dimanche 2 décembre 2012

Le Seigneur vient !


1er  Avent C 12-13 

Cet évangile que nous venons d'entendre fait un peu "froid dans le dos", comme l’on dit. Toutes les catastrophes possibles sont envisagées. Ce qu'on peut connaître aujourd'hui n'est rien à côté de ce qui est annoncé.

En fait, St Luc utilise, là, dans son évangile le genre “apocalyptique. Et si ce style littéraire est habituel dans la Bible, il ne l’est pas pour nous ; aussi, il nous déconcerte quelque peu. Sachons simplement qu’il veut illustrer avec vigueur le désarroi des croyants face à la violence et aux forces de destruction toujours actives dans le monde, dans notre monde ! Mais c'est, en même temps, un immense acte de foi : de toute manière, malgré les plus fortes apparences contradictoires, Dieu aura le dernier mot et nous relèvera de tous nos malheurs.

C'est d’ailleurs tout le sens de la première lecture - celle du prophète Jérémie - : Rien, dit-il, ne peut détourner Dieu de la fidélité à sa “promesse“, à son alliance : aucun mal, pas même le mal par excellence, le péché. Dieu accomplira sa promesse de bonheur!  

Certes, à certains moments, on en viendrait à se demander si la Parole de Dieu n'est pas une "parole en l'air", sans effet. Non !, répond vigoureusement Jérémie qui vivait pourtant, lui, à une époque de catastrophes. Dieu agit d'une manière plus subtile et plus complexe que nous aurions tendance à l'imaginer. "Dieu-notre-Justice" est là, à l'œuvre en nous, autour de nous ; il agit au cœur des réalités visibles, par son Esprit dont on ne perçoit “ni d'où il vient ni où il va“ (Jn 3.8), comme disait Jésus à Nicodème plongé dans la détresse de l’incompréhension. Et le temps viendra où apparaîtra au grand jour le salut qu'il accomplit dès maintenant, dans le secret !

Et tous les apôtres rediront ce message : Certes, la Jérusalem terrestre n'est pas la Cité d'en-haut ; ni l'Eglise de la terre, le Royaume céleste ! Et pourtant, ce Royaume est déjà parmi nous, en gestation. Et cette assurance doit nous permettre d'espérer "contre toute espérance", comme disait St Paul (Rm 4/18), d’espérer avec tous ceux qui ont cru, qui croient et qui croiront en la Promesse divine ; cette promesse doit nous permettre de nous tenir debout, de nous tenir sans cesse "debout devant le Fils de l'homme" c’est-à-dire le Christ glorieux qui va paraître en nous-mêmes. Aussi, nous lui disons avec le psalmiste : "Vers toi, Seigneur, j'élève mon âme… ; Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route ; dirige-moi, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve“ (Psaume).

Et après tous les prophètes, après tous les apôtres, les Pères de l'Eglise, les auteurs spirituels rediront, à travers les siècles, ce message d'espérance au milieu, parfois, des pires calamités : Oui, le Seigneur est venu. Oui le Seigneur viendra. Oui, le Seigneur vient ! Il vient nous sauver !

C'est tout le sens de ce temps de l'Avent qui nous incite constamment à découvrir à redécouvrir la proximité du Christ, au milieu même de nos difficultés diverses et souffrances que, lui aussi, a traversées avant nous !

Par ce temps de l'Avent, disait déjà un évêque de Jérusalem des premiers siècles, St Cyrille, "nous annonçons l'avènement du Christ : non pas un avènement seulement, mais aussi un second, qui est beaucoup plus beau que le premier.
- Celui-ci, en effet, comportait une signification de souffrance ;
et celui-là porte le diadème de la royauté divine.
- Dans le premier avènement, il est enveloppé de langes dans la crèche ;
dans le second, il est revêtu de lumière comme d'un manteau.
- Dans le premier, il a subi la croix, ayant méprisé la honte ;
dans le second, il viendra escorté par l'armée des anges, en triomphateur.
- Nous ne nous arrêtons pas seulement au premier avènement : nous attendons aussi le second".       


Saint Bernard (+ II53) complétera en parlant d'une triple venue du Seigneur :
« Nous savons qu'il y a une triple venue du Seigneur...
La troisième se situe entre les deux autres...
Celles-ci, en effet, sont manifestes, celle-là, non !
- Dans sa première venue, il est apparu sur la terre et il a vécu avec les hommes, lorsque - comme lui-même en témoigne - ils l'ont vu et l'ont pris en haine : “Si le monde vous hait, sachez que moi, il m'a pris en haine avant vous !“ (Jn 15.18).
- Mais lors de sa dernière venue, "toute chair verra le salut de notre Dieu et ils regarderont vers celui qu'ils ont transpercé“ (Jn 19.37).
- La venue intermédiaire, elle, est cachée : les élus seuls la voient au fond d'eux-mêmes, et leur âme est sauvée.

Ainsi il est venu d'abord dans la chair et la faiblesse ; puis, dans l'entre-deux, il vient en esprit et en puissance ; enfin, il viendra dans la gloire et la majesté...

Cette venue intermédiaire est vraiment comme la voie par laquelle on passe de la première à la dernière : dans la première le Christ fut notre Rédemption ; dans la dernière il apparaîtra comme notre vie ; et entre-temps..., il est notre repos et notre consolation,  notre force, car "il montre le chemin, il dirige les humbles, il les enseigne, il fait connaître son alliance" comme le chante le psaume ».

En ce temps de l'Avent, portons toute notre attention à cette venue intermédiaire, dit un autre Spirituel du XIVe siècle (Tauler) : cette venue est celle par laquelle "Dieu, tous les jours et à toute heure, naît en vérité, spirituellement, par la grâce de l'amour, dans une âme". Oui prêtons attention ! Car en cette venue "Dieu nous devient tellement nôtre ; il se donne à nous en telle propriété, que personne n'a jamais rien eu en si intime possession".

Et il expliquera : « Le Christ peut naître mille fois à Bethléem, cela ne te sert de rien s'il n'est pas né dans ton cœur, si tu n'as pas été engendré en lui. A quoi peut vous servir que le Christ soit jamais venu dans la chair, s'il n'est pas venu aussi jusqu'à votre âme? Prions donc pour que chaque jour son avènement s'accomplisse en nous et que nous puissions dire comme St Paul : “je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi !“ » (Gal. 2.20).

Et, il y a simplement quelques années, le Père de Lubac, grand théologien, se plaisait à souligner la richesse de ces thèmes qui traversent les siècles : "Rien de plus antique et moderne à la fois, rien de plus largement diffusé que ce thème de l'avènement, de la naissance mystique du Christ dans l'âme du croyant, avec ses très nombreuses variantes et résonances".

En ce temps de l'Avent, rejoignons ce long cortège de ces "re-nés" dans le Seigneur. Car, depuis les commencements jusqu'à nos jours, la foi chrétienne proclame que Dieu s'est fait ce que nous sommes - prenant condition humaine - pour que nous devenions ce qu'il est - partageant sa condition divine -. Naître à nouveau devint possible puisque, selon St Augustin, “Dieu s'est fait homme en prenant ce qu'il n'était pas - une humanité - et non en perdant ce qu'il était - sa divinité -“.

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