Carême
4 Mardi - !
Comme les Hébreux assoiffés dans
leur traversée du désert, il nous arrive de traverser certains déserts de
l'existence, assoiffés que nous sommes d'une vie plénière !
Pour les Hébreux l'eau jaillit du rocher
que Moïse frappa. En tout désert, Dieu peut faire jaillir une "eau
vive" comme Jésus pour la Samaritaine.
Et ce rocher d'où sort l'eau salvatrice est
si prégnant de la présence de Dieu qu'il suit le peuple tout au long de ses
pérégrinations dans le désert. Les Hébreux, dira St Paul, reprenant cette
tradition symbolique, "buvaient à un
rocher spirituel qui les suivait" (Cf. 1 Co 11.4). Et, finalement,
ce rocher arrivera à Jérusalem, "ce
lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom !".
Aussi, ce rocher devient la base du
temple de Dieu à construire : "Voici
que je pose en Sion, dit Dieu par le prophète Isaïe, une pierre angulaire, pierre de fondation. Celui qui s'y appuie ne
sera pas ébranlé !" (Is 28.16).
Et de ce rocher devenu pierre angulaire du
temple coule toujours une source - la source de Gihon - qui va
alimenter, à l'intérieur des remparts, la piscine de Siloë. Ce rocher - cette
pierre -, dira le prophète Isaïe qui, tout près, fondera comme une sorte
d'"école de la foi", est bien le signe de la présence de Dieu,
Sauveur. Aussi, près de cette source, le prophète sollicite la foi de quiconque
: ici, dit-il, près de cette source, "si
vous ne tenez pas fermes (sur ce rocher, à cette source, peut-on interpréter), vous ne tiendrez pas !" (ta'aminu
-té-aménu", dit-il dans un célèbre jeu de mots - Is 7.9).
Et, de fait, devant ce rocher, signe de la
présence de Dieu, les troupes de Sennachérib, roi d'Assyrie, venues assiéger la
ville, mystérieusement défaillirent. Ce rocher est bien, dira Isaïe, cette "pierre que l'on heurte, un rocher
où l'on trébuche !"
"Cette
nuit même,
est-il rapporté, l'ange du Seigneur
frappa dans le camp assyrien. Ce n'était plus que des cadavres !",
phrase qui intentionnellement rappelle la délivrance lors de la traversée de la
mer rouge : "Au matin, la mer
rentra dans son lit. Le Seigneur culbuta les Egyptiens". - "Ce
n'était que des cadavres... !". ("On
ne vit plus que des chapeaux", disait pudiquement le curé de mon enfance
!).
Dieu est Celui qui est ! - "Je suis avec vous"
avait-il dit à Moïse -. Il est toujours là pour sauver. Et cette source
salvifique de Gihon, signe de la présence de Dieu, est signalée dans bien des psaumes - tel le
46ème - :
"Avec
nous le Seigneur Sabaoth. Citadelle pour nous le Dieu de Jacob" (refrain ).
"Un
fleuve !"
La source est déjà devenue un fleuve !
"Ses
bras réjouissent la cité de Dieu. Dieu est en elle - Emmanuël -
Elle
ne peut chanceler. Dieu la secourt au tournant du matin !"
Il n'est pas étonnant qu'Ezéchiel - ce
grand visionnaire - reprendra cette image. La source devient un fleuve.
Elle sort du côté droit du temple. C'est un fleuve infranchissable ! (Ezéchiel n'est pas
à une exagération près).
Se jetant dans le Jourdain, elle descend dans la Araba vers la mer morte, ce
lieu de péché. En voyant les péchés de Sodome et Gomorrhe, avait di le prophète
Osée, le cœur de Dieu en fut retourné. Et parce que le cœur de Dieu fut
renversé, la terre se renversa, se révulsa : lieu inhabitable, lieu de mort
...!
Mais l'eau du rocher qui sort de côté droit
du temple comme un fleuve immense va redonner vie ! Le Seigneur dit à
Ezéchiel : "Prophétise sur les
ossements... : Esprit, viens sur ces morts et qu'ils revivent... !" - "Ainsi parle le Seigneur : Je vais vous
faire remonter de vos tombeaux et vous vivrez !".
Bien des textes orchestrent cette vision
d'Ezéchiel :
"Le
Seigneur ouvrit le rocher ; les eaux jaillirent ; dans le lieu sec elles
coulaient comme un fleuve" (Ps 105.41).
"Et
voici que mon canal (le
fameux canal d'Ezéchias) est devenu fleuve
; et le fleuve est devenu mer" (Sir 24.31).
"Un
fleuve capable de provoquer la conversion nationale !" (Zach. 13.1).
Un fleuve capable de ressusciter les
morts..., capable de recréer le monde : "Partout
où passera le torrent, tout être vivant qui y fourmille vivra !" (Ez. 47.9).
Aussi, St Paul n'hésite pas, finalement,
à dire que ce rocher du désert, arrivé à Jérusalem, d'où sort l'eau
salvatrice devenue fleuve immense, capable de ressusciter les morts en la
vallée de la mort..., ce rocher, c'est le Christ !
La véritable source de Gihon qui se jette
dans la vallée de la mort comme un grand fleuve, c'est le Christ !
"Lui de condition
divine,
dit encore l'apôtre, il descendit... !".
Il descend comme la source de Gihon ; il
descend dans ce fleuve qui veut dire "descente" - le Jourdain - en
lequel Jean le baptise comme un pécheur.
Il descend vers la mer morte, il descend
vers la bassesse du mal, le péché.
Il descend de la hauteur divine jusqu'à la
bassesse de l'homme. "Celui qui
n'avait pas connu le péché, Dieu l'a pour nous identifié au péché, afin que par
lui nous devenions justice de Dieu !" (2 Co 5.21).
Par son baptême, Jésus s'abaisse comme un
pécheur. Il est déjà la "victime
offerte pour nos péchés !" (Cf. I Jn 2.2). "Voici l'agneau de Dieu qui enlève le
péché du monde !".
Mais Jésus remonte... "Lui de condition divine il est
descendu...C'est pourquoi Dieu l'a exalté !". Il va le faire
remonter "pour que toute langue
proclame de Jésus Christ, qu'il est Seigneur !" (PhiL 2.6).
Jésus remonte, portant les péchés de Sodome
et Gomorrhe, les péchés du monde. "C'est
lui qui est victime pour nos péchés, non seulement pour les nôtres mais aussi
pour ceux du monde entier !" (I Jn 2.2).
Jésus remonte vers Jérusalem où il
devient source véritable d'un temple nouveau - le temple de son Corps
! - : "Détruisez ce temple et je le
rebâtirai en trois jours !" (Jn 2.21).
Aussi à sa mort sur la croix, le voile de
l'ancien temple se déchirant - il n'a plus de valeur, ce qu'Etienne affirmera à
son détriment - un des soldats lui perça le côté ; il en sortit du sang et de
l'eau.
- une eau salvatrice comme celle du
rocher dont l'eau a revitalisé la mer morte ! Eau salvatrice qui annonce le
baptême et tous les sacrements
- du sang. C'est l'accomplissement
de la prophétie de Zacharie qui fait dire mystérieusement à Dieu : "Ils regarderont vers Moi (Dieu !),
Celui qu'ils ont transpercé !".
Regarder le cœur de Dieu retourné, comme transpercé à cause des péchés de
Sodome !
"En
ce jour là,
continuait la prophétie de Zacharie, grandira la lamentation dans Jérusalem,
comme la lamentation de Hadad Rimmôn, dans la plaine de Meggidôn, là où le
saint roi Josias était mort, transpercé par une flèche, lamentation qui
exprimait l'incompréhension de la mort du juste.
Mais, ajoute Zacharie, désormais, à la vue
de Dieu, "Celui qu'ils ont
transpercé", dont le cœur a été transpercé, "il y aura une fontaine ouverte pour David et pour les habitants
de Jérusalem, pour laver péché et souillure !"
Aussi cette fontaine, cette source, ce
fleuve symbolisent la fécondité de la mort du "Juste" :
- la mort du "Juste" n'est
plus absurde, comme celle de saint roi Josias.
- la mort du "juste" a une
signification.
- la mort du juste est le point de
départ d'une conversion nationale..., mondiale.
Et nous pourrons chanter au jour du
Vendredi Saint : "... Mite corpus
perforatur ; Sanguis, unda profluit. Terra, pontus, astra, mundus, quo lavantur
flumine !" - "Du sang et
de l'eau sont sortis du côté du Christ, come un fleuve ; et le cosmos tout
entier et la terre et la mer sont purifiés !".
Alors dans la joie, nous chanterons au jour
de Pâques : "Vidi aquam egredientem
de templo a latere dextro..." - "J'ai vu une eau jaillir du côté
droit du temple ; et tous ceux que lave cette eau seront sauvés et chanteront :
Alleluia !".
Mais le parcours de ce grand fleuve qui
sauve tous ceux qui croient n'est pas encore terminé... Ce fleuve arrivera
jusque dans la Jérusalem céleste : "L'ange
me montra le fleuve de vie, limpide comme du cristal, qui jaillissait du trône
de Dieu et de l'Agneau. Au milieu de la place, de part et d'autre du fleuve, il
y a des arbres de vie qui fructifient douze fois, une fois chaque mois ; et
leur feuillage peut guérir les païens..." (Apoc 22.1-2)
Un fleuve qui embrasse et le passé et le présent
et l'avenir ; le temps des "accomplissements" est déjà là : "Je suis l'Alpha et l'Oméga, le Premier
et le Dernier, le Principe et la fin !" (Apoc 22.13).
Mais il faudra encore attendre, attendre
"le jour" !
"Voici
qu'il vient le jour de Dieu... J'assemblerai toutes les nations vers Jérusalem
pour le combat.... Il arrivera, en ce jour-là, que les eaux vives sortiront de
Jérusalem, moitié vers la mer orientale, moitié vers la mer
occidentale..."
(Za
14.1).
"Voici
qu'il vient le Jour de Dieu !"
"Et
il y aura un jour unique" ("Yom erad !"). Il n'y aura plus
qu'un seul Jour ! Jour unique, éternel !
Le grand poète Boèce (5ème s.) dira de ce
"jour unique", de l'éternité : "Interminabilis
vitae tota simul plena et perfecta possesio !". - "Une pleine et
parfaite possession de la vie, sans aucune limite, d'un seul coup et tout
entière !".
Telle est notre foi en ce carême qui nous
achemine vers Pâques, signe du "Jour Unique", éternel !
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