dimanche 6 octobre 2013

Espérance et humilité

27e Dimanche T.O. 13/C                

Peut-être êtes-vous de ceux qui, découragés parfois, se disent : “Rien ne me déçoit plus que d'entendre proclamer, à la messe, des textes auxquels je ne comprends rien”. Et vous ajoutez : “Ne pourrait-on pas nous épargner ces textes incompréhensibles et choisir des passages plus porteurs ?”.

Eh bien ! Je ne voudrais pas que, ce matin, vous leviez encore les yeux au ciel, découragés, devant l'évangile que je viens de proclamer, quelque peu déroutant au premier abord.

D'abord, ce texte contient deux récits qui n'ont apparemment pas grand chose à voir l'un avec l'autre. Mais l'un et l'autre ont une signification immense. Ce sont deux paroles que le Christ nous adresse aujourd'hui,
l'une pour nous “encourager”,
et l'autre pour nous mettre en garde.

La première parole pour nous encourager !
Oui, c’est vrai, nous sommes parfois découragés. Et nous allons répétant comme il est dit dans la première lecture : "Combien de temps, Seigneur, vais-je t'appeler au secours - et tu n'entends rien -, combien de temps vais-je crier contre le violence - et tu restes là à regarder notre misère ? -". Alors, nous disons facilement : Avoir la foi, qu'est-ce que ça change ? À quoi ça sert de croire ? Les croyants ont-ils changé le monde depuis 2000 ans ? Cependant, au fond de nous-mêmes, comme les apôtres, nous disons : “Seigneur, augmente en nous la foi !”.

Et Jésus nous fait une étrange réponse. C'est comme s'il disait, il ne faut pas parler de la foi en termes de quantité mais de qualité.
De quelle foi voulez-vous parler ? Dans toutes les religions, en effet, la foi peut se pervertir. Elle peut fabriquer des croyants ou des fanatiques. L'actualité nous le rappelle tragiquement. Et au long de l'histoire, les chrétiens eux-mêmes n'y ont pas échappé.
Alors, de quelle foi voulez-vous parler ? Si c'est "la foi au Dieu Amour, vous en auriez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : 'Déracine-toi, et va te planter dans la mer', il vous obéirait !".

Les images n'ont pas été choisies au hasard. Graine de moutarde et grand arbre comme un sycomore par exemple. La plus petite de toutes les graines et le plus majestueux des arbres. L'opposition entre les deux est radicale ; mais il les faut tous les deux pour dire la foi :
ce petit rien insaisissable dont les effets sont sans mesure ;
ce petit rien comme une pincée de sel invisible mais indispensable ;
ce petit rien comme un peu de levain qui fait lever toute la pâte ;
ce petit rien comme une petite semence qui peut devenir un grand arbre.

Mais avec "ce petit rien", c'est un arbre qui ira se planter dans la mer !
C'est l'image la plus forte. L'arbre, symbole de vie par excellence, et la mer, symbole de mort. Car il faut dire que les Juifs, très peu marins, considéraient la mer comme le lieu des puissances du mal. La foi au Dieu Amour peut donc faire surgir la vie jusque dans les décors de mort !

Vous penserez peut-être : “C'est de la littérature. Donnez-nous des noms de croyants qui ont fait surgir la vie dans les décors de mort !”.

N'en connaissez-vous pas de ces chrétiens qui savent creuser un sillon, ouvrir une espérance là où tout le monde désespère ? Ils puisent leur force dans la foi au Christ. C'est leur enracinement dans la prière qui les a le plus souvent poussés à se lever pour changer la vie autour d'eux et dans le monde.

L'histoire des chrétiens, l’histoire de l’Eglise est pleine de ces grands témoins qui ont planté la vie jusque dans les décors de mort.
Tout près de nous dans le temps. On connaît les noms de Maximilien Kolbe, Édith Stein… ! Et il y a quelques années, les sept moines de Tibhérine et, à leur suite, Pierre Claverie, évêque d'Oran, assassiné ! Jusque dans l'enfer des camps de concentration ou dans l'horreur d'un monde de violence, ils ont pris conscience qu'ils étaient responsables de rendre Dieu présent dans cet univers de mort. De tels témoins sauvent le monde !

On peut évoquer de tels saints, des personnages d'exception ; mais que dire de tant d'hommes, de femmes ignorés qui donnent leur vie jour après jour obscurément : des mères de famille, des chercheurs au service de la vie… et tant d’autres. La petite graine de moutarde vit en eux, à leur insu peut-être ; ils ne le savent même pas, c'est Dieu qui l'a semée.

J'ai lu dans une revue cette superbe allégorie. On raconte à Prague qu'un homme religieux fut, un jour, pris sous le jet de pierres d'une troupe d'enfants et que les pierres, en l'atteignant, se transformèrent en boutons de roses. Si cet homme de Dieu transformait les pierres en boutons de roses, c'est qu'il aimait tellement les enfants qu'il ne pouvait leur permettre de devenir les assassins d'un vieillard.

De la poésie, tout cela ? Oui, si vous voulez. Un rêve ? Oui... Mais, je crois que c'est le rêve de Dieu ! C'est lui qui sème l'amour dans nos cœurs, un amour qui peut faire des miracles. Ce petit rien insaisissable dont les effets sont sans mesure. Voilà notre foi, cette foi que quelques jeunes enfants de la paroisse ont discernée et exprimée avec le langage de leur âge. Ils vont être baptisés à l'issue de cette Eucharistie. Serons-nous les encouragés par notre exemple de foi ?

C'était la première parole du Christ pour nous encourager aujourd’hui en notre foi.

Voici la deuxième pour nous mettre en garde.
Jésus racontait l'histoire des serviteurs, on devrait dire des esclaves, auxquels le maître ne devait rien, selon la pratique inhumaine de ce temps-là. Inutile de vous dire que Jésus n'a pas raconté cette histoire pour légitimer les inégalités sociales, parfois cruelles. C'était, comme dans toutes les paraboles, pour piquer l'attention de ses disciples et leur dire clairement : “Quand vous avez fait tout ce que Dieu vous demande, vous n'avez fait que votre devoir, comme des serviteurs, voilà tout”.

Cette parole s'adresse à nous. Cessons de nous enorgueillir de ce que nous faisons, de ce que nous faisons de bien, des services que nous rendons. Cessons de soupeser notre utilité, nos mérites.
Nous oublions que c'est Dieu qui nous a donné d'être ce que nous sommes et de faire ce que nous faisons. Quand nous disons que nous avons du talent, nous oublions que c'est Dieu qui nous l'a confié. Nous n'en sommes pas les propriétaires. Nous ne sommes que des intendants, dit-il par ailleurs. “Qu'as-tu que tu n'aies reçu ?”, demandait St Paul

Voilà les deux paroles essentielles que le Christ nous adresse aujourd'hui.
C'était l'objet du message de St Paul à son cher disciple Timothée : "Fils bien-aimé, je te rappelle que tu dois réveiller en toi le don de Dieu (la foi). Car ce n'est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de bon sens. N'aie pas honte de rendre témoignage à Notre Seigneur" ... par les œuvres de la foi !

Oui, on les croyait étrangères l'une à l'autre, ces deux paroles de Notre Seigneur. En fait, elles n'en font qu'une. Si nous voulons déplacer les montagnes et déraciner les arbres, pour reprendre les mots de la parabole, faire surgir la vie jusque dans les décors de mort, il nous suffit d'être de bons et fidèles serviteurs, là où nous sommes, tout simplement.


Ce "simplement" est difficile, direz-vous ! Oui, mais avec la grâce de Dieu, ce "simplement-difficile" peut être possible !

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