mercredi 30 avril 2014

Enfant de Dieu !

2  Pâques Mardi 2014  -

“Nul, s’il ne renaît d’en haut, ne peut voir le Royaume de Dieu…“, nous a dit St Jean hier. Et aujourd'hui : "Ne t'étonne pas si je t'ai dit : il vous faut renaître" !

Voilà qui apporte une lumière décisive sur la paternité divine à l’égard des croyants.
Dire que Dieu est père, c’est dire qu’il possède la vie en lui-même et qu’il la communique. Jésus ne disait-il pas : “De même que le Père a la vie en lui, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir la vie (et d’en disposer) lui aussi“.

C’est donc par le Christ que les disciples reçoivent la vie divine.
Il est la vie (Jn 1.4 ; 14.6 ; 11.25-26),
le prince de la vie (dira St Pierre - Act 3.15) ;
il donne l’eau vive (Jn 4.10), le pain et la parole de vie (6.35, 48, 63, 68).
Lui-même dira qu'il n'est venu dans le monde que pour cela ! (10.10. Cf. 12.50, 20.31, I Jn 5.11-12)

Oui, Dieu seul possède la vie ; il la communique par voie de génération. Aussi sera-t-il désigné tout à la fois
- comme le “Dieu vivant“ (Cf. Mth 16.16 ; Act 14.15 ; I Thess 1.9 ; Heb 3.12, 9.14, 10.31, 12.22). “Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants“ (Mc 12.27). :
- et comme “Celui qui engendre“ : “Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu ; et quiconque aime Dieu qui engendre aime aussi celui qui est né de Dieu“ (I Jn 5.1).

Dieu avait déjà un Fils qu’il ne cesse d’engendrer, en lui transmettant tout ce qu’il est et tout ce qu’il a (Cf Jn 16.15). A telle enseigne qu’ils ne sont qu’un (Jn 10.30 ; 17.21-22), et que le Fils s’appelle “l’Engendré“ par excellence (I Jn 5.18).
On doit donc comprendre l’engendrement « d’en-haut », par Dieu, comme aussi réel que toute naissance. C’est bien d'ailleurs ce que comprenait Nicodème, supposant qu’il fallait naître “une seconde fois“.

Et plus précisément, il s’agit
- moins de naître - pas plus que le Fils de Dieu ne saurait quitter le sein du Père : “le Fils de Dieu est dans le sein du Père…“ - (Jn  1.18) 
- que d’être continuellement engendré.
D’ailleurs, le verbe “engendrer“ employé par St Jean l’est très souvent avec la préposition “ek“ qui exprime une relation d’origine. C'est le premier sens de l’adverbe “anôthèn“ que l'apôtre a utilisé : “Nul, s’il ne renaît depuis son commencement, (depuis son origine), ne peut voir le Royaume de Dieu…“.

Autrement dit, le chrétien ne cesse d'être engendré, ne cesse de dépendre de son Père, dès le commencement ; il est depuis toujours dans la pensée éternelle de Dieu. Il est en permanence comme porté et alimenté par Dieu, ne recevant sa subsistance que de lui.
Voilà pourquoi St Jean définit l’être chrétien comme l’“être de Dieu“ (Jn 8.47 ; 1 Jn 3.10 ; 4.2-3) ou l’“être du Père (I Jn 2.16). St Paul parlera, lui, de l’“être dans le Christ“. C’est peut-être ce que St Pierre entendait en désignant les baptisés comme des enfants nouvellement nés, toujours nourris et vivifiés par Celui qui les a engendrés (I Pet 2.2).
En tous les cas, “celui qui est engendré par Dieu“ est, pour St Jean, le nom propre du chrétien (Jn 3.8 ; I Jn 2.29 ; 4.7 ; 5.1,4), un nom qui exprime son être profond. C’est également parce que l’enfant de Dieu participe véritablement à la nature de son Père que le même apôtre le désigne par “teknos“ qui veut dir "enfant engendré", de préférence à “uois“, "fils"… car un fils peut être simplement "adopté" ! Non, nous ne sommes pas des "fils adoptés", mais bien réellement "enfants engendrés de Dieu" !

Ainsi donc, la structure des baptisés, si l’on peut dire, est identique à celle du Fils incarné, le Christ que St Paul ose appeler leur "Frère et Premier-né" (Rm 8.29) : “ceux que d’avance Dieu a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que celui-ci soit le Premier-né d’une multitude de frères“ !
“Tel est celui-là, tels aussi nous sommes“, dira St Jean (I Jn 4.7). Le Christ est Dieu et homme ! Le chrétien - autre christ – possède, lui aussi, la nature humaine et la nature divine. Sans doute, dans le Christ, les deux natures sont substantiellement, (“hypostatiquement“, disent les théologiens) unies, alors que le chrétien peut perdre cette “theiotès“, cette divinité qu’il porte au plus profond de lui-même. Mais quoi qu’il en soit de la fragilité de cette éminente noblesse ­- “ce trésor, nous le portons en des vases d'argile(II Co 4.7) -, le chrétien est bien, comme le Christ, un fils de Dieu. “Celui-là“ l’est par nature, celui-ci l’est par engendrement spirituel aussi réel qu’une naissance charnelle.

En conséquence, les chrétiens doivent se manifester dans le monde comme les enfants de Dieu (I Jn 3.10 ; 5.2) : par leur foi, leur charité, leur justice, leur force victorieuse, les doivent pouvoir être identifiés comme engendrés par le Père. La canonisation d'une personne, c'est simplement la reconnaissance officielle d'un "enfant de Dieu" ! Telle doit être la morale essentielle du chrétien ! Une morale filiale : “Cherchez à imiter Dieu comme des enfants bien aimés…, à l’exemple du Christ“ (Ephs. 5.1).

St Paul sera, lui aussi, très net : écrivant aux Galates en 57, il énonce clairement le but de la mission du Christ, de son incarnation à la Rédemption : conférer aux hommes la dignité de “fils de Dieu“ : “Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils… afin que nous recevions l’adoption filiale. Puis donc que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, lequel crie : « Abba, Père ! ». De sorte, tu n’es plus esclave désormais, mais fils ; et si tu es fils, tu es aussi héritier“ (4.5-7).
Cette dernière affirmation sera mieux mise en lumière encore quelques mois plus tard en sa lettre aux Romains : “Tous ceux qui sont mus par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu… L’Esprit lui-même témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ“ (8.14-17).
Il nous faut même remarque que si, d'après l'apôtre, la Présence de l’Esprit est essentielle et concomitante à la constitution de l’“être chrétien“, elle ne le crée point. L’élément formel de l’“engendrement“ est la participation à la qualité de Fils que le Christ possède d’une manière transcendante. Le don de l’Esprit s’ensuit, mais en demeure logiquement distinct.

Selon ces deux textes Gal.. & Rom.), les chrétiens ont un double privilège :
- d’une part, ils ont le droit et la "hardiesse" ("parrhésia") d’appeler Dieu : “Abba“, comme tout fils s’adressant à son père ;
- d’autre part, ils sont les héritiers directs des biens de leur père, comme tous les enfants d’une même famille.  
Même si le nouvel “engendré“ n’a pas, dès le début, la pleine jouissance de ce à quoi il a droit (l’usage de tous ses privilèges), il attend cependant en toute espérance et en toute confiance : “La création attend la révélation des fils de Dieu“ (Rom 8.19).
C’est certain : la filiation divine n’est pas pour St Paul une dénomination plus ou moins extrinsèque, mais bien un don divin, une qualité reçue au plus intime de l’être (dans le cœur - Gal 4.5 -, dans le “pneuma“ - Rm 8.15). Aussi tout chrétien doit agir comme tel, criant à Dieu son amour, sa confiance, étant en quelque sorte à niveau et avec le Fils Unique qui lui donne de partager son âme filiale, et avec l’Esprit-Saint qui stimule sa prière.

C’est merveille de voir comment chaque apôtre cherche à formuler avec plus ou moins de précision et d’expressivité cette doctrine fondamentale de la morale proprement chrétienne : une morale filiale ! Ce qui prouve que l’enseignement vient du Seigneur lui-même, et que ses disciples en ont saisi l’importance. -

En conclusion, retenons bien :
- La condition d'"enfants de Dieu" nous fait, dira St Pierre, “participants de la nature divine“ (2. Pet 1.4). C’est plus qu’une analogie ; c’est une élévation, une transformation de la nature humaine ! Le chrétien entre dans un monde supérieur (sur-naturel), au-dessus de sa nature originelle, le monde de Dieu !
- Si le chrétien est né de Dieu, est son enfant, il doit ressembler à son Père des cieux : “Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait“ (Mth 5.48).

Pour cela, il nous faut la grâce permanente de Dieu. St Thomas d’Aquin précisera : “La grâce est une certaine similitude de la divinité participée par l’homme“ (IIIa 2.10 ad 1). Et il expliquera : “Dieu seul peut "déifier" ("deificet") des êtres, en leur communiquant par une participation de similitude quelque chose de sa nature divine ; de même que seul le feu peut mettre un corps en état de combustion…!" (Ia IIae 112.1). Soyons donc accueillants à la grâce de Dieu.

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