Jeudi
Saint 2014 :
Dans l'Antiquité chrétienne, au moment de
la communion, il y avait cette annonce
lapidaire : “SANCTA sanctis !” Littéralement : Les saints aux saints.
Entendons : les saints mystères sont destinés à ceux qui sont saints.
A cet énoncé, on peut rattacher la parole
de Jésus : “Ne donnez pas aux chiens ce
qui est sacré, ne jetez pas vos perles devant les porcs”. (Mt 7,6).
Et St Paul d’avertir également, juste après
le passage de sa première lettre aux Corinthiens qui vient d'être lu : “Quiconque mange le pain ou boit la coupe du
Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur”.
Ceci a de quoi nous faire trembler. Lequel
d'entre nous, ce soir, peut prétendre être saint pour s'approcher du Saint
Sacrement du corps et du sang de Jésus ?
Nous sommes tous de “pauvres pécheurs”,
comme on le reconnaît quand on s'adresse à Marie l'Immaculée : "Priez pour nous, pauvres pécheurs
!". Mais, précisément, si nous nous reconnaissons tels en
avouant nos fautes, en les condamnant, en les désavouant, nous sommes prêts à
nous approcher humblement du médecin de nos âmes.
Jésus ne nous a-t-il pas dit également : “Ce ne sont pas les gens bien portants qui
ont besoin du médecin, mais les malades” (Mt 9,12).
L'Eucharistie n'est pas la récompense
réservée aux purs ; elle est le fortifiant pour les malades, le viatique pour
la route, la consolation d'une présence ineffable pour le croyant conscient de
sa faiblesse.
Avant d'instituer l’Eucharistie, offrande,
avant comme après, de l'unique sacrifice du Calvaire, Jésus prend soin de laver
les pieds de ses disciples.
Or, St Jean, quand il introduit la dernière
Cène qui sonne "l'Heure de Jésus", omet le récit de l'institution de
l'Eucharistie pour donner toute la place au lavement des pieds.
Comme s'il voulait montrer la profonde
vérité de la demande inlassablement reprise du Psaume (50) : "Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur ;
lave-moi et je serai blanc plus que la neige”.
Comme si le "lavement des pieds",
considéré dans la primitive Eglise comme un sacrement, était indispensable pour
participer au Saint Sacrement de l'Eucharistie !
Pierre - et nous lui ressemblons souvent -
s'offusque de voir son Maître lui laver les pieds, ce qui ne lui paraît pas
convenir à sa dignité de Seigneur !
Il ne comprend pas que Jésus est venu pour
nous laver, nous purifier : “Si je ne te
lave pas, lui dit Jésus, tu n'auras
pas de part avec moi !”.
Autrement dit : tu ne peux communier à
cette "Offrande" de moi-même que je vais accomplir pour le salut du
monde entier, tu ne peux être en communion avec moi ! Aussi, entier comme il
est, Pierre en redemande : “Alors,
pas seulement les pieds… !”.
Jésus explique : “Quand on vient de prendre un bain, on n'a pas besoin de se laver : on
est pur tout entier !”.
Le bain lave entièrement : C'est un
plongeon, c'est un baptême. Celui que nous propose Jésus est celui de tout
son Mystère pascal, en lequel nous entrons solennellement par cette messe du
Jeudi saint ; il culminera au cœur de la Vigile pascale, quand nous renouvellerons
les promesses de notre baptême.
Voilà ce qui nous rend purs, ce qui nous
sanctifie en profondeur. Devant Dieu, c'est toujours notre condition de
pécheurs qui prime, bien plus que nos satisfactions plus ou moins orgueilleuses
de nos soi-disant bonnes actions... !
Voilà ce qui nous rend dignes, purs, malgré
nos défaillances ! Ce fut l'objet de la Prière sacerdotale du Christ,
cette sorte de Préface qu'il a chantée à Dieu, son Père, avant d'aller à sa
Passion : “Sanctifie les dans la vérité.
Ta Parole est vérité, Pour eux, je me sanctifie moi-même, afin qu'ils soient,
eux aussi, sanctifiés dans la vérité” (Jn 17,17-19).
Le Christ est saint, il est “le Saint de Dieu” (Mc 1,24). Que peut donc
signifier cette formule : “Pour eux, je
me sanctifie moi-même ?”. Se sanctifier pour Jésus, ce n'est pas devenir
plus saint qu'il n'est, mais c'est aller, par tout son mystère pascal, jusqu'au
bout de l'amour en son humanité : Il nous offre au Père, pour qu'avec lui nous
nous offrions nous aussi, en étant purifiés.
La sainteté, nous la recevons dans ce
mystère pascal du Christ : Jésus nous plonge, pour nous rendre purs, dans
l’immense amour du Fils pour le Père et pour nous, afin que nous rendions
humblement amour pour amour. On le demandait dans la prière d'ouverture : “Puissions-nous puiser dans ce si grand
mystère la plénitude de la charité et de la vie”.
Telle est la source de la sainteté
véritable ; en sommes-nous conscients ?
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