dimanche 16 décembre 2012

Jugement dans et par la "Vérité" !


3ème  Avent C 12-13 

Nous le savons : Jésus n’est pas né dans la nuit du 24-25 décembre. Noël n’est pas un anniversaire. La date est celle d’une fête païenne, au solstice d’hiver, que nos lointains ancêtres devenus croyants ont christianisée en fixant à cette date le récit de la Nativité du Christ, “Lumière du monde“ (Cf. Jn 9.5 ; 12.46). Dans les premiers temps, la grande festivité chrétienne, c’est l’Épiphanie - comme chez nos frères orthodoxes -. Et l’Épiphanie, c’est tout à la fois
- la manifestation du Christ au monde,
- son baptême par Jean
- et les noces de Cana, ce premier signe d’alliance entre Dieu et l’homme !

Aussi, la prédication de Jean-Baptiste en ce temps de l’Avent, annonce
- l'Épiphanie du Christ, sa manifestation de Fils de Dieu,
- son baptême - où les cieux sont déchirés -, (terme qui manifeste l'union entre ciel et terre)
- et, pour nous, l'invitation à la conversion pour une Alliance nouvelle.

Comme je l’ai souligné dimanche dernier, le récit de la Nativité par St Luc n'est qu’une parenthèse, comme une confidence à voix basse que l'Église reçoit de Marie. Si, aujourd’hui, nous prétendons accueillir le Christ comme une Nativité en nous-mêmes, il faudrait, pour cela, nous identifier pleinement à Marie, à sa puissance maternelle, il faudrait être comme elle “remplis de grâce“, que chacun puisse dire : “Seigneur, que tout en moi se fasse « selon ta Parole »”. Et nous savons bien que ce n’est pas le cas !

Oh ! certes, cela sera possible, mais à la fin des temps, quand l’Eglise toute entière sera pleinement configurée à Marie, quand elle sera, dit St Jean, “comme une épouse parée pour son époux” (Apoc. 21.2), quand le signe de Cana deviendra réalité et que Dieu sera pleinement manifesté en nous-mêmes purifiés que nous serons par ce baptême “dans l’Esprit et dans le feu”, et que le Christ sera “tout en tous“ (Col 3.11 – Cf. I Co. 15.28).

En attendant, dit Jean-Baptiste, il nous faut marcher dans le temps de la conversion pour préparer cette ultime réalité. Si nous avions la prétention d’accueillir le Christ comme une Nativité en nous, il nous rappellerait à l’ordre par ses paroles virulentes qui précèdent notre évangile : “Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? - Produisez donc des fruits qui témoignent de votre conversion“ (3.7-8).

Certes,  lorsque nous entrons de plus en plus profondément dans le mystère du Christ, mystère d’un Dieu qui a pris Corps, Corps livré et glorieux à travers une Pâques de mort et de vie, Corps que l'Eucharistie nous donne, alors, - il est vrai - nous pouvons déjà, par grâce, dans une prière silencieuse, remonter jusqu'au mystère de sa Naissance, en partageant quelque peu l'adoration et la contemplation de Marie.

Mais, pour cela, il nous faut de plus en plus accepter de “naître d'En Haut“, comme dit Jésus à Nicodème (Jn 3.3), c’est-à-dire de nous convertir et d'être arrachés à notre péché. Voilà pourquoi l’Eglise ne nous invite pas à faire de la crèche un anniversaire nostalgique et enfantin ! (C’est parfois le cas !). Non ! L’Eglise place la rude prédication du Baptiste comme préambule à Noël. Et c'est là où, pour nous, se joue l'enjeu véritable.

Mais alors, dira-t-on, comment comprendre le contraste des textes que l’Eglise nous propose ? L'oracle de Sophonie (1ère lect) est un acte d'espérance, de joie adressé à la fille de Sion, un acte qui renouvelle l'alliance promise par Dieu à Israël. Comment concilier cet oracle et également l'exhortation de Paul à veiller dans la joie, dans la paix - “puisque le Seigneur est proche”, dit-il -, comment concilier ces textes avec la menace prophétique du Baptiste ?

Ces textes sont pour nous comme un “chaud et froid” qui semble exprimer des sentiments contradictoires. Il faut cependant accueillir la Parole de Dieu dans sa contradiction… qui n’est qu’apparente!
Oh ! Certes, ce serait plus simple de dire : “Aujourd’hui, 3ème dimanche de l’Avent ; bientôt Noël ! Réjouissons-nous !”. Oui, bien sûr, cela nous est dit ! Mais il nous est dit également : “Engeance de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?”. Et nous ne pouvons que répondre : “Personne !”.

Mais la contradiction de ces textes n’est qu’apparente : nous ne pouvons entendre l’annonce à être dans la joie que si nous entendons en même temps la menace d’une “colère qui vient“. Et inversement, si nous faisons profit des rudes paroles du Baptiste, nous pourrons parvenir en même temps à ressentir une immense joie, celle de la venue du Seigneur !

Oui, Dieu vient : soyons dans la joie ! Dieu est venu, il ne cesse de venir ; il viendra ! Exultons de joie ! C’est bien légitime. Mais sachons-le : la manifestation (l’épiphanie) de Dieu est un feu brûlant, dit Jean-Baptiste, un baptême de feu !

C’est le feu brûlant de la “Vérité“ divine qui fait craquer les faux-semblants du monde et de notre propre vie. La manifestation de Dieu n’est pas et ne sera pas un jugement en forme de règlement de comptes, une facture à payer en solde de tous comptes. La manifestation de Dieu est et sera toujours une épreuve de “vérité“ en nous, une “nativité“ de la “Vérité“ en nous, puisque le Christ lui-même est “Vérité“ étant “Parole de Dieu“, “Verbe du Père“, du Dieu fidèle, du “Dieu de vérité“ (Cf. 2. Sam 7.28 ; Ps 50)

Aussi, Jésus priait ainsi : “Père, pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité“. (Jn 17, 19). Et il nous dit : “Si vous demeurez dans ma parole, vous connaîtrez la vérité ; et la vérité vous libérera“. (Jn 8.31).  Aussi, St Jean affirmait catégoriquement : “Si nous disons : " Nous n'avons pas péché ", nous nous abusons, la vérité n'est pas en nous“ (I Jn 1..8), nous faisons de lui un menteur, et sa parole n'est pas en nous“. (I Jn 1.10)

Oui, redisons-le en ce temps d’Avent : “La grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ“. (Jn 1.17). Et Jean-Baptiste nous exhorte : il nous faut sans cesse nous convertir, nous livrer à la “Vérité“ comme à un feu purificateur, libérateur du démon en qui, dit St Jean, “il n'y a pas de vérité parce qu'il est menteur et père du mensonge“. (Jn 8.44). - Seul, le Christ est “Vérité“, Vérité du Père qu’il veut nous transmettre par son Esprit… 
“Je suis, dit-il, le Chemin, la Vérité et la Vie“ (Jn 14.6).  - Il est le “Chemin“ qui conduit au Père parce que, précisément, il est la “Vérité“ et qu’ainsi il communique la “Vie“, la Vie de Dieu, du Dieu de vérité ! “Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes“ (Jn 1.4), lumière de vérité !

 Entrer dans cette lumière ! Faire la Vérité ! Oui, ce temps-ci - ce temps qui est nôtre, dirait Jean-Baptiste  -, ce temps de notre aujourd’hui doit entrer dans son épreuve de vérité parce que la “Vérité“ qu’est Dieu lui-même est entré et entre dans le monde.

Et cette épreuve de vérité est une épreuve gigantesque que nous n'arrivons pas à mesurer, où la “Vérité“ elle-même - Dieu fait homme - est éprouvée et crucifiée et où l'homme est éprouvé par cette Vérité crucifiée, brûlé par elle. Cette colère de Dieu, “colère qui vient“, dit Jean Baptiste, colère de l’Amour divin pour l’homme, cette colère est manifestée dans le Christ, Dieu prenant Corps pour “enlever“ lui-même le mensonge de l’homme, le péché du monde !

Cette colère qui vient, ce “baptême dans l’Esprit-Saint et dans le feu“, c'est bien l'épreuve de notre temps, c’est-à-dire de notre vie actuelle où, encore une fois, la “Vérité“, pour entrer en nous, subit la passion que l'homme lui inflige et qu’il s’inflige en même temps. Et cette colère qui vient, cette Vérité qui entre dans le monde, l'engeance de vipères que nous sommes n'a aucun moyen d'y échapper si ce n'est par des fruits dignes de conversion

Alors, les gens, devant cet évènement imminent de la “Vérité“ qui entre dans le monde, demandent : “Que faut-il faire ?“. Jean-Baptiste répond : “Faites des œuvres justes”, ajustées au Christ “plein de grâce et de vérité“. Et sur cette réponse, il n'y a pas de commentaires à faire.

Mais sachons que faire une “œuvre juste“ est d’une terrible exigence : “Que celui qui a deux vêtements, qu’il partage… !”. Essayez et vous verrez que c’est presque impossible, parce que chacun possède toujours encore une moitié de quelque chose qu'il faut donner. Et si nous devons donner chaque jour la moitié de la moitié, qui sait jusqu'où cela ira… Jusqu’au dépouillement de la croix, avec le Christ !

Au demeurant cela paraît simple, mais c'est d'une telle exigence que nous sommes incapables de nous convertir. Cet appel, ce baptême que nous propose Jean-Baptiste se révèle d’une exigence inouïe, comme une colère de Dieu !
Mais Jean-Baptiste ajoute avec force: “celui qui est plus fort que moi vient !” Et ce “plus fort” ne cesse de nous baptiser dans “l’Esprit Saint et le feu“, dans son mystère pascal en lequel il nous fait entrer, ne serait-ce que par l’Eucharistie que nous allons célébrer.

Finalement, l'épreuve dans laquelle nous sommes, devient avant tout,  avec le Christ pascal, une grâce qu'il faut accueillir et qui peut nous permettre d'affronter l'exigence, une grâce qui nous permet de nous préparer à célébrer dignement la fête de Noël et l’Epiphanie dès aujourd’hui et pleinement au jour d’éternité ! Et cela déjà dans la paix et la joie malgré l’épreuve de notre temps !

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