jeudi 10 avril 2014

L'Envoyé de Dieu !

5e Carême - Jeudi 14.A        -         (Gn 17, 3-9 - Jn 8, 51-59)

En ce jeudi de la 5ème semaine de Carême, la liturgie nous invite encore à rejoindre Jésus, dans le cadre de la fête de Soukkoth, à Jérusalem dans le Temple ou près de la source de Gihon qui alimente la piscine de Siloë. Siloë vient de la racine du verbe "envoyer". Et, justement, la question demeure toujours, et aujourd'hui encore, cette question qui divise Juifs et chrétiens, qui divise le monde : "Jésus est-il l'Envoyé ?".

Nous-mêmes, nous croyons avoir la réponse !
Cependant, nous avons toujours besoin d'un miracle analogue à celui de l'aveugle-né pour mieux entrer dans les voies de Dieu qui ne sont pas les nôtres. Et la liturgie de ces jours-ci qui nous invite à méditer les chapitres 7ème-9ème de St Jean, nous prépare à la Semaine Sainte consacrée au "scandale de la croix", ce qui amplifie considérablement la question posée : "Jésus est-il l'Envoyé ?

St Paul qui a médité cette question répond de façon catégorique (à sa façon) :
"Le langage de la croix est folie (= ineptie, sottise) pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d'être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu.
Car il est écrit : "Je détruirai la sagesse des sages ; et l'intelligence des intelligents je la rejetterai !" (Cf. Is29.14)...
Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde  ? ... Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens ; mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, le Christ est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes ! ...
Car c'est par Lui (par Dieu) que vous êtes dans le Christ Jésus...
(si vous n'existez pas aux yeux du monde, vous êtes, vous existez dans le Christ)
... qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification et rédemption...(Cf. I Co 1,18-31)

Pour Paul, pour les croyants, Jésus est bien cet "Envoyé de Dieu" promis à Moïse : "Je leur susciterai, lui disait Dieu, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai" (Dt 18.15sv). "Mon enseignement ne vient pas de moi, disait Jésus, mais de Celui qui m'a envoyé !" (Jn 7.15).

Durant la Semaine Sainte particulièrement, nous sommes invités à recevoir cet enseignement de Jésus, en faisant comme lui, en faisant fonctionner notre mémoire de cette manière qui caractérise la littérature biblique.

- Au chapitre 7ème de St Jean, on se pose la question de l’origine du Christ. Il vient de Galilée alors que l’on attend un descendant de David, originaire de Bethléem. Mais Jésus n'est-il pas né à Bethléem ? On l'oublie un peu facilement semble dire St Jean avec un peu d'ironie. Oui, Jésus et né à Bethléem ; il est donc roi, comme David, son ancêtre !

- Par la suite, la discussion qui d’abord avait évoqué la figure de David se concentre sur Abraham (en parallèle avec notre lecture). "Si vous êtes les enfants d'Abraham, dit Jésus aux Juifs, vous feriez les œuvres d'Abraham" (8.39). Or, Abraham a cru à la Parole de Dieu. Il est "notre Père dans la foi", dira St Paul !
"Celui qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieu ; et c'est parce que vous n'êtes pas de Dieu que vous ne m'écoutez pas !" (8.47 que vous ne suivez pas mon enseignement). - "Si vous m'écoutez, vous connaitrez la vérité ; et la vérité vous rendra libres !" (8.32), non pas obligatoirement libres politiquement, socialement, intellectuellement, bref humainement, mais libres à l'égard du mensonge qui a sévit "dès le commencement" (8.44) avec Adam et Eve, et donc libres à l'égard de la mort elle-même, conséquence du mensonge "dès le commencement", à l'égard de cette capacité de vivre en plénitude de la Vie même de Dieu.
Aussi, Jésus ajoute : "Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra pas la mort !" (8.51). Et parce que Abraham, par la foi en la parole de Dieu, a perçu la vie par-delà la mort de son fils, "il a exulté dans l'espoir de voir mon jour. Il l'a vu et il a été transporté de joie !" (8.56). Jésus est bien de la descendance d'Abraham.

Matthieu avait raison de commencer ainsi son évangile: "Généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham" !

- Et on pourrait encore remonter le temps en évoquant la figure de Melchisédech que mentionne le Canon romain de l'Eucharistie.
Mystérieux personnage vers lequel se tourne Abraham.
Mystérieux Melchisédech qui lui apporte le pain et le vin. Il était, est-il dit, prêtre du Très-Haut. Il faudrait relire ici la lettre aux Hébreux (ch. 7ème) qui évoque ce prêtre, ce roi de "Salem", c'est-à-dire "roi de paix", qui est sans père ni mère, autrement dit celui dont les jours sont sans commencement et dont la vie n'a pas de fin.
Jésus est bien le descendant de David, d'Abraham, de Melchisédech, ce prêtre par excellence qui établit la paix entre Dieu et les hommes. Jésus, après avoir offert pain et vin, après avoir donné son corps et répandu son sang, ne dira-t-il pas, une fois ressuscité : "Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix !"

Il me plaît, en terminant, d'imaginer Jésus en ces jours qui précèdent l'accomplissement du mystère pascal.
Durant le jour, il enseignait près de Siloë, près du temple, dans le temple !
Et le soir venu, il passait le Cédron avec ses disciples pour le repos nocturne sur le mont des Oliviers.
Sa pensée devait remonter le temps :
Peut-être gravissait-il le mont des oliviers comme David fuyant la trahison de son fils Absalom.
Peut-être encore, se retournant et pleurant sur Jérusalem (Cf. Lc 19.41), il se souvenait du sacrifice d'Isaac sur le mont "Moriah" (ce mont de la "vision"), ce mont qui, pour les juifs, est devenu "Sion" !
Peut-être aussi pensait-il à ce Melchisédech qui semble symboliser le monde dans son harmonie primitive, à la fois royale et sacerdotale.

Bref, Jésus devait se retourner vers l'Alpha de l'histoire pour mieux prendre la route, avec tout le cortège de l'humanité, vers l'Oméga de l'histoire, la "Cité de Dieu", cette "ville pourvue de fondations dont Dieu seul est l'architecte et le fondateur !" (Cf. Heb 11.10)

Aussi, pouvait-il affirmer : "Avant qu'Abraham fut, JE SUIS !" (8.58).

C'est alors que nous pouvons nous écrier comme le centurion au pied de la croix : "Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu !" (Mth 27.54). Il est monté "vers son Père et notre Père", précisera-t-il.

En Lui désormais, en Dieu est notre vie !

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