vendredi 17 février 2012

Suivre le Christ !

6 T.O. Vendredi (Mc 8.34-9.1)

Avec l’évangile d’hier et celui de demain, nous sommes au cœur de l’évangile de Marc !

Jusqu’ici la grande question était : “Mais qui est donc cet homme ?“, Jésus. Nul n’a parlé comme lui avec une telle autorité. Et il accomplit des merveilles : il fait parler les muets et rend la vue à des aveugles. Même les démons lui obéissent ! Qui est-il donc ?

Et enfin, après la multiplication des pains, le SIGNE par excellence où Jésus se révèle de plus en plus - nouveau Moïse -, après les atermoiements des apôtres, Pierre, futur chef des apôtres, affiche sa foi : “Tu es le Christ !“.

Ainsi, la confession de Pierre à Césarée constitue une véritable décharge, après huit chapitres d’attente, d’essais infructueux, d’erreurs même sur l’identité de Jésus - c’est souvent notre cas, n’est-ce pas ? -. Les disciples paraissant avoir “l’esprit bouché(6.52), n’y comprenant rien (8.17-21), voilà qu’éclate enfin, pour la première fois, la reconnaissance de la véritable identité de Jésus !

Mais comme l’aveugle de Bethsaïde que Jésus vient de guérir, la vision de Pierre manque de clarté. Il voit bien, certes ! Mais il voit mal encore. Il voit en Jésus un Messie encore trop temporel. Il proteste quand Jésus parle de passion, de croix, de résurrection d’entre les morts le troisième jour, et de sa venue en gloire. Pierre (et parfois nous-mêmes avec lui) ne comprend pas !

Et si Jésus le rabroue, il lui fait comprendre en même temps - c’est notre évangile - que pour le “voir vraiment“, avec netteté, il lui faudra le suivre jusqu’au bout, jusqu’à la mort sur la croix qui sera suivie de sa manifestation dans la gloire de son Père, ce qu’annoncera clairement le récit de la Transfiguration (Evangile de demain).

Il faut suivre le Christ ! Pour bien le connaître ! St Marc le souligne fortement. Et remarquons-le, cette exhortation s’adresse autant aux apôtres qu’à la foule : “Jésus appela la foule avec ses disciples“ ; elle s’adresse à tout homme : “Si quelqu’un (n’importe quel quidam, dirait-on) veut venir à ma suite…“ (v/34). “Et quel avantage l’homme (en général) a-t-il à gagner le monde entier ?“ (v/36).

Il s’agit donc d’être toujours “en chemin“, “sur le chemin“ avec le Christ. L’expression revient souvent sous la plume de Marc. Et ce “chemin“, il l’indique clairement : la route vers Jérusalem et l’itinéraire qui consiste à le suivre sur son “chemin de croix“, avant son entrée dans la gloire du Père !

L’originalité de St Marc consiste à avoir rattaché immédiatement à la première reconnaissance du Christ l’annonce du sort de souffrance et de mort qui attend le Messie. Au moment même où, avec Pierre, on croit enfin pouvoir le saisir, le connaître, Jésus révèle lui-même quelle destinée de souffrance cette identité implique.

[Le P. Benoît Standert (un spécialiste de Marc) fait une comparaison intéressante : « Dans “L’Annonce faite à Marie“ de Paul Claudel, il y a un moment crucial du retour sur scène de Violaine. C’est précisément à l’instant où tout le monde croit pouvoir se réjouir de la revoir enfin qu’elle se révèle marquée par la lèpre. Le drame se poursuit en chacune des personnes présentes : il s’agira dorénavant d’accepter Violaine avec sa lèpre, et d’entrer avec elle dans son mystère - elle qui a assumé son sort jusqu’au bout ».]

Ainsi, Jésus, bien identifié comme Christ, déchire le voile de cette identité en quelque sorte pour révéler le mystère de l’ignominieuse croix qui l’attend. En rattachant la “Confession de Pierre“ et l’annonce de la Passion l’une à l’autre comme en une seule intrigue, Marc établit le paradoxe de toute sa catéchèse, le paradoxe de la vie chrétienne : anéantissement et résurrection. Le chrétien, selon Marc, doit passer par cet unique mystère paradoxal : mort et vie !

De plus, on peut dire que l’histoire des premières persécutions, et en particulier la mort cruelle de tant de chefs de Communautés (Jacques, Pierre, Paul), presse l’évangéliste, survivant de la première génération, à centrer tout son évangile sur le mystère pascal.

On mesure toute la gravité et le sérieux de l’évangile de Marc. La condition chrétienne consiste à “marcher“ à la suite de Jésus, fils d’homme, qui sera rejeté, crucifié, mais qui appartient à Dieu. Mais dès le début et au-delà de sa mort, Dieu a mis en lui toute sa complaisance et l’appelle “Mon Fils bien-aimé(1.11 ; 9.7). Marc nous invite donc à un acte d’abandon unique et entier qui nous fait passer, par-delà l’ignominie de la croix, à la gloire du Ressuscité. Même si la gloire n’est apparue qu’un instant et à quelques-uns seulement (les trois apôtres privilégiés de la Transfiguration), tandis que la croix semble dominer toute l’existence, il reste cette émouvante proximité de celui qui a souffert pour nous. Proximité qui est révélée aux mêmes trois apôtres : “Et ils ne virent plus personne, que Jésus seul !“

Puissions-nous vivre de cette présence : “JESUS SEUL !“.

Aucun commentaire: