5e
Carême - Jeudi 14.A - (Gn 17, 3-9 - Jn 8, 51-59)
En ce jeudi de la 5ème semaine
de Carême, la liturgie nous invite encore à rejoindre Jésus, dans le cadre
de la fête de Soukkoth, à Jérusalem dans le Temple ou près de la source de
Gihon qui alimente la piscine de Siloë. Siloë vient de la racine du verbe
"envoyer". Et, justement, la question demeure toujours, et
aujourd'hui encore, cette question qui divise Juifs et chrétiens, qui divise le
monde : "Jésus est-il l'Envoyé
?".
Nous-mêmes, nous croyons avoir la réponse !
Cependant, nous avons toujours besoin d'un
miracle analogue à celui de l'aveugle-né pour mieux entrer dans les voies de
Dieu qui ne sont pas les nôtres. Et la liturgie de ces jours-ci qui nous invite
à méditer les chapitres 7ème-9ème de St Jean, nous
prépare à la Semaine Sainte consacrée au "scandale
de la croix", ce qui amplifie considérablement la question posée : "Jésus
est-il l'Envoyé ?
St Paul qui a médité cette question répond
de façon catégorique (à
sa façon)
:
"Le langage de la croix est folie (= ineptie, sottise) pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train
d'être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu.
Car il est écrit : "Je détruirai la
sagesse des sages ; et l'intelligence des intelligents je la rejetterai !"
(Cf. Is29.14)...
Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la
sagesse du monde ? ... Alors que les
Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous
proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie
pour les païens ; mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, le Christ
est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu
est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que
les hommes ! ...
Car c'est par Lui (par Dieu) que vous êtes dans le Christ Jésus...
(si vous
n'existez pas aux yeux du monde, vous êtes, vous existez dans le Christ)
... qui est devenu pour nous sagesse
venant de Dieu, justice, sanctification et rédemption.... (Cf. I
Co 1,18-31).
Pour Paul, pour les croyants, Jésus est
bien cet "Envoyé de Dieu" promis à Moïse : "Je leur susciterai, lui disait Dieu, du milieu de leurs
frères, un prophète semblable à toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche et
il leur dira tout ce que je lui ordonnerai" (Dt 18.15sv). "Mon enseignement ne vient pas de moi,
disait Jésus, mais de Celui qui m'a envoyé !" (Jn 7.15).
Durant la Semaine Sainte particulièrement,
nous sommes invités à recevoir cet enseignement de Jésus, en faisant comme lui,
en faisant fonctionner notre mémoire de cette manière qui caractérise la
littérature biblique.
- Au chapitre 7ème de St Jean,
on se pose la question de l’origine du Christ. Il vient de Galilée alors que
l’on attend un descendant de David,
originaire de Bethléem. Mais Jésus n'est-il pas né à Bethléem ? On l'oublie un
peu facilement semble dire St Jean avec un peu d'ironie. Oui, Jésus et né à
Bethléem ; il est donc roi, comme David,
son ancêtre !
- Par la suite, la discussion qui d’abord
avait évoqué la figure de David se concentre sur Abraham (en
parallèle avec notre lecture). "Si vous
êtes les enfants d'Abraham, dit Jésus aux Juifs, vous feriez les œuvres d'Abraham" (8.39). Or, Abraham a
cru à la Parole de Dieu. Il est "notre Père dans la foi", dira St
Paul !
"Celui
qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieu ; et c'est parce que vous n'êtes
pas de Dieu que vous ne m'écoutez pas !" (8.47 que vous ne suivez pas mon enseignement). - "Si vous m'écoutez, vous connaitrez la
vérité ; et la vérité vous rendra libres !" (8.32), non pas
obligatoirement libres politiquement, socialement, intellectuellement, bref
humainement, mais libres à l'égard du mensonge qui a sévit "dès le commencement" (8.44) avec Adam et Eve, et donc libres à l'égard
de la mort elle-même, conséquence du mensonge "dès le commencement", à l'égard de cette capacité de
vivre en plénitude de la Vie même de Dieu.
Aussi, Jésus ajoute : "Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra pas la mort !"
(8.51). Et parce que
Abraham, par la foi en la parole de Dieu, a perçu la vie par-delà la mort de
son fils, "il a exulté dans l'espoir
de voir mon jour. Il l'a vu et il a été transporté de joie !" (8.56). Jésus est bien
de la descendance d'Abraham.
Matthieu avait raison de commencer ainsi son
évangile: "Généalogie de Jésus
Christ, fils de David, fils d'Abraham" !
- Et on pourrait encore remonter le temps
en évoquant la figure de Melchisédech
que mentionne le Canon romain de l'Eucharistie.
Mystérieux personnage vers lequel se tourne
Abraham.
Mystérieux Melchisédech qui lui apporte le
pain et le vin. Il était, est-il dit, prêtre du Très-Haut. Il faudrait relire
ici la lettre aux Hébreux (ch.
7ème)
qui évoque ce prêtre, ce roi de "Salem", c'est-à-dire "roi de
paix", qui est sans père ni mère, autrement dit celui dont les jours sont
sans commencement et dont la vie n'a pas de fin.
Jésus est bien le descendant de David,
d'Abraham, de Melchisédech, ce prêtre par excellence qui établit la paix
entre Dieu et les hommes. Jésus, après avoir offert pain et vin, après
avoir donné son corps et répandu son sang, ne dira-t-il pas, une fois ressuscité
: "Je vous laisse la paix ; je vous
donne ma paix !"
Il me plaît, en terminant, d'imaginer Jésus
en ces jours qui précèdent l'accomplissement du mystère pascal.
Durant le jour, il enseignait près de
Siloë, près du temple, dans le temple !
Et le soir venu, il passait le Cédron avec
ses disciples pour le repos nocturne sur le mont des Oliviers.
Sa pensée devait remonter le temps :
Peut-être gravissait-il le mont des
oliviers comme David fuyant la trahison de son fils Absalom.
Peut-être encore, se retournant et pleurant
sur Jérusalem (Cf.
Lc 19.41),
il se souvenait du sacrifice d'Isaac sur le mont "Moriah" (ce mont de la
"vision"),
ce mont qui, pour les juifs, est devenu "Sion" !
Peut-être aussi pensait-il à ce
Melchisédech qui semble symboliser le monde dans son harmonie primitive, à la
fois royale et sacerdotale.
Bref, Jésus devait se retourner vers
l'Alpha de l'histoire pour mieux prendre la route, avec tout le cortège de
l'humanité, vers l'Oméga de l'histoire, la "Cité
de Dieu", cette "ville
pourvue de fondations dont Dieu seul est l'architecte et le fondateur !"
(Cf.
Heb 11.10)
Aussi, pouvait-il affirmer : "Avant qu'Abraham fut, JE SUIS !" (8.58).
C'est alors que nous pouvons nous écrier
comme le centurion au pied de la croix : "Vraiment,
celui-ci était le Fils de Dieu !" (Mth 27.54). Il est monté "vers son Père et notre Père", précisera-t-il.
En Lui désormais, en Dieu est notre vie !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire