28e T.O. 13.
Lundi (Rm 1.1-7)
Nous abordons aujourd'hui la lettre de St Paul
aux Romains, lettre longue et parfois difficile à telle enseigne que pour
Luther, selon le P. Lagrange, cette lettre "a
été le point de départ de la Réforme". Et c'est en l'expliquant que Calvin
prépara la seconde édition de l'"Institution
de la Réforme chrétienne" (1539)
où se trouvent les thèses maîtresses du Calvinisme.
Cette précision donne occasion de quelques
convictions :
- La compréhension de la Parole de Dieu n'est
pas le fruit d'un travail intellectuel qui peut d'ailleurs facilement se
fourvoyer, alors même que sont légitimement et largement utiles bien des
données des sciences modernes (archéologiques,
linguistiques, historiques, etc.). Un des exemples les plus frappants
est Edouard Dhorme, ancien dominicain, disciple du P. Lagrange, très grand
linguistique, traducteur de l'Ancien Testament dans la célèbre édition "La
Pléiade" : il quitta l'Eglise !
- La compréhension de la Parole de Dieu n'est
pas non plus, à l'inverse et assez fréquemment aujourd'hui, le fruit
d'un sentimentalisme piétiste qui affirme facilement que ce que l'on
ressent, à la lecture de la Parole de Dieu, doit devenir norme de vie du
chrétien. St Pierre nous disait samedi dernier, à l'office de Vêpres : "Aucune prophétie de l'Ecriture n'est
affaire d'interprétation personnelle..." (2
Pet 2.20).
- La compréhension de la Parole de Dieu est le
fruit d'une grâce à partir d'une "manducation" (disait le P. Jousse S.J., un sarthois que l'on devrait
connaître), d'une "rumination", disaient les Anciens,
des textes de la "Révélation" qui nous apprennent toutes les
"pédagogies" que, par amour, Dieu emploie, à travers les siècles,
pour se faire connaître aux hommes..., et aux hommes d'aujourd'hui ! Cela va
des éclairs et des coups de tonnerre qui accompagnent sa présence au Sinaï,
jusqu'au "bruissement d'un souffle
léger" qu'entend le prophète Elie à l'Horeb, ...en vue du mystère du "Verbe de Dieu fait homme",
"Emmanuel" : Dieu avec nous !
- Dès lors, la compréhension de la Parole de
Dieu nous oblige à se laisser immerger dans ce "Corps" du
Verbe Incarné qu'est l'Eglise qui nous livre cette Parole divine
tout au long de notre existence à travers, dit le Concile Vatican II, la
liturgie célébrée chaque année, son enseignement, le ministère et la vie des
prêtres, ...à travers le témoignage (martyre)
de bien des baptisés !
Cela me semble important sinon la lecture de la
"Parole de Dieu" est stérile, dépassant tellement notre pauvre
intelligence humaine, et même, parfois, peut être cause de déviance. - Mais
reprenons la lettre de St Paul !
Avec cette lettre, nous sommes probablement vers
l'hiver 56 ou le printemps qui suit, c'est-à-dire 21-22 ans après le
"chemin de Damas" de Paul, 26-27 ans après la mort et la résurrection
du Christ !
L'apôtre est arrivé à une certaine maturité dans
l'expression de sa foi, à une certaine apogée de sa vie apostolique,
estimant, dira-t-il, avoir pleinement assuré l'annonce de l'Evangile du Christ "depuis Jérusalem jusqu'à l'Illyrie"
(Cf. 15.19), aspirant à un nouveau champ
d'apostolat jusqu'en Espagne (Cf. 15.23-24).
Aussi, peut-il présenter les points fondamentaux
du dogme en abordant, en même temps, les problèmes qui préoccupent sa
pensée.
Car il y a des dangers qui menacent l'unité de
l'Eglise. Les crises des Eglises de Galatie et de Corinthe l'ont souligné.
Bien plus, Paul se dirige vers Jérusalem pour y
porter le fruit des collectes à l'intention de l'Eglise qui s'y trouve et qui
est en grande difficulté. Pour lui, ce n'est pas là simplement une affaire
d'aumône, c'est une obligation de justice dont l'accomplissement doit proclamer
publiquement l'unité entre les chrétiens d'origine païenne et ceux d'origine
juive !
Pourtant il se rend vers la ville sainte avec une
certaine crainte de n'y être pas très bien accueilli, crainte qui n'était pas
sans fondement comme le soulignera les Actes des apôtres (Cf. 20.22-26). Aussi demandera-t-il aux Romains
de prier avec lui, non seulement pour qu'il échappe aux "incrédules de Judée", c'est-à-dire aux Juifs, mais aussi
pour que le secours qu'il apporte "soit
agréé des Saints", c'est-à-dire des chrétiens (Cf. 15.30-31).
Ainsi donc, Paul laisse apparaître ses
préoccupations au sujet de questions essentielles :
- le problème de l'Evangile face à la Loi,
problème qu'il vient de traiter pour les Galates sur le point de "passer à un autre Evangile" (Gal 1.6). Autrement dit justification, salut en
Jésus Christ indépendamment de la Loi, l'œuvre du Christ Rédempteur nous étant
communiquée par la foi en sa personne !
- Liberté chrétienne et Vie selon l'Esprit-Saint.
- Unité du dessein de Dieu qui veut communiquer sa
Vie aux hommes depuis Adam jusqu'à la fin du monde (la
parousie), ce qui sous-tend la question du rapport entre l'Ancien
Testament et le Nouveau Testament.
... Toutes questions difficiles que St Paul va
aborder !
Après cette brève et nécessaire présentation,
quelques précisions qui peuvent nourrir notre pensée, notre foi :
- Paul se qualifie de "Serviteur de Dieu" - "doulos Théou" -
"Doulos"
au sens grec du terme - St Paul connaît bien cette langue qu'il emprunte (la "koinè", la langue courante de son temps)
-. Or "doulos", c'est l'"esclave" ! Plus tard, on
parlera du "Saint esclavage", forme de spiritualité que, par exemple,
le Cal de Bérulle transmettra à l'Oratoire et aux Carmélites
également. St Louis-Marie Grignon de Montfort parlera, lui aussi, de cette
spiritualité, avec prudence cependant en un temps où l'on commençait à lutter
pour l'abolition de l'esclavage. En ce courant spirituel, le "doulos", l'"esclave du Christ", c'est
celui qui ne s'appartient pas, qui est totalement donné à son
"Maître", le Christ ! Et nous, religieux, religieuses... ?
Mais pour St Paul, "hébreu, fils d'Hébreux", le terme "doulos" est également à prendre au sens biblique.
Dans les Septante, les "douloi
Theou", ce sont les adorateurs du vrai Dieu, tels les personnages
marquants, Moïse, le "Serviteur de
Dieu" d'Isaïe... etc.
Finalement, le "doulos
du Christ", c'est celui qui appartient au Christ, à lui seul, et lui
rend un culte comme Dieu. N'est-ce pas là, ici, notre rôle, notre fonction ?
- Paul parle dès le début de sa lettre de la "Bonne Nouvelle que Dieu avait été
déjà promise par les prophètes". Notons au passage que cette
formule revient une quarantaine de fois sous la plume de St Paul pour bien
souligner la continuité entre l'Ancien Testament et le Nouveau. Il ne
faudrait jamais lire le Nouveau Testament sans l'Ancien.
Vous savez qu'une des premières hérésies de
l'histoire de l'Eglise, ce fut, au 2ème siècle, le
"Marcionisme" du nom de Marcion qui voulait non seulement
"brûler" l'Ancien Testament, mais supprimer du Nouveau Testament
toutes les allusions à l'Ancien. Unanimement, l'Eglise s'est levée contre ce
Marcion. Mais je me demande parfois si nous ne sommes pas encore, plus ou
moins, "marcionistes", malgré les recommandations du Concile Vatican
II.
- Une dernière réflexion pour ne pas être trop long
: Paul se dit "'appelé' à être
apôtre". Il est vrai que dans la Bible, le choix divin en vue
d'une fonction à remplir s'exprimait toujours par un appel de Dieu, tel Moïse,
David, Jérémie etc. Tous était "mis
à part" (Cf. Jer. 1.5 ; Is. 49.1 ;
Gal 1.15 etc). Paul l'a été, dit-il, pour "annoncer l'Evangile de Dieu".
Mais il faut bien noter bien que l'apôtre en
écrivant aux Romains s'adresse "à
tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome, aux saints par appel divin".
Autrement dit, tous nous sommes appelés par Dieu... à la sainteté,
certes ! Mais Dieu n'aime pas "en masse", si je puis dire ; il aime
en particulier. Nous avons donc tous - sans exception - une fonction, une
mission à remplir. En sommes-nous suffisamment conscients. Prions à cette
intention en cette semaine de prières pour les missions. Chacun doit être
missionnaire "par appel divin",
un appel toujours particulier.
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