vendredi 4 avril 2014

Le livre de la Sagesse

Carême 4 Vendredi - 

Notre lecture d'aujourd'hui émane - il faut le savoir - du milieu juif d'Alexandrie !
C'est en ce milieu que la Bible hébraïque fut traduite en grec, vers le 2ème siècle avant J.-C., en cette version qui porte le nom de "Septante". On l'appelle "Septante" à cause de cette légende - la "légende  d’Aristée" -, selon laquelle soixante-dix traducteurs, travaillant séparément, seraient arrivés, en soixante-dix jours, au même résultat, à une traduction identique, à la lettre prés !

Naturellement, l’Eglise n’a pas attaché d’importance à cette "légende d’Aristée". Cependant, elle a recueilli les textes grecs dans le "canon" catholique des Ecritures sous le nom de "Deutérocanonique". Ce mot - "deutérocanonique" - n’a rien de péjoratif. Ce mot appelle seulement à distinguer :
- les livres "protocanoniques" qui englobent les livres de la Bible hébraïque (en laquelle, notons-le, le livre de la Sagesse n'a finalement pas été retenu !).  
- et les livres grecs ("Septante") appelés "deutérocanoniques, parce qu'ils sont venus en un temps "second", ce qui ne veut nullement dire qu'ils sont "secondaires" pour autant !"
On considère ces livres comme inspirés, tout aussi bien que ceux qu’on trouve dans la Bible hébraïque.

D'ailleurs, il faut souligner que ces livres grecs de la "Septante", dit "deutérocanoniques" marquent souvent un progrès théologique antérieur à l’avènement du christianisme !
Et quand on pense que le texte officiel en hébreu, appelé "La Massore" (mot qui veut dire "chaîne" ou "tradition"), n’a pris sa forme définitive qu’au 9ème ap. J.-C., à Tibériade, on a bien souvent recours au texte grec des septante pour mieux interpréter les textes originaux.

Je fais cette réflexion, apparemment impropre à une homélie, pour souligner que Dieu nous a parlé - "à plusieurs reprises et de bien des manières", comme dit la lettre aux Hébreux - tout au long des siècles (du 9ème s av. J-C. environ au 1er s. ap. J.-C.), de façon très pédagogique, les textes postérieurs venant toujours préciser, enrichir les textes antérieurs.
C'est l'ensemble qu'il faut toujours considérer, cet ensemble qui se récapitule dans le "Verbe de Dieu" fait chair, Jésus ! Dieu, finalement, "nous a parlé en son Fils qu'il a établi héritier de tout !" (Cf Heb 1.1).

Ce que je dis là ne relève donc pas d'une homélie, quoique... !  Car notre texte d'aujourd'hui peut être daté assez précisément. Il a été écrit à un moment où les juifs d’Alexandrie, sans être l’objet d’une persécution officielle, ont eu à subir des tracasseries, des vexations de toutes sortes. Cette période est à situer dans la première moitié du premier siècle avant Jésus-Christ.

On se demande alors si les "impies persécuteurs" dont il est question sont
- soit des païens qui persécutent les juifs ; et les persécutions diverses, en certains pays, sont toujours d'actualité !
- soit - et plutôt - des juifs renégats, qui ont trahi leur foi !
Et c'est toujours encore, malheureusement, d'actualité pour Juifs, Chrétiens ou autres...!
Car il arrive, par exemple, que certains jeunes, bénéficiaires des œuvres de charité de l'Eglise, combattent, devenus adultes, cette Mère-Eglise facilement accusée de bien des maux, d'étroitesse, d'un refus systématique d'évolution soi-disant nécessaire pour le bien d'un pays, pour le bien des hommes. Et que sais-je encore !
Les applications sont nombreuses en milieu social, médical, philosophique, etc. Ces sortes de renégats persécutent leurs frères et défient Dieu, comme dit le texte ! Ce sont des espèces de jouisseurs, comme on en trouve à toutes les époques, de type épicurien. Ils veulent jouir et encore jouir de la vie. C'est leur seul but. Dieu vient bien après s'il n'est pas trop gênant !

Aussi, le motif de ce genre de persécution n’est pas de punir un malfaiteur.
Il ne s’agit pas non plus d’une erreur judiciaire dont serait victime un innocent.
Il s’agit d’une persécution (larvée, comme on dit) qui a pour motif l’innocence même de la victime.
L’homme en effet, partout et toujours, ne supporte pas celui dont l’exemple et la parole invitent inexorablement ses contemporains à changer de mentalité, de vie, à se tourner vers l'amour de Dieu et l'amour de ses frères !

Ecrit un siècle avant l’apparition du Christ, notre texte prend une valeur saisissante. Il décrit non seulement la "mort du juste", mais celle d’un "fils du Seigneur", d’un "fils de Dieu". Ce texte prend une extraordinaire plénitude de sens quand on le lit en pensant à la passion de Jésus, l'"Innocent" par excellence !

De façon générale, le livre de la Sagesse cherche à répondre au défi de la "sagesse du monde", de la civilisation païenne par rapport à la Révélation divine. On y trouve notamment - reprise de la philosophique grecque -, une grande considération pour les quatre vertus cardinales :
"Aime-t-on la justice ? Ses labeurs, ce sont les vertus ; elle enseigne, en effet, tempérance et prudence, justice et force ; ce qu'il y a de plus utile pour les hommes dans la vie". (8.7).

Un autre thème défendu par le livre, de façon plus ou moins voilée, c'est le thème de la réssurection de la chair, d'une crtéation nouvelle !

Ainsi ce livre comprend des affirmations qui préparent le Nouveau Testament, comme celle-ci :
"Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature !". (2.23).

Et souvent en ce livre, la "Sagesse divine" est personnifiée au point de fournir à St Paul et à St Jean des formules théologiques que l'on trouve notamment dans le lettre aux Colossiens.

En tous les cas, le livre décrit un combat incessant qui est mené entre païens et croyants.
Mais n'oublions pas pour autant que ce combat passe à l'intérieur de nous-mêmes. Nous sommes parfois nous-mêmes les persécuteurs de notre idéal chrétien, de notre foi, de notre adhésiuon au Christ !


Quant au récit de notre évangile, il se situe dans le contexte de la fête des Tentes, de Soukkoth, telle qu’on la pratiquait au temps de Jésus, avant la destruction du Temple. C’est, fréquemment, une méthode de St Jean de raconter les épisodes de la vie de Jésus dans le cadre des fêtes juives.

Géographiquement, à Jérusalem, une grande partie de la fête de Soukkoth se passe en relation avec la source de Siloé. "Siloé" vient d'un mot dont la racine veut dire "envoyé" !

La question qui domine en St Jean, en cette partie de son Evangile - du ch. 7ème à la guérison de l’aveugle-né au ch. 9ème - et qui s’inscrit donc dans le contexte de cette grande la fête de Soukkoth tourne autour de cette interrogation : Jésus est-il l’"Envoyé" de Dieu ?
La discussion est très vive, on peut même dire violente.
La Bible de Jérusalem titre l’ensemble de ces trois chapitres : "La fête des Tentes - La grande révélation messianique, le grand refus". Là encore c'est d'actualité. "Jésus est-il vraiment l'"Envoyé de Dieu ?", question qui traverse involontairement parfois notre propre cœur !

C'est que Jésus apparaît là en cette fête de Soukkot comme le "rocher de contradiction" dont parlait le prophète Isaïe : "Il sera un sanctuaire, une pierre que l'on heurte, un rocher où l'on trébuche !" (8.14).
Prédiction relevée par le vieillard Syméon, lors de la présentation de Jésus au temple : "Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction..." (Lc 2,34-35), à la contestation comme à Massa et Mériba !    
Jésus lui-même dira selon St Jean : "C'est pour un discernement que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles". - Des Pharisiens, qui se trouvaient avec lui, entendirent ces paroles et lui dirent : "Est-ce que nous aussi, nous sommes aveugles ?". Jésus leur dit : "Si vous étiez aveugles, vous n'auriez pas de péché ; mais vous dites : Nous voyons ! Votre péché demeure"  (Jn 9, 39-41)

"Jésus est-il l’"Envoyé" de Dieu. ? " Elle se pose toujours, actuellement, cette interrogation, autour de nous et parfois en nous-mêmes !.

En tous les cas, il est toujours bon de nous examiner : N’est-ce pas trop souvent le comportement des chrétiens qui fait que le monde se demande, si Jésus est oui ou non l’"Envoyé" ?

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