lundi 3 décembre 2012

En terre païenne !


 Avent 1 Lundi  12-13  - 

“Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident et prendront place au festin du Royaume de Dieu“.

C’est un fait : Jésus aimait se rendre  en “terre païenne“.

- Ainsi, après le grand signe de la multiplication des pains - mémoire du  “don“ de la manne au désert et annonce du “don“ de l’Eucharistie -, énervé par l’opposition systématique des pharisiens, déçu par l’incompréhension de ses apôtres, Jésus se rend à Bethsaïde où il guérit un sourd-muet : “Il fait entendre les sourds et parler les muets“ (Mc 7.37). Eux, les sourds, des païens,  ils comprennent !  Et proclament ! (kérygme)

- Puis (d’après Math.), il envoie ses disciples le précéder sur “l’autre rive“ pendant qu’il va prier. Il les rejoint, marchant sur les eaux tumultueuses, ce qui rappelle l’épisode de la tempête apaisée (Mc 4.35) ; deux récits qui font  allusion au livre de Jonas, ce livre le plus universaliste de l’A.T. : ce sont des païens qui se convertissent à la Parole de Dieu ! Des païens !

- Arrivé en Décapole, pays païen par excellence (Ils élèvent des cochons et en mangent, rendez-vous compte !),  il guérit un “démoniaque“ qui, lui, veut “suivre Jésus“ ! Mais Jésus l’envoie proclamer (kérygme) dans la Décapole les merveilles qu’il a faites pour lui. C’est un païen, le premier, qui “proclame“ (kérygme) le message de Jésus !

- Et pourquoi ne pas situer là l’épisode de la “Syro-phénicienne“, païenne de l’Ouest (sud du Liban actuel), figure qui correspond à ce païen démoniaque de l’est. Elle, elle semble avoir compris - au contraire des pharisiens et même des disciples - le sens du signe par excellence de la multiplication des pains puisque qu’elle se suffirait “des miettes qui tombent de la table“. Elle seule, cette païenne, semble quelque peu comprendre  ce grand Signe de Jésus !

C’est un fait ! Jésus aime les païens ! Il séjourna que peu de temps en Judée et encore moins en Samarie. Beaucoup plus en Galilée, autour du lac et dans la plaine d’Izréël. Et souvent en terre païenne. La “confession de Pierre“ eut lieu en terre païenne, dans les parages des sources du Jourdain !

Cet “universalisme“ que Jésus proclame autant par ses paroles que par ses actes, n’est pas toujours évident. Ce fut le “drame“ de l’Eglise elle-même en certaines époques de son Histoire. C’est peut-être encore le drame de notre foi ?

 Mais, là encore, il faut situer cet idéal dans  une évolution, dans une progression qui est le résultat de toute une “pédagogie de Dieu“ à notre égard. Comme pour l’éducation d’un enfant : au début, l’enfant ne pense facilement qu’à lui-même. Il ne fait que crier ses besoins (ne seraient-ce qu’alimentaires), ses envies… Il est égoïste. Mais au fur et à mesure que sa personnalité se construit, peu à peu, il devient capable d’accueil, capable de regarder son frère, sa sœur comme un autre lui-même…

Ainsi, de même, quand le peuple d’Israël, nouvellement “enfanté“ en l’Alliance du Sinaï après sa “sortie“ d’Egypte, arrive entre en “Terre promise“, il n’a pas d’autres moyens, pour garder sa trop jeune consistance spirituelle, sa foi au Dieu Unique, face au polythéisme ambiant, cette “abomination des nations“, que de pratiquer égoïstement (comme un enfant) l’“anathème“. Il est encore “spirituellement“ égoïste.
- Il suffit de se souvenir de toutes les conquêtes narrées dans le livre de Josué qui est un livre plus théologique, prophétique qu’historique.
- Il suffit de se souvenir d’Elie. Certes, il confond les prêtres de Baal. Cependant l’épisode se termine ainsi : “Elie fit descendre les prêtres de Baal près du torrent de Qishôn et il les égorgea“ (I Rois 18). Elle n’est quand même pas très normative, cette histoire-là !

Malheureusement, l’histoire de l’Eglise elle-même comporte des incidents analogues. C’est qu’il faut situer tout cela dans une certaine évolution…, une pédagogie de Dieu à l’égard de l’homme, même à l’égard de “l’homme spirituel“, comme dit St Paul, qui doit toujours être en croissance à l’intérieur de nous, dans l’attente d’être parfaite “image de Dieu“. Dans cet évolution de l’“homme spirituel“, il faut sans cesse trouver et retrouver sa consistance dans sa foi pour ne pas être désintégré afin de mieux intégrer.

Il faut se rappeler l’épisode de Pierre à Jaffa. Puis à Césarée. Il est dépassé par les événements : des païens qui viennent à la foi au Christ ! Mais il comprend finalement qu’il peut baptiser le Centurion Corneille, un païen ! Quel grand pas ! Des païens peuvent être assimilés au Corps du Christ !

Et peu à peu, l’Eglise prendra conscience de sa vocation à l’universalité.

C’est St Paul, me semble-t-il, l’apôtre “des îles lointaines“ qui a donné la formule d’orientation pour une juste intégration : “Tout est à vous ; mais vous, vous êtes au Christ ; et le Christ est à Dieu !“.

Il y a une telle puissance d’intégration dans le Christ ! Un chrétien ne doit donc avoir aucune pusillanimité devant tout ce qui est proposé au nom de l’art, de la science et face aux nations quelles qu’elles soient. Mais encore faut-il  qu’il ait une personnalité d’adulte, capable d’intégration : “Vous, vous êtes au Christ !“. C’est tout le problème de la consistance personnelle dans la foi qui donne la capacité d’intégration. Car il y a toujours un risque de dislocation à cause de tout ce qui nous est offert matériellement, intellectuellement, spirituellement, à droite comme à gauche.

Alors il faut savoir pratiquer ce grand remède : Il faut, de temps à autre, savoir retourner au “désert“, ce lieu privilégié où Dieu parle au cœur (1). C’est dans ce “désert“ qu’on retrouve de la consistance dans notre foi afin de mieux accueillir, intégrer, digérer tout ce qui se présente…, afin de mieux rencontrer nos frères dans le Seigneur !

C’est le vœu que je forme pour tous et chacun en ce début d’année liturgique. Le temps de l’Avent est peut-être l’occasion d’une “cœur à cœur avec le Seigneur pour que notre foi devienne de plus en plus épanouissement et pour nous-mêmes et pour ceux qui nous entourent. C’est en ce sens que je me permets de vous dire : “BONNE ANNE !“


(1) Il y a un jeu de mots en hébreu, dans Amos 2.16 : “Je la conduirai au désert (midbar) et je parlerai (dibarti) à son cœur“ : “midbar dibarti“ : “au désert, je parlerai“.

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