jeudi 17 octobre 2013

La "Justice de Dieu" (3)

28e T.O. 13. Jeudi    -      (Rm 3.21-29)

St Paul nous a enseigné que la "Justice de Dieu" s'exerce avec grande miséricorde : il pardonne aux pécheurs qui accueillent la "vérité" de son amour pour tout homme. Mais à ceux qui "ont changé la vérité de Dieu par le mensonge" (1.25), Dieu ne peut que les laisser, les "livrer", selon le terme de St Paul, "à leur intelligence sans jugement pour faire ce qui ne convient pas" (1.28), une incompatibilité absolue étant établie entre Dieu et le pécheur se détournant de Lui. Il y a un "abîme", dit Dieu, dans la parabole de Jésus, au riche Lazare qui se trouvait dans les tourments après sa mort ! (Lc 16.23)

Et cette situation peut se révéler autant pour "le païen que pour le Juif" (2.10,11), d'autant plus que ce dernier a reçu le bénéfice de la Loi (du Sinaï) et des promesses. Et St Paul de développer ce raisonnement à l'adresse de ses compatriotes. Il dira en substance : ce n'est pas la circoncision de la chair qui compte, c'est celle du cœur à laquelle tout homme est appelé (2.29). Et la révélation faite aux Juifs, loin de les dispenser de la "Justice de Dieu", les oblige encore bien davantage !

Finalement conclura St Paul : "Les Juifs comme les Grecs sont sous l'emprise du péché" (3.9), "la Loi ne donnant que la connaissance du péché" (3.20).

Alors, l'apôtre d'affirmer catégoriquement et fortement ce qui lui tient à cœur : "Indépendamment de la Loi, la 'Justice de Dieu'" - qui veut sauver les hommes pécheurs ; et tout homme est pécheur, et, de ce fait, privé de la gloire de Dieu - "... la 'justice de Dieu' a été manifestée, gratuitement" (3.21) miséricordieusement, "en vertu de la Rédemption accomplie en Jésus Christ, lui que Dieu a destiné à servir d'expiation par son sang" (3.24-25).

Le salut ne peut venir que de Jésus-Christ, veut affirmer l'apôtre qui emploie une formule qui, prise littéralement, nous paraît énigmatique : "Dieu l'a exposée propitiatoire par son propre sang". Cette formule se réfère à l'arche d'Alliance et à la cérémonie du "Grand pardon" - le "Yom Kippour" -. Mais peu importe. Il serait trop long d'en donner toute une page d'explications.

Elles nous apprendraient cependant : nulle part dans les textes du Nouveau Testament, il n'est suggéré que cette "Rédemption accomplie par Jésus Christ" ait été envisagée comme un prix, une rançon versée à l'ennemi de l'homme, le Démon. Cette pensée qui fut courante n'est pas scripturaire. C'est à Dieu seul qu'a été offert "le sang précieux du Christ" (Cf. I Pet 1.19).
D'ailleurs, il est bon de souligner que, dans la Bible (grecque), les mots "Rédempteur", "Rédemption" et le verbe correspondant "racheter" étaient des termes techniques exclusivement employés - au sens religieux - en relation avec la libération d'Egypte, "la maison de servitude" (Dt 7.8). L'idée de "libération" était toujours très liée à celle de l'Alliance du Sinaï : Dieu ne "délivre" son peuple que pour se l'"acquérir", en faire "un royaume de prêtres et une nation consacrée" (Ex.6.6-7 ; 19.6 ; Cf.I Pet 2.9 ; Tite 2.14).
Ainsi "Peuple saint" et "Rachetés de Dieu" sont des termes équivalents (Cf. Is 62.11-12). Dès l'Ancien Testament, le terme "Rédemption" ne dit pas moins "union à Dieu" que "libération du péché". Deux aspects d'une même réalité de l'Alliance avec Dieu !
Et rien d'étonnant alors si cette notion (à double face) peut s'appliquer à la première ou à la seconde venue du Christ (1/ Rm 3.24 ; Col. 1.14 ; Eph. 1.7. - 2/ Lc 21.28 ; Rm 8.23 ; Eph. 1.14 ; 4.30). Dans les deux cas, il s'agit d'une "délivrance", mais plus encore d'une "acquisition" : Dieu nous appelle à Lui pour vivre de sa vie !

Mais cette activité miséricordieuse de la "Justice de Dieu" ne peut s'opérer sans que l'homme y collabore, y participe. Et il le fera par la FOI.  
En se donnant au Christ par la foi, l'homme fait sienne l'expiation que le Christ a offert à Dieu pour notre "délivrance", pour que le pécheur puisse devenir juste !

La FOI doit donc être tout en même temps une démarche de l'homme envers Dieu et un don de Dieu par Jésus Rédempteur, comme dans une alliance..., une Alliance sainte ! Alliance offerte autant au Juif qu'au païen !

Et, dans cette Alliance, comme en toute alliance, chacun a sa part d'activité, des "œuvres" à accomplir. St Augustin remarque que si l'homme est justifié par la FOI sans les œuvres de la Loi mosaïque, cela n'exclut nullement l'obligation d'accumuler des "œuvres de justice", des œuvres qui s'ajustent à Dieu, à la vérité de l'Amour de Dieu pour tout homme. En ce sens la "foi seule" que prônaient Luther n'a pas de sens dans le contexte des écrits de St Paul (Les Protestants le reconnaissent depuis longtemps).

Cependant, ne commettons pas l'erreur inverse, très courante encore : si le croyant - l'homme de foi - accomplit des œuvres conséquentes à sa foi, ces œuvres ne méritent nullement la justification, le salut, ne nous font pas "gagner le ciel" comme l'on dit. Les œuvres de foi ne sont que des signes (indispensables), des conséquences de la foi, des témoignages de la foi, en quelque sorte. St Jacques le soulignera fortement : "A quoi bon dire que l'on a de la foi si l'on a pas d'œuvres ?" (Jc 2.14).

Nous pouvons conclure en cette année de la FOI : Dieu en sa "justice" nous offre une alliance, une adhésion à son Amour - "Dieu est Amour", répétait St Jean - à son Amour pour tout homme. Sachons y répondre avec un grand élan de foi et nous produirons des "œuvres" de foi conformes à la "justice de Dieu", des œuvres qui témoigneront de la bonté de Dieu.

C'est le fondement même de tout apostolat : non pas l'application stricte à des consignes plus ou moins morales, mais un débordement de l'Amour miséricordieux du Seigneur qui nous traverse pour aller vers nos frères. St Thomas d'Aquin définissait la prédication comme une "communication aux autres du fruit de ce que l'on a contemplé" ("Contemplata aliis tradere"). On peut dire, par analogie, que l'apostolat, c'est la communication aux autres de la vie du Christ en nous ! L'homme de foi ne vit pas d'un rituel si élogieux soit-il, il vit déjà de la vie même de Dieu. Et cela se voit, transparait !

Aux Moniales de la "Paix Notre-Dame" :
J'arrête là le commentaire de la lettre de St Paul, puisque demain c'est la fête de St Luc et qu'ensuite vous serez "en retraite", écoutant avec grand profit un prédicateur plus éloquent que moi, à n'en point douter.
Pour me disculper quelque peu, je me permets de rappeler ce que je j'avais souligné : la difficulté de cette lettre de Paul aux Romains. Et cela pour plusieurs raisons, entre autres celles-ci :
- D'une part, Paul, habituellement, n'écrivait pas. Il dictait. Or il était très prolixe au point de discourir jusqu'au milieu de la nuit et d'endormir parfois ses auditeurs, comme Eutyque qui écoutant Paul à Troas fut pris d'un profond sommeil et tomba du troisième étage (Cf. Act 20.9) -. Paul étant donc prolixe, son secrétaire ne pouvait prendre que quelques notes, des résumés, ce qui explique souvent la grande concision des écrits de l'apôtre.

- D'autre part, l'apôtre Paul vous aurait fourni certainement, s'il était parmi vous, des explications plus appropriées que les miennes. Evidemment ! Mais je pense que cela aurait durer des jours et des jours, Paul restant bavard. Vous me serez gré, au moins, de n'avoir utilisé qu'une dizaine de minutes durant ces trois jours derniers, sans trop vous endormir, je l'espère.

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