Carême
4 Vendredi -
Notre lecture d'aujourd'hui émane - il faut
le savoir - du milieu juif d'Alexandrie !
C'est en ce milieu que la Bible hébraïque
fut traduite en grec, vers le 2ème siècle avant J.-C., en cette
version qui porte le nom de "Septante". On l'appelle
"Septante" à cause de cette légende - la "légende d’Aristée" -, selon laquelle soixante-dix
traducteurs, travaillant séparément, seraient arrivés, en soixante-dix jours,
au même résultat, à une traduction identique, à la lettre prés !
Naturellement, l’Eglise n’a pas attaché
d’importance à cette "légende d’Aristée". Cependant, elle a recueilli
les textes grecs dans le "canon" catholique des Ecritures sous le nom
de "Deutérocanonique". Ce mot - "deutérocanonique" -
n’a rien de péjoratif. Ce mot appelle seulement à distinguer :
- les livres "protocanoniques"
qui englobent les livres de la Bible hébraïque (en laquelle, notons-le, le livre de
la Sagesse n'a finalement pas été retenu !).
- et les livres grecs
("Septante") appelés "deutérocanoniques, parce qu'ils
sont venus en un temps "second", ce qui ne veut nullement dire qu'ils
sont "secondaires" pour autant !"
On considère ces livres comme inspirés,
tout aussi bien que ceux qu’on trouve dans la Bible hébraïque.
D'ailleurs, il faut souligner que ces
livres grecs de la "Septante", dit "deutérocanoniques"
marquent souvent un progrès théologique antérieur à l’avènement du
christianisme !
Et quand on pense que le texte officiel en
hébreu, appelé "La Massore" (mot qui veut dire "chaîne" ou
"tradition"), n’a pris sa forme définitive qu’au 9ème ap.
J.-C., à Tibériade, on a bien souvent recours au texte grec des septante pour mieux
interpréter les textes originaux.
Je fais cette réflexion, apparemment
impropre à une homélie, pour souligner que Dieu nous a parlé - "à plusieurs reprises et de bien des
manières", comme dit la lettre aux Hébreux - tout au long des siècles
(du 9ème s av. J-C. environ au 1er s. ap. J.-C.), de façon très
pédagogique, les textes postérieurs venant toujours préciser, enrichir les textes
antérieurs.
C'est l'ensemble qu'il faut toujours
considérer, cet ensemble qui se récapitule dans le "Verbe de
Dieu" fait chair, Jésus ! Dieu, finalement, "nous a parlé en son Fils qu'il a établi héritier de tout !"
(Cf
Heb 1.1).
Ce que je dis là ne relève donc pas d'une
homélie, quoique... ! Car notre texte
d'aujourd'hui peut être daté assez précisément. Il a été écrit à un moment où
les juifs d’Alexandrie, sans être l’objet d’une persécution officielle, ont
eu à subir des tracasseries, des vexations de toutes sortes. Cette période
est à situer dans la première moitié du
premier siècle avant Jésus-Christ.
On se demande alors si les "impies
persécuteurs" dont il est question sont
- soit des païens qui persécutent
les juifs
; et les
persécutions diverses, en certains pays, sont toujours d'actualité !
- soit - et plutôt - des juifs renégats,
qui ont trahi leur foi !
Et c'est toujours encore, malheureusement,
d'actualité pour Juifs, Chrétiens ou autres...!
Car il arrive, par exemple, que certains jeunes,
bénéficiaires des œuvres de charité de l'Eglise, combattent, devenus
adultes, cette Mère-Eglise facilement accusée de bien des maux, d'étroitesse,
d'un refus systématique d'évolution soi-disant nécessaire pour le bien d'un
pays, pour le bien des hommes. Et que sais-je encore !
Les applications sont nombreuses en milieu
social, médical, philosophique, etc. Ces sortes de renégats persécutent leurs
frères et défient Dieu, comme dit le texte ! Ce sont des espèces de jouisseurs,
comme on en trouve à toutes les époques, de type épicurien. Ils veulent jouir
et encore jouir de la vie. C'est leur seul but. Dieu vient bien après
s'il n'est pas trop gênant !
Aussi, le motif de ce genre de persécution
n’est pas de punir un malfaiteur.
Il ne s’agit pas non plus d’une erreur
judiciaire dont serait victime un innocent.
Il s’agit d’une persécution (larvée,
comme on dit) qui a pour motif l’innocence même de la victime.
L’homme en effet, partout et toujours, ne
supporte pas celui dont l’exemple et la parole invitent inexorablement ses
contemporains à changer de mentalité, de vie, à se tourner vers l'amour de
Dieu et l'amour de ses frères !
Ecrit un siècle avant l’apparition du
Christ, notre texte prend une valeur saisissante. Il décrit non seulement la "mort
du juste", mais celle d’un "fils du Seigneur", d’un "fils
de Dieu". Ce texte prend une extraordinaire plénitude de sens quand on le
lit en pensant à la passion de Jésus, l'"Innocent" par excellence !
De façon générale, le livre de la
Sagesse cherche à répondre au défi de la "sagesse du monde", de la
civilisation païenne par rapport à la Révélation divine. On y trouve notamment
- reprise de la philosophique grecque -, une grande considération pour les
quatre vertus cardinales :
"Aime-t-on la justice ? Ses labeurs, ce sont les vertus
; elle enseigne, en effet, tempérance et prudence, justice et force ; ce qu'il
y a de plus utile pour les hommes dans la vie". (8.7).
Un autre thème défendu par
le livre, de façon plus ou moins voilée, c'est le thème de la réssurection
de la chair, d'une crtéation nouvelle !
Ainsi ce livre comprend
des affirmations qui préparent le Nouveau Testament, comme celle-ci :
"Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il en
a fait une image de sa propre nature !". (2.23).
Et souvent en ce livre, la
"Sagesse divine" est personnifiée au point de fournir à St
Paul et à St Jean des formules théologiques que l'on trouve notamment dans le
lettre aux Colossiens.
En tous les cas, le livre
décrit un combat incessant qui est mené entre païens et croyants.
Mais n'oublions pas pour
autant que ce combat passe à l'intérieur de nous-mêmes. Nous sommes
parfois nous-mêmes les persécuteurs de notre idéal chrétien, de notre foi, de
notre adhésiuon au Christ !
Quant au récit de notre évangile, il se situe
dans le contexte de la fête des Tentes, de Soukkoth, telle qu’on la pratiquait
au temps de Jésus, avant la destruction du Temple. C’est, fréquemment, une
méthode de St Jean de raconter les épisodes de la vie de Jésus dans le cadre
des fêtes juives.
Géographiquement, à Jérusalem, une grande
partie de la fête de Soukkoth se passe en relation avec la source de Siloé. "Siloé"
vient d'un mot dont la racine veut dire "envoyé" !
La question qui domine en St Jean, en cette
partie de son Evangile - du ch. 7ème à la guérison de l’aveugle-né
au ch. 9ème - et qui s’inscrit donc dans le contexte de cette grande
la fête de Soukkoth tourne autour de cette interrogation : Jésus est-il l’"Envoyé"
de Dieu ?
La discussion est très vive, on peut même
dire violente.
La Bible de Jérusalem titre l’ensemble de
ces trois chapitres : "La fête
des Tentes - La grande révélation messianique, le grand refus".
Là encore c'est d'actualité. "Jésus est-il vraiment l'"Envoyé de
Dieu ?", question qui traverse involontairement parfois notre propre
cœur !
C'est que Jésus apparaît là en cette fête
de Soukkot comme le "rocher de contradiction" dont parlait le
prophète Isaïe : "Il sera un
sanctuaire, une pierre que l'on heurte, un rocher où l'on trébuche !" (8.14).
Prédiction relevée par le vieillard Syméon,
lors de la présentation de Jésus au temple : "Cet enfant doit amener la
chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en
butte à la contradiction..." (Lc 2,34-35), à la contestation comme à Massa et Mériba !
Jésus lui-même
dira selon St Jean : "C'est pour un discernement que je suis venu
en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient
deviennent aveugles". - Des Pharisiens, qui se trouvaient avec lui,
entendirent ces paroles et lui dirent : "Est-ce que nous aussi, nous sommes
aveugles ?". Jésus leur dit : "Si vous étiez aveugles, vous n'auriez
pas de péché ; mais vous dites : Nous voyons ! Votre péché demeure" (Jn 9, 39-41).
"Jésus est-il l’"Envoyé" de
Dieu. ? " Elle se pose toujours, actuellement, cette interrogation, autour
de nous et parfois en nous-mêmes !.
En tous les cas, il est toujours bon de
nous examiner : N’est-ce pas trop souvent le comportement des chrétiens qui
fait que le monde se demande, si Jésus est oui ou non l’"Envoyé"
?
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