Pâques
–Mercredi - (Luc 24.13sv)
A l'écoute de notre évangile d'aujourd'hui,
il faudrait se taire et laisser chaque parole déverser en notre cœur cette
assurance pascale : "LE CHRIST EST RESSUSCITE !".
Cet évangile est, selon la l'expression que
j'employais lundi dernier, comme le "point focal" de la lumière du
matin de Pâques qui concentre tous les rayons du passé pour les projeter, en le
traversant, vers l’avenir, vers notre avenir à construire avec le Christ !
Il s'agit d'une rencontre sur la
route. Le déroulement en est très construit, dans un parallèle d'oppositions.
D'une
part,
deux disciples vont de Jérusalem à Emmaüs, mais leurs yeux sont empêchés de
reconnaître Jésus qui fait route avec eux. Ils sont désemparés, découragés !
D'autre
part,
leurs yeux s'ouvrent et, dans un éclair, ils reconnaissent le Seigneur ; mais,
Lui, Jésus, leur devient alors invisible ! Tout joyeux, vers Jérusalem ils
remontent en racontant leur radieuse rencontre !
C'est
un récit très construit dont St Luc a le secret ! Le célèbre Renan disait
que ce texte est le plus beau morceau de littérature qui n’ait jamais été
écrit.
Il
s'articule autour de deux signes majeurs : la parole et le repas.
C'est à partir de ces signes que les disciples passent du doute à la foi, du
découragement à l'espérance, de la fuite à la mission.
De
plus, nous avons là un modèle de catéchèse en trois temps :
- le
temps de la parole sur la route,
- le
temps du sacrement à l'auberge d'Emmaüs,
- et le
temps de la conversion et du témoignage avec le retour à Jérusalem.
Emmaüs, notre route. Ceci se passait à
Emmaüs, nous dit Luc, à deux heures de marche de Jérusalem.
Mais où
se trouve Emmaüs ? La localisation en est incertaine. On a répertorié deux ou
trois et même quatre "Emmaüs", selon les circonstances historiques
qui imposèrent des changements d'itinéraire pour venir de la Méditerranée à
Jérusalem...
Peu
importe d’ailleurs, car, finalement pour St Luc, Emmaüs est moins un lieu
géographique qu’un cheminement, un itinéraire spirituel ! Vous me
retrouverez, disait Jésus, sur la route de Galilée, "carrefour des nations", autrement dit sur les routes du
monde, sur notre propre chemin !
Emmaüs est partout où le Seigneur Jésus
révèle sa présence :
Pour
Paul, ce fut le chemin de Damas ;
Pour
Claudel, derrière un pilier de Notre-Dame de Paris…
Et
pour nous ?
Emmaüs est là, chaque fois que Dieu nous fait signe sur la route de la vie,
tandis que nous avançons, croyants parfois incertains, chercheurs de Dieu dans
le doute et quelquefois dans la nuit. Le Christ est souvent sur notre chemin.
Mais savons-nous
le reconnaître ? Pourtant, ce que facilement on appelle "hasard",
c'est souvent le Christ qui arrive mais incognito, comme il le fit pour les
deux disciples sur la route d'Emmaüs. Il nous faut le reconnaître !
Oui,
prenons le chemin d'Emmaüs, celui de nos questions et de nos doutes, et apprenons
comment Jésus nous y rejoint, nous éclaire, réchauffe notre cœur et nous assure
de sa présence.
Le signe des Ecritures Le premier temps de
la rencontre est celui de la parole sur la route…
Alors
que toute la vie de Jésus est présentée par Luc comme une marche, une
"montée" vers Jérusalem, la ville sainte, voici que les deux
disciples désespérés lui tournent le dos. Autrement dit, toute l'aventure vécue
avec Jésus et l'immense espoir soulevé dans leur cœur, se termine dans l'échec
de la croix. Jésus est mort. C'est fini.
Mais
sur cette route du désespoir, Jésus s'approche, marche avec eux.
Jésus
fait redire aux deux hommes ce qu'ils ont sur le cœur, ce qu'ils viennent de
vivre ; Il leur pose des questions et, à partir de leurs réponses, il leur
propose une autre lecture des évènements. Il
les invite à tout relire "selon les Ecritures" et non plus selon
leur attente très limitée et trop humaine, celle d'un libérateur politique et
triomphant. Tandis qu'Il cite Moïse et les prophètes, ils comprennent que le
Messie annoncé devait souffrir avant d'entrer dans la gloire de Dieu. Alors, la
croix n’est plus un échec, mais une preuve suprême d'amour. A la lumière de
la Parole de Dieu, tout prend un autre sens ; et un avenir s'ouvre devant
eux... Ils se reprennent à espérer.
Pour
nous aussi, la Parole de Dieu doit éclairer ce que nous avons à vivre d'une
lumière toujours nouvelle…
Le signe du repas Marchant avec leur
mystérieux compagnon sur la route d'Emmaüs, nos deux disciples sont déjà
intérieurement "retournés" : le "signe de la Parole" les a
déjà fortement éclairés.
C'est
alors qu'intervient le "signe du repas". C'est là que se fait
la reconnaissance. En rompant le pain avec eux, Jésus pose le signe de
l'alliance, le signe de la cène…
L’intelligence
de la foi, éclairée par les Ecritures, les illumine d’un éclair
fulgurant : cette fraction du pain,
c’est
celle du repas de la Cène,
c’est
encore celle de la multiplication des pains,
c’est
celle du repas que Dieu donnait à son peuple dans le désert, avec la manne…,
c’est
celle du repas que le Christ ne cessera de donner, à travers les siècles, à
tous ses disciples pour leur transmettre sa vie, sa vie de Ressuscité !
C'est
ce geste qui leur ouvre les yeux, ce geste qui est un "sacrement"
de l'invisible, le "sacrement" d’une présence. C'est par ce signe,
désormais, que le Christ reste avec eux. Ils le reconnaissent à la fraction
du pain... !
Conversion et témoignage Vient alors le troisième temps, celui de la
joie retrouvée, de la joie à annoncer. Après avoir eu le cœur “retourné“ par
les Ecritures, par la "Parole" de Jésus au moment de la fraction
du pain, ils "retournent" à Jérusalem tout joyeux ; et ils
annoncent : "c'est vrai, le
Seigneur est ressuscité !"
Nous
aussi, ayant reconnu la présence du Ressuscité, nous sommes invités à toujours reprendre
la route pour annoncer la Bonne Nouvelle à tous ceux qui cherchent dans
la nuit ou qui pensent que leurs chemins ne mènent à rien…, à tous ceux qui se
découragent...
Et
ceux-là ne sont jamais aussi éloignés que nous le pensons ! C'est peut-être
parfois notre frère, notre sœur !
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