecture d’hier rapportait sa conclusion : “Je ne maudirai plus…, je ne frapperai plus…“ (c’est-à-dire je ne laisserai plus l’homme aller à sa perte !). Pourtant, pourtant, dit Dieu, “le cœur de l’homme est porté au mal dès sa jeunesse !“. Affirmation qui provoquera la question de ce sage, “Ben Sirac“ : “Comment l’homme a-t-il été modelé pour couvrir la terre de tromperie ?“. (Sir. 37.3). La grande question du mal !

Quoi qu’il en soit, Dieu n’est donc pas dupe : il constate qu’un châtiment, qu’un déluge (comme toute guerre) n’est pas efficace. Aussi, laisser mourir une multitude pour en sauver quelques-uns n’est pas une solution ; d’ailleurs, c’est encore laisser le vers dans le fruit. Il n’y a qu’à regarder : Noé, certes, est un juste ! Mais Madame et les enfants, c’est déjà moins bien !

Alors, le Seigneur semble se résigner à cette humanité qui, déjà, est en quelque sorte gâtée. Aussi va-t-il lui donner, malgré tout, sa protection exceptionnelle déjà accordée à Caïn, meurtrier de son frère !

Il le fait d’autant plus qu’il connaît désormais la grande fragilité de l’homme. Il pressent, devine pour l’homme des dissonances, des grincements à venir, même avec les animaux ! Avant le déluge, l’homme était en phase avec tous les animaux qui acceptaient sa domination parce qu’ils le reconnaissaient comme le lieutenant du Créateur (rôle qui ne sera rétabli qu’à l’ère messianique). Il n’en est plus ainsi (1). Et dans cette situation tendue entre l’homme et les animaux, la création toute entière a tendance à se révolter (“Elle gémit…“, dira St Paul). La terre elle-même réagit mal ; elle se secoue parfois avec des tremblements terribles parce qu’elle sent sur son dos des “bestioles“, si je puis dire, qui se détournent du Créateur. Elle a donc tendance à vomir périodiquement cette humanité qui devient de plus en plus “rancie“.

C’est dans cette situation nouvelle que Dieu consent à être le protecteur de l’homme devenu très fragile, vulnérable. Et le motif de Dieu est toujours le même : “l’homme a été créé à son image !“. Et, à ce titre, il est de la parenté de Dieu, si l’on peut dire. Alors qui touche à l’homme touche à Dieu qui, légitimement, demandera compte du sang de l’homme versé injustement, même si sa vie est une vie en sursis parce que viciée déjà intérieurement : “Je demanderai compte du sang de chacun de vous… Je demanderai compte de la vie de l’homme… Qui verse le sang de l’homme, par l’homme aura son sang versé. Car à l’image de Dieu l’homme a été fait !“.

Retenons, après cette ces quelques réflexions un peu humoristiques, retenons cette grande affirmation biblique : Dieu se soucie de l’homme même pécheur. Il en devient le protecteur. Il a donc soin de moi en toute circonstance !(1)

(1) Cependant, puisque désormais les animaux eux-mêmes se détournent de l’homme quand il se détourne de Dieu, que l’homme les soumette (en leur inspirant “crainte et effroi“) et s’en servent de nourriture ! A une condition : “il ne mangera par la chair avec sa vie, c’est-à-dire avec le sang“.

Autrement dit, toute vie vient de Dieu - même celle des animaux - ! Et l’homme doit respecter toute vie ! Aussi, le premier Concile de Jérusalem qui abolissait, pour les chrétiens non Juifs, les prescriptions de l’Alliance sinaïtique, a gardé cependant cette interdiction de manger la viande des animaux étouffés avec son sang, (autrement dit, pas de boudins s’il vous plaît !) pour souligner que toute vie vient de Dieu et que l’on ne peut en disposer totalement.

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