lundi 14 octobre 2013

Lettre aux Romains

28e T.O. 13. Lundi                     (Rm 1.1-7)

Nous abordons aujourd'hui la lettre de St Paul aux Romains, lettre longue et parfois difficile à telle enseigne que pour Luther, selon le P. Lagrange, cette lettre "a été le point de départ de la Réforme". Et c'est en l'expliquant que Calvin prépara la seconde édition de l'"Institution de la Réforme chrétienne" (1539) où se trouvent les thèses maîtresses du Calvinisme.

Cette précision donne occasion de quelques convictions :

- La compréhension de la Parole de Dieu n'est pas le fruit d'un travail intellectuel qui peut d'ailleurs facilement se fourvoyer, alors même que sont légitimement et largement utiles bien des données des sciences modernes (archéologiques, linguistiques, historiques, etc.). Un des exemples les plus frappants est Edouard Dhorme, ancien dominicain, disciple du P. Lagrange, très grand linguistique, traducteur de l'Ancien Testament dans la célèbre édition "La Pléiade" : il quitta l'Eglise !

- La compréhension de la Parole de Dieu n'est pas non plus, à l'inverse et assez fréquemment aujourd'hui, le fruit d'un sentimentalisme piétiste qui affirme facilement que ce que l'on ressent, à la lecture de la Parole de Dieu, doit devenir norme de vie du chrétien. St Pierre nous disait samedi dernier, à l'office de Vêpres : "Aucune prophétie de l'Ecriture n'est affaire d'interprétation personnelle..." (2 Pet 2.20).

- La compréhension de la Parole de Dieu est le fruit d'une grâce à partir d'une "manducation" (disait le P. Jousse S.J., un sarthois que l'on devrait connaître), d'une "rumination", disaient les Anciens, des textes de la "Révélation" qui nous apprennent toutes les "pédagogies" que, par amour, Dieu emploie, à travers les siècles, pour se faire connaître aux hommes..., et aux hommes d'aujourd'hui ! Cela va des éclairs et des coups de tonnerre qui accompagnent sa présence au Sinaï, jusqu'au "bruissement d'un souffle léger" qu'entend le prophète Elie à l'Horeb, ...en vue du mystère du "Verbe de Dieu fait homme", "Emmanuel" : Dieu avec nous !

- Dès lors, la compréhension de la Parole de Dieu nous oblige à se laisser immerger dans ce "Corps" du Verbe Incarné qu'est l'Eglise qui nous livre cette Parole divine tout au long de notre existence à travers, dit le Concile Vatican II, la liturgie célébrée chaque année, son enseignement, le ministère et la vie des prêtres, ...à travers le témoignage (martyre) de bien des baptisés !

Cela me semble important sinon la lecture de la "Parole de Dieu" est stérile, dépassant tellement notre pauvre intelligence humaine, et même, parfois, peut être cause de déviance. - Mais reprenons la lettre de St Paul !

Avec cette lettre, nous sommes probablement vers l'hiver 56 ou le printemps qui suit, c'est-à-dire 21-22 ans après le "chemin de Damas" de Paul, 26-27 ans après la mort et la résurrection du Christ !

L'apôtre est arrivé à une certaine maturité dans l'expression de sa foi, à une certaine apogée de sa vie apostolique, estimant, dira-t-il, avoir pleinement assuré l'annonce de l'Evangile du Christ "depuis Jérusalem jusqu'à l'Illyrie" (Cf. 15.19), aspirant à un nouveau champ d'apostolat jusqu'en Espagne (Cf. 15.23-24).
Aussi, peut-il présenter les points fondamentaux du dogme en abordant, en même temps, les problèmes qui préoccupent sa pensée.

Car il y a des dangers qui menacent l'unité de l'Eglise. Les crises des Eglises de Galatie et de Corinthe l'ont souligné.
Bien plus, Paul se dirige vers Jérusalem pour y porter le fruit des collectes à l'intention de l'Eglise qui s'y trouve et qui est en grande difficulté. Pour lui, ce n'est pas là simplement une affaire d'aumône, c'est une obligation de justice dont l'accomplissement doit proclamer publiquement l'unité entre les chrétiens d'origine païenne et ceux d'origine juive !
Pourtant il se rend vers la ville sainte avec une certaine crainte de n'y être pas très bien accueilli, crainte qui n'était pas sans fondement comme le soulignera les Actes des apôtres (Cf. 20.22-26). Aussi demandera-t-il aux Romains de prier avec lui, non seulement pour qu'il échappe aux "incrédules de Judée", c'est-à-dire aux Juifs, mais aussi pour que le secours qu'il apporte "soit agréé des Saints", c'est-à-dire des chrétiens (Cf. 15.30-31).

Ainsi donc, Paul laisse apparaître ses préoccupations au sujet de questions essentielles :
- le problème de l'Evangile face à la Loi, problème qu'il vient de traiter pour les Galates sur le point de "passer à un autre Evangile" (Gal 1.6). Autrement dit justification, salut en Jésus Christ indépendamment de la Loi, l'œuvre du Christ Rédempteur nous étant communiquée par la foi en sa personne !
- Liberté chrétienne et Vie selon l'Esprit-Saint.
- Unité du dessein de Dieu qui veut communiquer sa Vie aux hommes depuis Adam jusqu'à la fin du monde (la parousie), ce qui sous-tend la question du rapport entre l'Ancien Testament et le Nouveau Testament.

... Toutes questions difficiles que St Paul va aborder !

Après cette brève et nécessaire présentation, quelques précisions qui peuvent nourrir notre pensée, notre foi :

- Paul se qualifie de "Serviteur de Dieu" - "doulos Théou" -
"Doulos" au sens grec du terme - St Paul connaît bien cette langue qu'il emprunte (la "koinè", la langue courante de son temps) -. Or "doulos", c'est l'"esclave" ! Plus tard, on parlera du "Saint esclavage", forme de spiritualité que, par exemple, le Cal de Bérulle transmettra à l'Oratoire et aux Carmélites également. St Louis-Marie Grignon de Montfort parlera, lui aussi, de cette spiritualité, avec prudence cependant en un temps où l'on commençait à lutter pour l'abolition de l'esclavage. En ce courant spirituel, le "doulos", l'"esclave du Christ", c'est celui qui ne s'appartient pas, qui est totalement donné à son "Maître", le Christ ! Et nous, religieux, religieuses... ?
Mais pour St Paul, "hébreu, fils d'Hébreux", le terme "doulos" est également à prendre au sens biblique. Dans les Septante, les "douloi Theou", ce sont les adorateurs du vrai Dieu, tels les personnages marquants, Moïse, le "Serviteur de Dieu" d'Isaïe... etc.
Finalement, le "doulos du Christ", c'est celui qui appartient au Christ, à lui seul, et lui rend un culte comme Dieu. N'est-ce pas là, ici, notre rôle, notre fonction ?

- Paul parle dès le début de sa lettre de la "Bonne Nouvelle que Dieu avait été déjà promise par les prophètes". Notons au passage que cette formule revient une quarantaine de fois sous la plume de St Paul pour bien souligner la continuité entre l'Ancien Testament et le Nouveau. Il ne faudrait jamais lire le Nouveau Testament sans l'Ancien.
Vous savez qu'une des premières hérésies de l'histoire de l'Eglise, ce fut, au 2ème siècle, le "Marcionisme" du nom de Marcion qui voulait non seulement "brûler" l'Ancien Testament, mais supprimer du Nouveau Testament toutes les allusions à l'Ancien. Unanimement, l'Eglise s'est levée contre ce Marcion. Mais je me demande parfois si nous ne sommes pas encore, plus ou moins, "marcionistes", malgré les recommandations du Concile Vatican II.

- Une dernière réflexion pour ne pas être trop long : Paul se dit "'appelé' à être apôtre". Il est vrai que dans la Bible, le choix divin en vue d'une fonction à remplir s'exprimait toujours par un appel de Dieu, tel Moïse, David, Jérémie etc. Tous était "mis à part" (Cf. Jer. 1.5 ; Is. 49.1 ; Gal 1.15 etc). Paul l'a été, dit-il, pour "annoncer l'Evangile de Dieu".

Mais il faut bien noter bien que l'apôtre en écrivant aux Romains s'adresse "à tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome, aux saints par appel divin". Autrement dit, tous nous sommes appelés par Dieu... à la sainteté, certes ! Mais Dieu n'aime pas "en masse", si je puis dire ; il aime en particulier. Nous avons donc tous - sans exception - une fonction, une mission à remplir. En sommes-nous suffisamment conscients. Prions à cette intention en cette semaine de prières pour les missions. Chacun doit être missionnaire "par appel divin", un appel toujours particulier.

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