mardi 8 octobre 2013

Universalité du salut

8-9-10 Octobre 2013   - Jonas : prophète, livre et "signe" !

Hier, c'était la fête de "Notre-Dame du Rosaire, fête qui commémore la célèbre victoire de Lépante, le 7 octobre 1571, victoire qui libéra l'"Occident de la menace turque. Et le pape Grégoire XIII attribua cette inattendue victoire à la récitation du Rosaire.
Outre ce fait historique, le Rosaire, sous l'impulsion de St Dominique, est devenu la prière contre toutes les forces du mal. Le pape Jean-Paul II écrivait : "Ô Rosaire béni par Marie, douce chaîne qui nous relie à Dieu, tour de sagesse face aux assauts de l’enfer..., tu seras notre réconfort à l’heure de l’agonie".
Et il insistait souvent : étant la Mère du Rédempteur venu sauver tous les hommes, Marie est la Mère de tous les hommes sans exception. Aussi veut-elle le bonheur et le salut de tous les hommes !

Or, - coïncidence de notre année liturgique - pendant les trois premiers jours de notre 27ème semaine du temps ordinaire, en ce "mois du Rosaire", nous sommes invités à relire le livre de Jonas, le livre le plus universaliste qui soit, ce livre qui annonce la conversion des païens de l'est comme de l'ouest !

Dans la Bible, il faut distinguer : le prophète Jonas - le livre de Jonas - et le "signe de Jonas" dont il est question dans les évangiles de Matthieu et Luc.

Il y a bien un Jonas historique qui a droit à quelques lignes dans le 2ème livre des Rois. Il vécut dans les années 750 (av J.-C.), au temps de Jéroboam II en Israël, à l'époque d'Amos et d'Osée. Ce roi, est-il dit, "fit ce qui déplaît au Seigneur ; il ne se détourna pas de tous les péchés de Jéroboam où celui-ci avait entraîné Israël". Pourtant on signale : "C'est lui qui recouvra le territoire d'Israël, depuis l'Entrée de Hamat (au nord) jusqu'à la mer de la Araba (mer rouge), selon ce que le Seigneur, Dieu d'Israël, avait dit par le ministère de son serviteur, le prophète Jonas fils d'Amittaï, qui était de Gat-Hépher. On évoque cependant une possible et vague raison à cette déconvenue : "Car Dieu avait vu la très amère détresse d'Israël ! ". (Cf. 2 R. 14.23-25).
C'est quand même le comble de l'incompréhension ! Voilà un roi pécheur… qui est comme récompensé… et cela selon le prophète Jonas de Gat-Hépher (près de Nazareth). On ne sait rien de plus de ce paradoxe posé par Jonas… Et comme on n'en sait rien de plus, on peut lui faire dire beaucoup de choses.

Et justement, voilà le "livre de Jonas" qui apporte un élément de réponse !
Ce livre a été écrit au retour de l’exil, au temps où Esdras et Néhémie étaient préoccupés de sauvegarder l’identité de ce que les prophètes appellent le "Reste d’Israël", "Reste" composé de ces Israélites fervents qui avaient profité de l’édit de Cyrus pour revenir de l’exil de Babylone. Ils ne formaient qu’une petite élite habitant un tout petit canton de l’immense empire perse.
Au milieu de difficultés sans nombre, pris par des soucis de subsistance au quotidien, ils perdaient courage, tendant à perdre de vue le but principal de leur retour : la restauration d’un peuple fidèle à l’Alliance regroupé autour d’un Temple reconstruit.

La liturgie nous a fait écouter les voix prophétiques qui se firent entendre à cette époque pour ranimer leur courage. Aggée et Zacharie notamment, avec Esdras et Néhémie, préconisaient un exclusivisme farouche, prêchant une vénération de la Loi et une obéissance méticuleuse aux observances, allant jusqu’à prendre des mesures presque inhumaines vis à vis des femmes étrangères : ils voulaient qu’on les chasse avec leurs enfants !
Et vous vous rappelez comment Dieu tempéra le zèle de ces israélites en faisant tomber une grosse averse qui força l'assemblée à surseoir à l’exécution de ces décisions.

Et justement, le "livre de Jonas" nous montre que Dieu a d’autres moyens de rétablir son Alliance que ces mesures farouches d’exclusivisme qui mettaient en question la vocation universaliste du peuple élu, vocation déjà signifiée à Abraham : "Par toi, se béniront tous les clans de la terre !" (Gn 12,3).

Ce livre est une merveille de ce qu’on appelle le "style anthologique" : à chaque verset, il y a une allusion à des textes supposés connus, textes bien antérieurs au livre de Jonas. Le but de l'auteur, manifestement, est de mettre un bémol, de tempérer et d’équilibrer la tendance dominante de ce peuple tenté de se refermer sur lui-même et d'entretenir, de ce fait, plus ou moins consciemment, des sentiments de supériorité et d’autosatisfaction.

Ainsi, le livre montre que les païens de l'époque... - qu’il s’agisse des marins du bateau phénicien sur lequel Jonas s’embarque pour aller à Tarsis, qu’il s’agisse des Ninivites à l’autre extrémité du monde -, ces païens peuvent avoir des leçons à donner aux Israélites revenus d'exil. Eux aussi, encore mieux peut-être que les Hébreux, écoutent les prophètes et se convertissent au Dieu Vivant.

Ici, nous sommes peut-être à une grande étape d'une "théologie de la Parole de Dieu" qui évolue : on distinguait les prophéties de bonheur et les prophéties de malheur. Si un prophète fait des prophéties de bonheur qui ne se réalisent pas, alors, c'est un farceur. Mais, affirme le livre de Jonas, s'il s'agit de prophéties de malheur qui ne se réalisent pas, c'est que - peut-être, après tout - les hommes, s'étant repentis, Dieu n'a plus de raison d'exécuter ses menaces. Et plus tard, on ira même encore plus loin : quand Dieu fait des prophéties de malheur, c'est pour n'avoir pas à les réaliser. Car Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ! Autrement dit, en notre langage : si Dieu parle d'enfer, c'est pour que l'on y aille pas !

Naturellement, le brave Jonas du livre a du mal à comprendre ! Mais Dieu - avec beaucoup d'humour - va l'aider au point que tout le livre frôle la pensée universaliste des évangiles. Oui, ce livre est d'une grande théologie humoristique ! Dieu ne parle pas toujours avec les termes d'une théologie dogmatique, morale, mystique..., mais avec le langage et le sourire d'un père de famille, avec humour. Malheureusement, la théologie humoristique de s'apprend pas. C'est bien dommage !

Et dans ce livre plein d'humour, on voit que Dieu s'arrange toujours, "s'amuse" si j'ose dire, pour que son message d'amour pour l'homme se manifeste - humour grinçant du coup - au milieu de courants de pensée antagonistes qui apparaissent totalement opposés alors qu'ils sont souvent parallèles ! Mais ils ne peuvent apparaître parallèles qu'à un certain niveau de l'intelligence de la foi en un Dieu qui ne veut, lui, écarter personne !

Autrement dit, il faut avoir des convictions ! Certes ! Mais il faut en même temps respecter celles des autres pour mieux les éclaircir, y trouvant une part de vérité !
A l'époque où Esdras et Néhémie sont inspirés, on leur envoie un seul prophète, un tout petit prophète qui enseigne que même les païens peuvent radicalement se convertir, alors que le peuple, à cette époque-là, a encore beaucoup de progrès à faire !
Il me semble qu'on peut apprendre beaucoup de ce petit livre ! Car on est tous aux prises avec des courants antagonistes qui nous entraînent à être, comme l'on dit, soit "intégristes", soit "progressistes" - mots barbares ! -, alors qu'il s'agit, avant tout, d'acquérir une foi assez intelligente pour être sans cesse, tous ensemble, des "progressants" en l'amour de Dieu pour tout homme.

Et Jésus lui-même va en déduire ce qu'il appelle "le signe de Jonas". Il y a des textes que l'on ne souligne pas suffisamment, me semble-t-il, dans les évangiles. Ce sont des textes qui parlent de la conversion des païens.
Car Jésus se trouve très peu en Judée, pratiquement pas en Samarie, mais en Galilée et aussi dans la Décapole, terre païenne, à l'est ; il se rend vers Tyr et Sidon, à l'ouest, pays autrefois juif, mais devenu païen depuis que Salomon avait vendu les terres de cette région au roi Hirram pour acheter des matériaux en vue de la construction et de son palais et du temple (Cf. I Rois 9.10sv).
Et encore, Jésus emmène ses apôtres vers le nord, jusqu'au pied de l'Hermon, aux sources du Jourdain, à Dan, terre païenne s'il en fut ! Et c'est là que l'Eglise est fondée !
A la Synagogue de Nazareth, Jésus avait parlé des veuves de Sarepta - de l'une d'entre elles qui étaient païenne ! -. Il avait fait mémoire de Naaman, le Syrien. Cela avait déclenché un drame qui faillit déjà lui coûter la vie !

Voilà "le signe de Jonas" qui s'exprimait, s'explicitait : la conversion des païens ! "Ce peuple demande un signe. De signe, il ne lui sera pas donné sinon le signe de Jonas" : garder son identité tout en intégrant. Ce fut le grand travail de tous les missionnaires !

Marie a certainement beaucoup médité ce "signe de Jonas", elle qui était présente au moment de la Pentecôte où l'Esprit-Saint envoie les apôtres porter la "Bonne Nouvelle" du salut pour tout homme jusqu'aux extrémités de la terre !

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