lundi 7 avril 2014

Justice de Dieu !

Carême  5. Lundi   -        (Daniel 13.1sv)

Le livre de Daniel se présente comme l’œuvre d’un prophète contemporain de la captivité à Babylone (6e s.). Epoque affreuse ! Les déportés ne pouvaient plus rendre un culte au “Dieu Unique !“, au "Dieu de Justice", au Dieu qui seul peut "ajuster" toutes choses ; ils ne pouvaient guère "pratiquer la justice" selon la Loi divine reçue par Moïse !

Mais cette dure époque se termine merveilleusement par l'édit inattendu de Cyrus (en 538) qui leur permet de revenir à Jérusalem, de rebâtir le temple, de célébrer la "Loi du Seigneur". Le livre de Daniel fait souvent référence à cette "Loi" pour célébrer le Seigneur, le "seul Juste" qui peut "rendre justice", peut "justifier" !

On sait maintenant que la rédaction de ce livre date de l’époque des persécutions d’Antiochus Epiphane (moitié du 2ème siècle) qui provoqua la révolte des Maccabées. Ainsi le livre de Daniel (dans un style apocalyptique) veut dévoiler (c’est le sens du mot “apocalypse“) quel sera le dénouement heureux de cette nouvelle persécution en méditant sur le temps de l’exil à Babylone ! Comme autrefois, Dieu va révéler sa "justice" sur les forces du mal. Lui, le Juge suprême  va juger, va tout "ajuster" à Lui-même, à Lui, le seul "Saint" ! - c'est le grand objectif de ce livre de "Daniel", prénom qui veut dire : "Dieu juge !" - "Dan-El"

Cette pensée est illustrée par l’épisode de notre lecture, par l’intervention de Dieu, du "Dieu de toute justice" à travers son prophète Daniel, en faveur de Suzanne injustement accusée, persécutée ! Comme le fut le Peuple de Dieu lui-même !

Aussi, le livre se plait à souligner, avec complaisance, l’importance de la Loi…, de la Loi du "Dieu juste" qui conduit l'homme à "faire alliance" avec Lui, seul vrai Juge ! Voilà bien l'important : la manifestation de la "justice divine" !
Et le livre ne s'attarde que secondairement à la probité des juges d'ici-bas ou à leur fourberie. C'est l'attachement - par la Loi de Moïse - à Dieu, seul Juge, qui importe, à Dieu qui seul est le Maître et de l'histoire du monde et de notre histoire personnelle. Car Dieu est le seul Juge impartial, "Dan-El" !

Pour autant, le livre ne veut pas nier la fourberie éventuelle de tout juge et, en général, de tout responsable, qu'il soit représentant de Dieu ou des hommes, peu importe. Notre lecture d'aujourd'hui le prouve suffisamment.
Mais il veut surtout éviter certains écueils, en particulier celui de lier la "justice de Dieu" à la justice d'un homme. La "justice de Dieu" transcende l'homme, transcende toute situation ! Il nous suffit de nous rappeler que nous pourrions être étonnés, comme dit Jésus, de voir les collecteurs d'impôts et les prostituées nous précéder dans le Royaume de Dieu ! (Cf. Math 21.31). L'évangile d'aujourd'hui nous le rappelle également !

Ainsi, lorsque le juge (aujourd'hui un prêtre, voire un évêque..., bref, un responsable divers, peu importe) a des défaillances - et cela peut arriver malheureusement -, trop facilement, on veut confondre la justice de l'homme avec la justice de Dieu, le prêtre, le responsable avec Dieu lui-même pour, en quelque sorte, habituer les hommes finalement à se défier de la justice de Dieu, à se défier de Dieu ! Il me semble qu'à notre époque les mass-médias s'y entendent merveilleusement à faire cette sorte d'amalgame que veut éviter à tout prix le livre de Daniel.
Il en va de notre responsabilité de ne pas prêter à ce genre d'amalgame ! Les situations difficiles qu'a vécues et que vit encore l'Eglise en notre temps à propos de déviances - de mœurs, d'autorité ou d'enseignement - en certaines communautés chrétiennes facilitent grandement cet amalgame. 
Le pape François qui a un grand sens de discernement disait dernièrement dans l'une de ses homélies quotidiennes de ne pas confondre une forme de religion apparemment vertueuse mais trop emprunte de suffisance humaine avec "la Religion chrétienne" qui ne doit être que la manifestation du "don de Dieu" que l'homme ne peut recevoir qu'avec humilité, à l'exemple de Marie ! On dirait que pour le pape, la grande erreur de notre époque, c'est le formalisme rempli d'orgueil !

D'ailleurs, dans l'évangile où, en général, l'intégrité des juges est davantage louée que dans le livre de Daniel, Jésus élève encore le débat. Il entraîne toujours ses auditeurs plus loin, plus haut, sur le terrain de la “Justice de Dieu“. “Dieu ne ferait-il pas “justice“ à ses élus qui crient vers lui, jour et nuit ?“ (Luc 18.7). Une phrase digne du livre de Daniel ! Et le passage de l'évangile d'aujourd'hui nous le redit à sa manière. C'est toujours Dieu qui importe d'abord, et non l'homme. Ne faisons pas inconsciemment d'inversion sacrilège !

“Dieu ne ferait-il pas “justice“ à ses élus qui crient vers lui ?" - Notre prière même pour plus de justice ne doit pas avoir d'abord pour but de rétablir le droit ni l’ordre juste des salaires, des revenus, des impôts, des successions…, etc. “Qui m’a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ?“, demandera Notre Seigneur (Luc 12.14). Cela est de la responsabilité des hommes eux-mêmes, d'autant plus s'ils recherchent d'abord la "justice de Dieu" !

La prière qui ne doit jamais être une sorte de marchandage établit l’ordre moins entre les choses qu’à l’intérieur du cœur de l'homme. La prière, c’est “être avec Dieu“ ; c’est “s’ajuster“ à Dieu. C’est “s’apprivoiser“ à lui comme il s’est “apprivoisé“ à nous en envoyant Jésus, son Fils, parmi nous, afin que nous soyons “justes“ en nous “ajustant“ à lui ! A l’exemple de Daniel, “Dan-El“ : “Dieu m’a jugé“, “Dieu m’a ajusté“, pourrait-on interpréter. Et le reste viendra par surcroît ! "Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et la "justice de Dieu", et tout cela (le reste) vous sera donné par surcroît !" (Mth 6.33).

Cet “ajustement“ du cœur qui “s’ajuste“ à Dieu qui seul “justifie“, dira St Paul, est une force de vie, la force créatrice de l’Esprit Saint qui continue de supprimer les désordres en nous-mêmes d'abord - et par voie de conséquence seulement autour de nous - afin que tous puissent chanter la gloire de Dieu qui fait toutes choses “justes“ !

Car il faut bien le reconnaître : l’homme peut rendre la justice, mais c’est Dieu qui "fait la justice", qui fait toutes choses justes. Dieu fait la justice comme il fait le monde ; Dieu fait toujours la justice comme il recrée le monde en Jésus Christ… qui nous appelle à nous “ajuster“ à Lui pour nous rendre "justes" ! Le Savons-nous suffisamment ? 

Aucun commentaire: