5e
Dimanche de Carême 14.A
Il ne se passe pas une année sans que la
mort vienne faucher un enfant, un jeune, un père ou une mère
de famille..., ou bien un être très aimé. Et notre conscience se cabre parfois
: "Pourquoi ? Pourquoi lui, pourquoi
elle ?".
Et lorsque cette mort nous atteint ainsi
durement, lorsqu'elle prend les proportions effroyables de la guerre ou d’un
cataclysme, nous sentons qu'elle pourrait faire vaciller notre foi : “Si Dieu existait, il ne le permettrait pas
!”. Oui, la mort n'est-elle pas le fait le plus lourd et le plus présent de
toute existence ?
Jésus a connu le choc de la mort. Il en a connu le
trouble : deux fois, dans cet Evangile, il est dit qu'il "frémit".
Et devant le tombeau, Jésus “pleura”.
Pourtant, Jésus va prendre une attitude
inouïe. Jusque devant la mort, il va avoir l'audace d'y chercher la gloire
de Dieu !
Certes, nous avons tous fait cette
expérience : lors d'une grande adversité, à l'occasion d'un deuil pénible, si
quelqu'un se met au service de ceux qui sont ainsi fragilisés, on sent passer, malgré
tout, comme un courent de vie, là même où la mort semble régner. Le
moindre geste de solidarité, d'amour réchauffe et ranime !
Oui, cela est vrai ! Mais Jésus, lui, va
créer du nouveau ! Devant le tombeau de Lazare, il va transformer le sens
de l'événement. Il va changer la mort, comme il peut créer la vie : "Tout fut créé par lui... En lui était
la Vie !" (Jn
1.1).
Déjà, à l'annonce de la maladie de son ami,
il avait eu cette réaction étrange : “Cette
maladie ne conduit pas à la mort !”...
Quand il part enfin, après deux jours d'attente, il dit : “Notre ami Lazare repose ; je vais aller le
réveiller..!”. Et il avait fait à ses compagnons cette réflexion inattendue
: “Cette maladie... est pour la gloire
de Dieu !”. Et à l'instant où il demande qu'on enlève la pierre du
tombeau, quand Marie redoute de voir un mort, Jésus répond : “Si tu crois, tu verras... la gloire de
Dieu !”.
Jésus va faire surgir l'inattendu ; il
va recréer la vie, la recréer toute neuve. Cette nouveauté stupéfiante, il
la pressent, il commence de la créer, il l'appelle dans une vibration étonnante
de tout lui-même devant Celui qu'il appelle “Père”. Il pleurait tout à l'heure,
et voici maintenant qu'il va crier d'une voix forte : “Lazare, sors !”. Et tout ce récit va vers l'affirmation finale : “Beaucoup de Juifs crurent en lui !”,
c'est-à-dire, ont repris vie avec lui, en lui !
Cet évangile, cette “bonne nouvelle” du
sursaut de Lazare dans son tombeau invite à reconnaître en Jésus celui qui
rend vie par-delà la mort, celui qui est vainqueur de toute mort, de toutes
les épreuves que nous pouvons traverser.
Cette scène fascinante provoque à "jouer"
le tout de sa vie - et de sa mort - avec Jésus ! “Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais !”.
Jésus vient ranimer ceux d'entre nous
qui se croient vivants alors qu'il sont morts.
Car, pour tous les hommes, la vie
biologique n'est que le support de ce qui fait vraiment la “vie” : croire
en Jésus et agir comme lui, c’est-à-dire aimer, être aimé, participer à la
recherche d'une vie meilleure, dont le dynamisme est en Dieu seul.
Oui, Jésus vient ranimer en nous la VIE
!
Et pour être un véritable “vivant”, il faut
sans cesse se réveiller, sortir de soi, se laisser stimuler par
Jésus lui-même, le “Vivant”, élargir son regard et son univers de
préoccupations, se mettre au service du Royaume, donc de Dieu et des autres. La
mort ne commence-t-elle pas avec le "rétrécissement" de l'homme, de
son cœur ?
Oui, Jésus vient sans cesse réveiller
notre vie ; il la ranime et la ressuscite sans cesse, jusqu’au jour
éternel. Car la vie éternelle, sa Vie, est déjà en nous, signifiée par notre
baptême. Jésus devient de plus en plus la Vie de notre vie ! "Ce n'est plus moi qui vis, disait
St Paul, c'est le Christ qui vit en moi
!". Il vivait et voulait vivre de la vie du Christ !
Paradoxalement, c'est après avoir appris le
retour de Lazare à la vie que les chefs juifs décident la mort de Jésus. On ne
peut pas tolérer qu'il bouleverse à ce point la vie et la mort. Et les forces
de mort ne savent que tuer.
La construction du récit est d'une
subtilité significative : la résurrection de Lazare va conduire Jésus à
la mort, mais elle annonce aussi sa propre résurrection.
Cet évangile anticipe ce qui va arriver à
Jésus, et par lui ce qui va arriver à l'humanité. Jésus déchire
l'ombre de la mort qui recouvre la suite immense de toutes les générations.
Le désir d'immortalité est fragile en l'homme ; mais le cri pathétique de
Jésus nous apprend qu'au-delà du tombeau, l'homme peut vivre.
St Paul nous le dit : nous sommes déjà
ressuscités, si nous vivons, en le sachant ou non, selon l'Esprit de
Jésus. Mais Dieu, dans la discrétion de son amour, ne nous donne pas une
sorte de possession facile de notre condition de ressuscité : c'est en
vivant de lumière et d'amour que nous “pressentons” l'actualité inépuisable de
la vie éternelle, l'horizon divin de notre vie plus vrai que l'horizon de
la mort.
A tout homme, aux groupes, aux nations, aux
civilisations dont nous savons qu'elles sont “mortelles”, à l'humanité tout
entière, à l'Eglise elle-même, Jésus crie : “Viens dehors !” Il nous
appelle à faire reculer les frontières de l’impossible, la mort elle-même, à
recevoir son ambition sur l'homme jusqu'au-delà de la mort, à faire éclore la
Vie, la Vie même de Dieu en nous ! Et tel est bien le sens de notre baptême
et de toute consécration religieuse.
Et n'est-ce pas aussi le sens de notre
participation à l'Eucharistie : le Christ est mort ; mais il est vivant. Et
il redonne vie ! Nous ne pouvons comprendre cela qu'avec grande humilité
qui devient alors comme un réceptacle de la VIE que la Christ est venu nous
donner en son mystère pascal que nous allons célébrer prochainement.
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