jeudi 3 octobre 2013

Dame Pauvreté !

4 Octobre -   St François d'Assise.

Que dire de François d'Assise en quelques mots ?
D'autant que sa jeunesse est parsemée de frasques plus ou moins truculentes !
D'autant que sa vie d'adulte est parsemée de détails "charismatiques", diront certains, mais très fantasques également.
D'autant que l'Eglise de son temps était traversée de courants hétéroclites plus ou moins orthodoxes autant que la nôtre sinon plus !
Mais en tout cela, François manifeste son attachement à "Dame Pauvreté" qui le dépouille de tout pour mieux adhérer au Christ qui lui-même s'est humainement abaissé pour nous enrichir de sa vie divine ! Et si François peut parfois nous dérouter, sachons qu'avec lui, disciple du Christ encore plus déroutant, cette déroute se transforme en victoire !

"Considérons tous, mes frères, disait Frère François, le Bon Pasteur qui a enduré la souffrance de la croix pour sauver ses brebis !
Les brebis du Seigneur l'ont suivi dans la tribulation et la persécution et la honte, la faim et la soif, dans l'infirmité et la tentation et les autres épreuves ; et pour ces peines, elles ont reçu du Seigneur la Vie éternelle !
Aussi, c'est une grande honte pour nous, serviteurs de Dieu : les saints ont fait ces œuvres ; et nous, en les récitant et en les prêchant seulement, nous voulons en recevoir honneur et gloire !" - "Comme si nous les avions faites nous-mêmes !". "Misère de nous !".

Celui que Dante appelle "un Soleil" (Paradis XI.50) naquit vers 1182 à Assise, dans cette Ombrie d'une beauté rustique mais si prenante ! Son père était riche ! C'était, diraient certains aujourd'hui, un capitaliste de son temps ! Il devait son argent à la laine, au drap ! Il voyageait souvent en France, un pays qu'il aimait beaucoup, ainsi que sa langue qui alors était internationale ! Aussi voulut-il nommé son fils "Francesco" - "français" ! Et François, comme son père, aima notre langue avec laquelle, volontiers, il s'adressait à Dieu dans ses prières !

Son père voulait, bien sûr, initier son fils, puis l'associer, à ses affaires. Mais le fils du marchand âpre au gain, se montrait, lui, mille fois plus habile à dépenser l'argent qu'à le gagner selon les règles du négoce ! Fantaisiste, farceur, il menait, en joyeuse compagnie, des farandoles folles qui se terminaient parfois par des frasques retentissantes ! Au reste, cependant, ce prodigue ne boudait l'aumône ! A ce prince charmant, de santé un peu faible, ses parents passaient ses fredaines. Il faut bien que "jeunesse se passe !".

Mais les temps sont durs ! L'Italie était en proie à des luttes politiques, sociales, économiques. François en subit moult conséquences plus ou moins importantes. Il fut fait prisonnier à Pérouges..., tomba malade..., puis part cependant en expédition vers les Pouilles... Toutes ces circonstances le font réfléchir. Et le Seigneur préparait ainsi l'âme de son disciple !

Il revint au pays natal. Ses amis lui font fête, lui donnant le "sceptre des fols" ; mais il reste en arrière et comme figé. "Qu'as-tu donc ?", lui demande-t-on. Et on plaisante : "Ne voyez-vous pas qu'il songe à prendre femme ?". - "Oui, réplique François avec un sourire qu'on ne lui connaissait pas, je songe à prendre femme. Elle est si belle, si riche, si pure que vous ne vîtes jamais sa pareille !".

Dès lors, toute vouée à Dame Pauvreté, sa vie changea, devint sérieuse, retirée, habile à aider les pauvres. Et voici comment une dernière victoire le sacra chevalier du Christ qui fut pauvre mais désormais glorieux : il chevauchait et brusquement, au détour d'un chemin, il se trouva face à un lépreux. D'instinct, il tourna bride. Mais ce recul lui fit honte : il revint vers le malheureux, sauta de cheval, lui donna tout l'argent qu'il avait sur lui, et lui baisa la main, cette main déjà stigmatisée par la pourriture !

C'était en 1206. Et vous connaissez la suite. Son père, furieux, somme son fils de se prononcer sur l'avenir qu'il désire choisir devant l'évêque puisqu'il se réclame de lui, et devant les représentants de la ville. François ne dit rien, sortit quelques instants et revint pratiquement nu, rendant à son père ses hardes et l'argent qu'il avait !

Je ne peux m'étendre sur le reste de sa vie : la fondation des "frères mineurs", appelés tels par esprit de pauvreté... et d'humilité ; sa rencontre avec la jeune et belle Claire qui l'admirait depuis sa conversion. Elle décida elle aussi, de servir Dieu sous ses ordres. C'était en 1212.

François était un enthousiaste, un poète à la sensibilité extrême, à la délicatesse merveilleuse. Il avait faim de Dieu, d'absolu. Il était sûr de trouver ce qu'il cherchait dans l'application de l'Evangile pris à la lettre. Ce "littéralisme" qui, pour le monde, est une folie, le Christ ne le demande pas à tous. Il respecte nos oreilles peu formées encore à entendre la musique de l'au-delà. Mais les saints, eux, - tel François - savent déjà percevoir les mélodies harmonieuses de la cantate céleste. Et ils ne peuvent qu'accorder toute leur vie aux vibrations des harmoniques de la mélodie divine.

C'est, me semble-t-il, ce que sut magnifiquement exprimer François dans les derniers temps de sa vie ici-bas par ce que l'on appelle le "Cantique des créatures".

Blessé d'amour, l'oiseau de Dieu chanta son Créateur :

"Très haut, tout puissant, bon Seigneur, à toi sont les louanges, la gloire et l'honneur et toute bénédiction.
Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures, spécialement messire le frère Soleil qui fait le jour ; et tu nous illumines par lui. Il est beau et radieux avec grande splendeur : de toi, le Très-Haut, il porte témoignage !
Loué sois-tu, mon Seigneur pour sœur Lune.. ! ...
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent... !
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Eau qui est bien utile et humble, précieuse et chaste !
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Feu... Il est beau et joyeux, et robuste et fort !
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur Mère Terre qui nous soutient et nous nourrit... !".

Et comme le premier magistrat de la ville d'Assise, le Podestat, était en conflit avec l'évêque, François ajoute cette strophe :
"Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent pour l'amour de Toi, et soutiennent infirmité et tribulation. Heureux ceux qui persévèrent dans la paix, car par Toi, Très-Haut, ils seront couronnés".
Et le prestige du bon petit Pauvre, du jongleur de Dieu, était tel que cette poésie inspirée, chantée devant les antagonistes et les gens d'Assise, amena une réconciliation générale.

Enfin, lorsque la mort se fit proche, François composa cette suprême strophe :
"Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur Mort corporelle, à laquelle nul vivant ne peut échapper... !".

François d'Assise, a-t-on dit, paraît avoir, parmi les saints, quelque chose d'unique. Il semble - et ce n'est pas à cause de ses stigmates qui sont effet et non pas cause - il semble que nul n'a été plus semblable au Christ, au moins par ce désir de lui conformer, même extérieurement, toute sa vie !

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