mardi 1 avril 2014

La source du rocher !

Carême 4 Mardi  - !

Comme les Hébreux assoiffés dans leur traversée du désert, il nous arrive de traverser certains déserts de l'existence, assoiffés que nous sommes d'une vie plénière !

Pour les Hébreux l'eau jaillit du rocher que Moïse frappa. En tout désert, Dieu peut faire jaillir une "eau vive" comme Jésus pour la Samaritaine.

Et ce rocher d'où sort l'eau salvatrice est si prégnant de la présence de Dieu qu'il suit le peuple tout au long de ses pérégrinations dans le désert. Les Hébreux, dira St Paul, reprenant cette tradition symbolique, "buvaient à un rocher spirituel qui les suivait" (Cf. 1 Co 11.4). Et, finalement, ce rocher arrivera à Jérusalem, "ce lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom !".

Aussi, ce rocher devient la base du temple de Dieu à construire : "Voici que je pose en Sion, dit Dieu par le prophète Isaïe, une pierre angulaire, pierre de fondation. Celui qui s'y appuie ne sera pas ébranlé !" (Is 28.16).

Et de ce rocher devenu pierre angulaire du temple coule toujours une source - la source de Gihon - qui va alimenter, à l'intérieur des remparts, la piscine de Siloë. Ce rocher - cette pierre -, dira le prophète Isaïe qui, tout près, fondera comme une sorte d'"école de la foi", est bien le signe de la présence de Dieu, Sauveur. Aussi, près de cette source, le prophète sollicite la foi de quiconque : ici, dit-il, près de cette source, "si vous ne tenez pas fermes (sur ce rocher, à cette source, peut-on interpréter), vous ne tiendrez pas !" (ta'aminu -té-aménu", dit-il dans un célèbre jeu de mots - Is 7.9).

Et, de fait, devant ce rocher, signe de la présence de Dieu, les troupes de Sennachérib, roi d'Assyrie, venues assiéger la ville, mystérieusement défaillirent. Ce rocher est bien, dira Isaïe, cette "pierre que l'on heurte, un rocher où l'on trébuche !"
"Cette nuit même, est-il rapporté, l'ange du Seigneur frappa dans le camp assyrien. Ce n'était plus que des cadavres !", phrase qui intentionnellement rappelle la délivrance lors de la traversée de la mer rouge : "Au matin, la mer rentra dans son lit. Le Seigneur culbuta les Egyptiens". - "Ce n'était que des cadavres... !". ("On ne vit plus que des chapeaux", disait pudiquement le curé de mon enfance !).

Dieu est Celui qui est ! - "Je suis avec vous" avait-il dit à Moïse -. Il est toujours là pour sauver. Et cette source salvifique de Gihon, signe de la présence de Dieu,  est signalée dans bien des psaumes - tel le 46ème - :
"Avec nous le Seigneur Sabaoth. Citadelle pour nous le Dieu de Jacob" (refrain ).
"Un fleuve !" La source est déjà devenue un fleuve !
"Ses bras réjouissent la cité de Dieu. Dieu est en elle - Emmanuël -
Elle ne peut chanceler. Dieu la secourt au tournant du matin !"

Il n'est pas étonnant qu'Ezéchiel - ce grand visionnaire - reprendra cette image. La source devient un fleuve. Elle sort du côté droit du temple. C'est un fleuve infranchissable ! (Ezéchiel n'est pas à une exagération près). Se jetant dans le Jourdain, elle descend dans la Araba vers la mer morte, ce lieu de péché. En voyant les péchés de Sodome et Gomorrhe, avait di le prophète Osée, le cœur de Dieu en fut retourné. Et parce que le cœur de Dieu fut renversé, la terre se renversa, se révulsa : lieu inhabitable, lieu de mort ...!

Mais l'eau du rocher qui sort de côté droit du temple comme un fleuve immense va redonner vie ! Le Seigneur dit à Ezéchiel : "Prophétise sur les ossements... : Esprit, viens sur ces morts et qu'ils revivent... !" - "Ainsi parle le Seigneur : Je vais vous faire remonter de vos tombeaux et vous vivrez !".

Bien des textes orchestrent cette vision d'Ezéchiel :
"Le Seigneur ouvrit le rocher ; les eaux jaillirent ; dans le lieu sec elles coulaient comme un fleuve" (Ps 105.41).
"Et voici que mon canal (le fameux canal d'Ezéchias) est devenu fleuve ; et le fleuve est devenu mer" (Sir 24.31).
"Un fleuve capable de provoquer la conversion nationale !" (Zach. 13.1).
Un fleuve capable de ressusciter les morts..., capable de recréer le monde : "Partout où passera le torrent, tout être vivant qui y fourmille vivra !" (Ez. 47.9).

Aussi, St Paul n'hésite pas, finalement, à dire que ce rocher du désert, arrivé à Jérusalem, d'où sort l'eau salvatrice devenue fleuve immense, capable de ressusciter les morts en la vallée de la mort..., ce rocher, c'est le Christ !

La véritable source de Gihon qui se jette dans la vallée de la mort comme un grand fleuve, c'est le Christ !

"Lui de condition divine, dit encore l'apôtre, il descendit... !".
Il descend comme la source de Gihon ; il descend dans ce fleuve qui veut dire "descente" - le Jourdain - en lequel Jean le baptise comme un pécheur.
Il descend vers la mer morte, il descend vers la bassesse du mal, le péché.
Il descend de la hauteur divine jusqu'à la bassesse de l'homme. "Celui qui n'avait pas connu le péché, Dieu l'a pour nous identifié au péché, afin que par lui nous devenions justice de Dieu !" (2 Co 5.21).
Par son baptême, Jésus s'abaisse comme un pécheur. Il est déjà la "victime offerte pour nos péchés !" (Cf. I Jn 2.2). "Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde !".

Mais Jésus remonte... "Lui de condition divine il est descendu...C'est pourquoi Dieu l'a exalté !". Il va le faire remonter "pour que toute langue proclame de Jésus Christ, qu'il est Seigneur !" (PhiL 2.6).

Jésus remonte, portant les péchés de Sodome et Gomorrhe, les péchés du monde. "C'est lui qui est victime pour nos péchés, non seulement pour les nôtres mais aussi pour ceux du monde entier !" (I Jn 2.2).

Jésus remonte vers Jérusalemil devient source véritable d'un temple nouveau - le temple de son Corps ! - : "Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours !" (Jn 2.21).

Aussi à sa mort sur la croix, le voile de l'ancien temple se déchirant - il n'a plus de valeur, ce qu'Etienne affirmera à son détriment - un des soldats lui perça le côté ; il en sortit du sang et de l'eau.
- une eau salvatrice comme celle du rocher dont l'eau a revitalisé la mer morte ! Eau salvatrice qui annonce le baptême et tous les sacrements
- du sang. C'est l'accomplissement de la prophétie de Zacharie qui fait dire mystérieusement à Dieu : "Ils regarderont vers Moi (Dieu !), Celui qu'ils ont transpercé !". Regarder le cœur de Dieu retourné, comme transpercé à cause des péchés de Sodome !

"En ce jour là, continuait la prophétie de Zacharie, grandira la lamentation dans Jérusalem, comme la lamentation de Hadad Rimmôn, dans la plaine de Meggidôn, là où le saint roi Josias était mort, transpercé par une flèche, lamentation qui exprimait l'incompréhension de la mort du juste.

Mais, ajoute Zacharie, désormais, à la vue de Dieu, "Celui qu'ils ont transpercé", dont le cœur a été transpercé, "il y aura une fontaine ouverte pour David et pour les habitants de Jérusalem, pour laver péché et souillure !"

Aussi cette fontaine, cette source, ce fleuve symbolisent la fécondité de la mort du "Juste" :
- la mort du "Juste" n'est plus absurde, comme celle de saint roi Josias.
- la mort du "juste" a une signification.
- la mort du juste est le point de départ d'une conversion nationale..., mondiale.

Et nous pourrons chanter au jour du Vendredi Saint : "... Mite corpus perforatur ; Sanguis, unda profluit. Terra, pontus, astra, mundus, quo lavantur flumine !" - "Du sang et de l'eau sont sortis du côté du Christ, come un fleuve ; et le cosmos tout entier et la terre et la mer sont purifiés !".

Alors dans la joie, nous chanterons au jour de Pâques : "Vidi aquam egredientem de templo a latere dextro..." - "J'ai vu une eau jaillir du côté droit du temple ; et tous ceux que lave cette eau seront sauvés et chanteront : Alleluia !".

Mais le parcours de ce grand fleuve qui sauve tous ceux qui croient n'est pas encore terminé... Ce fleuve arrivera jusque dans la Jérusalem céleste : "L'ange me montra le fleuve de vie, limpide comme du cristal, qui jaillissait du trône de Dieu et de l'Agneau. Au milieu de la place, de part et d'autre du fleuve, il y a des arbres de vie qui fructifient douze fois, une fois chaque mois ; et leur feuillage peut guérir les païens..." (Apoc 22.1-2)

Un fleuve qui embrasse et le passé et le présent et l'avenir ; le temps des "accomplissements" est déjà là : "Je suis l'Alpha et l'Oméga, le Premier et le Dernier, le Principe et la fin !" (Apoc 22.13).

Mais il faudra encore attendre, attendre "le jour" !
"Voici qu'il vient le jour de Dieu... J'assemblerai toutes les nations vers Jérusalem pour le combat.... Il arrivera, en ce jour-là, que les eaux vives sortiront de Jérusalem, moitié vers la mer orientale, moitié vers la mer occidentale..." (Za 14.1).

"Voici qu'il vient le Jour de Dieu !"
"Et il y aura un jour unique" ("Yom erad !"). Il n'y aura plus qu'un seul Jour ! Jour unique, éternel !

Le grand poète Boèce (5ème s.) dira de ce "jour unique", de l'éternité : "Interminabilis vitae tota simul plena et perfecta possesio !". - "Une pleine et parfaite possession de la vie, sans aucune limite, d'un seul coup et tout entière !".

Telle est notre foi en ce carême qui nous achemine vers Pâques, signe du "Jour Unique", éternel !

Aucun commentaire: