jeudi 23 février 2012

Liberté !

Jeudi ap. Cendres. - (Deut. 30.15-20)

“Si tu écoutes les commandements de ton Dieu… !“. C’est ainsi que Dieu s’adressait à son peuple pour réaliser l’“Alliance“, au Sinaï. Je te propose… A toi de choisir…

On n’aime pas guère ce langage aujourd’hui ! Des commandements et encore des commandements… Et notre liberté ? qu’en fait-on ?

La liberté a été le grand rêve de l'humanité, dès le début de l’humanité (avec le symbole de la “Tour de Babel“ !), mais particulièrement à l'époque moderne. Nous savons que Luther affirmait que la Règle monastique, la hiérarchie, le magistère lui apparaissaient comme un lien d'esclavage dont il fallait se libérer. Par la suite, la période du “Siècle des Lumières“ a été guidée, pénétrée par ce désir de liberté, que l'on considérait avoir finalement atteint… Et aujourd’hui, la liberté, comme dit notre pape Benoît XVI, est devenue le libertinisme ! Ce n’est plus la liberté, mais plutôt l’échec de la liberté !

On oublie que Dieu seul est libre parce qu’il est Dieu et qu’il ne doit à personne son existence.

Une liberté créée est donc un paradoxe, puisqu’elle suppose une origine non libre (Je n’ai pas demandé à venir à l’existence !). Une liberté créée est une liberté – un peu comme celle d’un adolescent face à ses parents -, qui se construit dans le dessein d’un autre : Dieu ! Certes, la dépendance serait épouvantable si ce Dieu Créateur était un tyran, comme les tyrans humains (aujourd’hui encore !).

Si, au contraire, ce Créateur nous aime - or “Dieu est Amour !“ -, notre dépendance signifie alors être dans l'espace de son amour, être dans la charité de Dieu, Créateur par amour, participer, si nous le voulons - “A toi de choisir“ - à son pouvoir créateur, à sa liberté absolue d’amour.

C’est là que réside notre propre liberté : être et agir en Dieu, avec la liberté de Dieu-Amour. L’homme est doté d’une vocation à laquelle cependant il doit répondre librement, par amour. “Si tu veux… Choisis… A toi de voir“ ! Une liberté créée est avant tout une vocation à devenir libre…, de la liberté d’amour de Dieu ! Et c’est jour après jour que nous réalisons notre liberté en union avec Dieu-Amour… par divers choix.

Ce discours en irrite beaucoup. C’est vrai que nous avons une liberté limitée, que nous sommes libres sous condition, sous condition divine !

Alors, l’homme moderne décrète : c’est mauvais ! Puisque ce n’est pas la liberté totale, ce n’est pas la liberté du tout. Tout ou rien ! C’est une réaction adolescente, voire infantile. Et tout homme, tout chrétien passe un jour ou l’autre par cette révolte infantile avant d’accepter d’être “contraint“ de devenir libre selon le dessein d’un Autre. Comme pour l’adolescent avec ses parents - même si comparaison n’est pas raison - Dieu apparaît d’abord comme un concurrent, un rival qui nous empêche d’être des dieux libres par nos propres forces ! Au lieu de le devenir par vocation divine !

St Irénée avait bien compris cela : “Il te faut d’abord garder ton rang d’homme ; et ensuite seulement recevoir en partage la gloire de Dieu. Car ce n’est pas toi qui fais Dieu, mais Dieu qui te fait“.

Après St Paul ! Car l’apôtre a une réflexion remarquable à ce sujet : “frères, c'est à la liberté que vous avez été appelés. Seulement, que cette liberté ne donne aucune prise à la chair ! Mais, par l'amour, mettez-vous au service les uns des autres“. (Gal 5.13)

- “Que cette liberté ne donne aucune prise à la chair !“. - Dans le langage de Paul, la “chair“, ce n’est pas le “corps“ : ce mot est l'expression du “Moi“ rendu absolu, du “Moi“ qui veut être tout et prendre tout pour soi, ce “Moi“ absolu qui ne veut dépendre de rien ni de personne pour acquérir par lui-même une prétendue liberté : Je suis libre si je ne dépends de personne, si je peux faire tout ce que je veux. Or, ce “Moi“ rendu absolu est précisément “chair“, c'est-à-dire destiné à une dégradation inéluctable. Car, en réalité, l’homme n’est pas un absolu, comme si le “Moi“ pouvait s’isoler et se comporter selon sa volonté propre ; il reste créature, devant donc vivre dans une relation avec le Créateur. Créatures, nous sommes des êtres obligatoirement relationnels. Ne pas accepter cela, c’est nous mentir ; et nous mentant, nous nous détruisons ! Avec une liberté qui donne prise à la chair !

“Mais,

par l'amour, mettez-vous au service les uns des autres“
– Car si, délaissant notre “Moi“ rendu absolu qui engendre une fausse liberté, nous nous mettons en relation avec Dieu-Amour, dans le vaste espace de l'amour de Dieu-Créateur, nous sommes, du même coup, en relation véritable les uns avec les autres. En d'autres termes, la liberté humaine implique également être avec l'autre et pour l'autre, de sorte que chacun trouve sa place dans une sorte de symphonie de liberté à la louange de Dieu-Amour !

Sujet, certes difficile ! Aussi, St Paul a raison de conclure : Si vous vous laissez conduire par l’Esprit - l’Esprit d’Amour -, vous n’êtes plus soumis à la loi (de la chair), vous n’êtes plus esclaves, mais des hommes libres !

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